Confinés et mal logés : non à la double peine !

Je l’écrivais au début de ces chroniques de confinement : l’appel à l’« unité nationale » dans la lutte contre le Coronavirus ne nous réduira pas au silence. Elle ne nous empêchera pas de dire haut et fort que tous les Français ne sont pas égaux, a fortiori face à la pandémie. Au contraire, celle-ci agit comme un révélateur des inégalités et des fractures qui minent depuis des décennies notre pays. Et c’est notre devoir de représentants du peuple que de porter la voix de ceux qui sont les particulièrement touchés. Les plus modestes et les habitants des quartiers populaires, qui souffrent déjà au premier chef des inégalités et qui, en temps de crise, subissent une forme de double peine. Je voudrais revenir ici plus longuement sur l’un de ces maux qui affectent de façon endémique un grand nombre de nos concitoyens, et qui se trouvent exacerbés en temps de crise sanitaire et de confinement : le mal-logement.

Le confinement exacerbe les risques sanitaires pour les mal-logés

« Le confinement, pour les mal-logés, c’est comme si on les mettait en prison. » Ce constat, que dressait récemment un journaliste, résume bien les conséquences dramatiques de l’urgence sanitaire actuelle pour des millions de nos concitoyens mal logés. Être confiné et mal logé, c’est courir des risques sanitaires accrus. La propagation du Coronavirus est étroitement liée au taux d’occupation par pièce — évidemment élevé dans des logements trop exigus. Ainsi qu’à l’état du système immunitaire des occupants — fragilisé dans bien des cas par des métiers particulièrement précaires et pénibles. Le manque d’entretien et de nettoyage des communs par certains bailleurs en fait également des foyers de contagion. Le confinement accroît aussi les pathologies habituellement liées au mal-logement, telles que les problèmes respiratoires provoqués par des logements humides, mal ventilés.

Le confinement démultiplie le mal être quotidien

Plus largement, être confiné et mal logé, c’est voir se démultiplier les souffrances sociales associées chaque jour à la vie dans un logement insalubre, inconfortable, trop exigu. Manque d’espace pour les activités quotidiennes de chacun, pour les enfants et les jeunes. Des situations qui peuvent provoquer des tensions familiales, parfois d’une gravité extrême : les signalements de violences conjugales auraient ainsi augmenté de 30 % en une semaine à peine de confinement. Des situations qui poussent aussi certains habitants, en particulier les adolescents et les jeunes adultes dépourvus d’espaces privés, à continuer à sortir dans la rue en bravant le confinement. Ils s’exposent particulièrement à la maladie et cela risque d’accroître les tensions avec les forces de police. À cela s’ajoute le fait que les personnes mal logées occupent bien souvent un emploi précaire qu’elles ne peuvent interrompre. Elles ont en même temps le plus besoin du soutien des services sociaux dont l’accessibilité se trouve momentanément réduite.On mesure le caractère explosif et dangereux de la situation présente.

Le confinement met directement en danger les personnes sans domicile

Explosive et même catastrophique, la situation l’est plus encore pour les personnes sans domicile. Je pense à celles et ceux qui sont contraints de s’entasser dans des campements de fortune. Un collectif a ainsi alerté sur la situation des 19 000 Rroms vivant dans des bidonvilles ou des squats dans notre pays. J’ai été témoin d’une situation similaire dans la circonscription où je suis élu, à Aubervilliers et Pantin, où un campement de plusieurs centaines de réfugiés suscitait une inquiétude considérable, face à laquelle j’ai alerté les autorités. Je pense plus largement à toutes celles et ceux qui vivent à la rue.

L’interruption d’une partie de l’aide associative et humanitaire du fait du confinement et l’impossibilité pour les bénévoles d’assurer seuls le soutien qui manque de la part de l’État, accroît le dénuement dont souffrent ces personnes. Et la situation sanitaire, déjà dangereuse en temps normal, devient catastrophique en temps de pandémie : comment peut-on observer les précautions sanitaires quand l’on vit sous la tente, sans point d’eau, sans sanitaires ? Laisser s’installer de telles situations, c’est faire courir un risque direct aux personnes concernées dont la santé est déjà extrêmement fragile ; c’est mettre plus largement en danger la santé publique en augmentant les risques de propagation de l’épidémie de coronavirus.

Le mal-logement : un scandale qui dure depuis des décennies

Ce que les tensions qu’engendre la crise sanitaire actuelle font ressortir au grand jour, c’est un scandale qui dure depuis des décennies, dans la passivité volontaire des gouvernements successifs. Ce qu’elles révèlent, c’est la faillite d’un modèle économique libéral qui a conduit à ce que notre pays compte aujourd’hui quatre millions de personnes mal logées. Près d’un million sont privées d’un logement personnel, qu’elles soient sans domicile fixe ou sans domicile propre, hébergées chez un tiers ou dans un habitat de fortune ; près de trois millions vivent dans des conditions de logement très difficiles, dans un logement sur occupé et/ou insalubre. Plus largement, presque douze millions de nos concitoyens se trouvent dans une situation locative fragile ou précaire, payant des loyers ou des coûts énergétiques trop élevés, privés de chauffage. Tous les indicateurs témoignent d’une tendance alarmante à l’aggravation de la situation, faute d’une action résolue du gouvernement. Au contraire, comme le rappelle la Fondation Abbé Pierre dans son rapport 2020, Macron « aggrave la situation par une politique de coupes budgétaires inédites dans le domaine du logement » et par des mesures qui visent à casser le modèle français du logement social.

Les quartiers populaires sont les premiers touchés

Les habitants les plus modestes des quartiers populaires sont évidemment les premiers touchés par ces situations, en période de confinement comme en temps normal. Je le vois chaque jour en Seine–Saint-Denis, à Aubervilliers et Pantin. Presque la moitié des habitants qui viennent à ma rencontre à l’occasion de mes permanences parlementaires le fait pour un problème de logement : logements insalubres infestés d’insectes, de rongeurs, de champignons ; logements suroccupés où des familles s’entassent sans pouvoir mener une vie normale ; demandes de logement social sans réponse depuis des années, menaces d’expulsion. Triste constat, qui n’a, hélas, rien d’étonnant : la Seine–Saint-Denis est le département d’Île-de-France qui compte le plus de logements insalubres, et 110 000 demandes de logement social sont en attente faute de solutions. Aux portes de Paris et le long du périphérique, les bidonvilles que l’on croyait appartenir au passé ont refait leur apparition depuis plusieurs années. Malgré toutes nos alertes, le gouvernement se mure depuis des années dans le déni et les solidarités interdépartementales ne jouent pas. À l’heure où le Coronavirus aggrave les situations déjà existantes, cela ne peut plus durer !

Agir résolument face à l’urgence

Face à l’urgence sanitaire, certaines dispositions ont bien été prises pour mettre à l’abri les personnes à la rue. La trêve hivernale a été prolongée de deux mois. Le ministre chargé de la ville et du logement a mobilisé 50 millions d’euros. Il négocie avec les groupes hôteliers pour que l’hébergement d’urgence puisse se faire en chambres d’hôtel individuelles, évitant ainsi un accueil en gymnase qui ne garantit pas le respect des conditions sanitaires. La plupart des réfugiés évacués du camp d’Aubervilliers ont par exemple pu bénéficier de ces dispositions. La distribution de l’aide alimentaire s’organise, grâce à l’engagement remarquable des communes, des départements, et des acteurs associatifs.

Mais ces dispositions demeurent dramatiquement insuffisantes : il faut de toute urgence les massifier et les systématiser. Réquisitionner massivement les logements vacants pour généraliser les mises à l’abri et loger qui doit l’être. Au lieu de conclure un partenariat avec AirBnB, comme l’a annoncé de façon invraisemblable le gouvernement, qui compte visiblement sur une entreprise qui pratique l’évasion fiscale pour assurer la solidarité nationale. Prononcer un moratoire sur les mensualités de remboursement des accédants à la propriété, sur les factures d’électricité, d’eau, de gaz, de téléphonie des plus fragiles, et sur les loyers des plus modestes. La mairie de Lisbonne a ainsi suspendu jusqu’au mois de juin les loyers de 24 000 familles du parc social. Berlin, Barcelone ont annoncé vouloir en faire de même. Malgré certaines initiatives ponctuelles de bailleurs, on attend toujours un dispositif similaire en France. Si les loyers de nombreuses TPE et PME ont été suspendus — et c’est un bien — pourquoi ne peut-on pas le faire pour les particuliers ? Qu’attendent Macron et son gouvernement pour impulser le mouvement ?

Planifier le monde d’après la pandémie : pour un logement universel et durable

Nous avons aussi l’ardente obligation de penser et de planifier l’après-crise, en éliminant définitivement le fléau du mal-logement, pour que la situation actuelle ne se répète plus jamais. De longue date, La France insoumise a réfléchi aux solutions qu’il faut apporter à la crise du logement qui touche notre pays depuis des années. En interdisant les expulsions sans relogement. En renforçant l’arsenal qui permet de lutter contre les marchands de sommeil et les bailleurs voyous, dans des délais courts. En mettant en place une sécurité sociale du logement sous la forme d’une caisse de solidarité nationale couvrant les impayés de loyer. En encadrant véritablement les loyers à la baisse et en mettant un terme à la spéculation immobilière. En construisant massivement des logements réellement sociaux (PLAI et PLUS) et répondant aux critères écologiques, au rythme de 200 000 par an jusqu’à atteindre un million de logements supplémentaires. En augmentant à 30 % le quota minimum de logements sociaux dans les communes soumises à une forte tension locative. Ces solutions sont connues. Nous les avons formulées dans notre programme l’Avenir en Commun. Elles ont été portées par Jean-Luc Mélenchon lors de l’élection présidentielle de 2017.

Macron n’a pas la solution. Nous, on peut !

Comment peut-on croire que Macron et les siens aient la solution à nos difficultés ? Ils ne sont pas crédibles. Quand c’est à cause du modèle libéral qu’ils défendent que le mal-logement s’enracine depuis des décennies. Quand ils se sont toujours refusés à agir pour le bien commun, et pire, ont toujours fait passer l’argent avant les besoins des gens, détruisant le logement social pour le seul profit de ceux qui spéculent sur l’immobilier. Non, ce n’est pas avec cette caste et ses recettes éculées que nous planifierons le monde d’après le Coronavirus ! Mobilisons plutôt les énergies du peuple, de toutes celles et ceux qui veulent tirer les leçons de la pandémie et de ce qu’elle nous révèle, pour que la crise accouche d’un monde plus juste. Nous, on peut !