Question écrite sur les référents LGBT dans les commissariats

La prise en charge des personnes LGBT victimes de discriminations ou de violences quand elles veulent porter plainte est trop souvent problématique. Minimisation des faits, discriminations supplémentaires, traitement inapproprié, nombreuses sont les difficultés auxquelles les personnes peuvent être confrontées en voulant porter plainte.

Les référents LGBT dans les commissariats et gendarmeries doivent aider à une bonne prise en charge des victimes, par un effort de formation supplémentaire et spécifique pour leur accueil.

Question écrite posée le 14/07/2020.

M. Bastien Lachaud interroge M. le ministre de l’intérieur sur le bilan de la mise en place de référents LGBT dans tous les commissariats et gendarmeries de France. Le 30 octobre 2018, le Gouvernement annonçait la mise en place de référents dans tous les commissariats et gendarmeries de France dans le but de lutter contre les actes homophobes et transphobes, ainsi que la mise en place d’une formation des référents LGBT. Ce dispositif vise à permettre une meilleure prise en charge des personnes LGBT victimes d’actes haineux. Dans un contexte où plusieurs études montrent que les actes anti-LGBT ont connu une forte augmentation, avec hausse de 36 % en 2019, il convient de s’interroger sur son bilan. À en croire la presse, 70 commissariats seraient encore actuellement dépourvus référents LGBT. C’est par exemple le cas dans de grandes villes comme Lille et Lyon.

La 6e circonscription de la Seine-Saint-Denis, correspondant aux communes d’Aubervilliers et de Pantin, n’est pas épargnée. Ainsi à, Pantin aucun référent LGBT n’a été mis en place au sein du commissariat. Au vu de la sous-dotation dont souffre la police, et plus généralement les services régaliens de l’État en Seine-Saint-Denis, il est à craindre que cette situation ne soit pas isolée dans le département. Par ailleurs, même dans les cas où les référents sont en poste, nombre d’entre eux déclarent manquer d’une formation spécifique pour l’accueil des victimes, ce qui est une tâche qui nécessite une préparation à part entière, l’apprentissage d’un savoir-faire et d’un vocabulaire adapté.

M. le député aimerait donc apprendre de M. le ministre la localisation des commissariats qui sont encore dépourvus d’un référent LGBT. Il aimerait connaître les dispositions qui ont été prises pour que tous les commissariats et gendarmeries de France disposent enfin d’un tel référent et savoir quand leur déploiement sera effectif sur l’ensemble du territoire. Il souhaiterait aussi savoir si tous les référents LGBT aujourd’hui en poste bénéficient d’une formation adéquate leur permettant d’accueillir les victimes dans les meilleures conditions et de leur fournir l’accompagnement approprié. Plus généralement, il aimerait apprendre de M. le ministre le bilan qu’il tire de l’action des référents LGBT, depuis l’entrée en vigueur de cette mesure en 2018. Il voudrait enfin apprendre quel est le bilan spécifique de cette mesure dans les territoires d’outre-mer.

Lire la réponse, publiée le 27/07/2021 :

Le plan de mobilisation contre la haine et les discriminations anti-LGBT 2017-2019 et le plan national de lutte contre le racisme et l’antisémitisme 2018-2020 ont conduit la police nationale à adopter diverses mesures pour améliorer la prise en charge des personnes lesbiennes, gays, bi et trans (LGBT).

Le plan de mobilisation contre la haine et les discriminations anti-LGBT prévoit en particulier de systématiser la désignation d’une « personne référente sur les questions LGBT » au sein de tous les services chargés de l’accueil des victimes, pour garantir notamment la maîtrise de la spécificité de l’accueil des personnes trans.

La police nationale a ainsi pris des mesures pour améliorer l’accueil des usagers LGBT : accueil de la personne trans en fonction du genre selon lequel elle se définit, possibilité d’être palpé ou fouillé par un agent du genre auquel la personne mise en cause s’identifie. Ces préconisations ont fait l’objet d’une instruction de la direction générale de la police nationale diffusée le 24 janvier 2019 à l’ensemble des services.

Par ailleurs, il convient de rappeler que la police nationale s’est engagée depuis 2014 dans une démarche de professionnalisation de la mission d’accueil, avec en particulier la désignation de « référents accueil » (officiers ou gradés) dans les services. Chargé d’évaluer, de coordonner et d’optimiser l’organisation de l’accueil du public, le référent accueil effectue un véritable « contrôle qualité ».

Il est autant un conseiller technique du chef de service qu’un soutien hiérarchique auprès des fonctionnaires travaillant à l’accueil. Du fait de leur expertise en matière d’accueil comme de leur positionnement au sein des services, les référents accueil de la police nationale assurent également le rôle de « référents racisme, antisémitisme, LGBT et discriminations ».

En 2020, la police nationale dispose de 627 référents accueil (493 dans les services de la direction centrale de la sécurité publique et 134 dans les services de la préfecture de police). Depuis septembre 2018, la formation de ces personnels a été adaptée pour prendre en compte les enjeux de l’accueil des personnes LGBT et les mallettes pédagogiques (« Référent accueil » et « Accueil du public ») ont été mises à jour. La formation « Référent accueil » est dispensée depuis mars 2014 dans les directions zonales au recrutement et à la formation de la police nationale. D’une durée de deux jours, elle permet au référent de mettre en place ou d’optimiser les moyens favorisant un accueil de qualité du public : organisation et animation de l’accueil, prise en compte des différents publics, enjeux et dimension psychologique de la mission d’accueil, outils de pilotage, de contrôle et d’évaluation, etc.

La formation « Accueil du public », d’une durée de quatre jours, est proposée aux agents exerçant des fonctions permanentes ou occasionnelles à l’accueil, qu’ils soient personnels administratifs, fonctionnaires du corps d’encadrement et d’application de la police nationale ou adjoints de sécurité. Outre l’étude des conditions adaptées pour optimiser la qualité de l’accueil (physique, téléphonique, etc.), la formation permet d’identifier les compétences attendues et prend en compte la dimension psychologique de cette mission. La formation permet ainsi aux personnels concernés d’appréhender les enjeux de la mission d’accueil dans le cadre d’un renforcement de la relation police-population, de valoriser cette mission et de leur donner les outils pour assurer au quotidien le meilleur service possible.

Depuis 2014, 1 628 agents de la police nationale ont suivi ces deux formations. Tous les policiers sont par ailleurs formés, dans le cadre de leur formation initiale, à la lutte contre les discriminations fondées sur les orientations sexuelles, avec l’intervention devant chaque promotion de la délégation interministérielle à la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la haine anti-LGBT, du Défenseur des droits et de l’association Flag ! Le renforcement, régulier depuis plusieurs années, de la loi pénale est étudié, de même que les règles éthiques et déontologiques au cours de la scolarité des commissaires et des officiers.

La scolarité des gardiens de la paix comprend des mises en situation (accueil, contrôles d’identité, etc.) qui abordent les discriminations envers les personnes LGBT. Alors que le site intranet de la direction centrale du recrutement et de la formation de la police nationale compte déjà un guide pratique de lutte contre les discriminations, réalisé sous l’égide de la délégation interministérielle à la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la haine anti-LGBT en collaboration avec le ministère de la justice et le Défenseur des droits, un guide plus spécifique de lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la haine anti-LGBT est en cours d’élaboration.

Enfin, il doit être rappelé que, dans le cadre du Grenelle des violences conjugales de l’automne 2019, le ministère de l’intérieur a décidé d’élargir la compétence de la plateforme de signalement des violences à caractère sexuel et sexiste aux discriminations et au diverses manifestations de haine (prenant par exemple la forme du cyberharcèlement).

S’agissant de la gendarmerie nationale, la formation à la diversité et au respect des autres est abordée de façon transverse tout au long de la carrière. Elle se concrétise par des actions de formation ou de sensibilisation depuis la formation initiale et au cours de formations continues, à chaque niveau d’exécution ou d’encadrement, avec des adaptations selon les responsabilités exercées, en particulier sur les plans du contrôle et du management. Les gendarmes sont ainsi formés tout au long de leur carrière à la lutte contre les discriminations sous toutes leurs formes (LGBTQI+++phobies, racisme, antisémitisme, sexisme, etc.), à travers des modules portant sur l’éthique et la déontologie, sur le contact, ainsi que l’accueil et la victimologie.

En 2020, l’ensemble des modules de formation à la lutte contre les discriminations a été refondu, tant dans l’architecture des cours que dans les méthodes d’enseignement. Ce travail a été mené conjointement par l’Inspection générale de la gendarmerie nationale (IGGN) et le commandement des écoles de la gendarmerie nationale. En formation initiale, cet enseignement a pour objectif l’acquisition d’un savoir-être déclinable dans les activités quotidiennes du gendarme (police judiciaire, police administrative, intervention professionnelle, numérique, etc.).

Les cours sont complétés, chaque fois qu’il est possible, par des conférences ou interventions dispensées notamment par l’IGGN (retours d’expérience), le défenseur des droits, la délégation Interministérielle à la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la haine anti-LGBT (DILCRAH), le référent égalité diversité, ou par d’autres acteurs associatifs avec lesquels la gendarmerie a conclu des partenariats. Les associations FLAG ! et SOS Homophobie sont amenées à intervenir au sein des écoles de gendarmerie à l’occasion d’un forum des associations ou à l’occasion de tables rondes organisées avec les élèves-officiers de l’école des officiers de la Gendarmerie nationale.

En matière de formation continue, cet enseignement est à nouveau enrichi, pour les officiers, lors des stages de préparation à certains emplois et dans le cadre de l’enseignement supérieur, pour les sous-officiers de gendarmerie lors de la préparation au diplôme technique d’officier de police judiciaire et de la formation à l’encadrement opérationnel, et pour tous les gendarmes non gradés, lors du stage de perfectionnement et de recyclage.

La formation spécifique à la lutte contre les crimes et délits de haine a, quant à elle, débuté en 2019, dans le cadre du plan interministériel de lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la haine anti-LGBTQ+++ sous le pilotage de la DILCRAH. Des formateurs relais « Lutte contre les crimes et délits de haine » ont ainsi été formés au sein des régions de gendarmerie par des enquêteurs de l’office central de lutte contre les crimes contre l’humanité, les génocides et les crimes de guerre. Ils ont pour mission de former les enquêteurs et les chargés d’accueil à une meilleure prise en compte des procédures dont le contentieux est lié à une infraction de haine. Six formations régionales se sont déroulées (Aix-en Provence, Marseille, Orléans, Caen, Drancy et Lyon). Enfin, sur le terrain, il est essentiel de pouvoir s’appuyer sur un réseau spécialisé de proximité au sein des unités.

C’est tout l’enjeu de la création du réseau RED (référents égalité et diversité), depuis 2016. Quarante coordonnateurs égalité & diversité sont ainsi chargés, au niveau des régions et formations administratives, de coordonner toutes les actions de formations et de sensibilisation menées par les référents RED. Ils ont pour principale mission la sensibilisation des personnels à la lutte contre les stéréotypes et les discriminations. La question de la haine anti-LGBTQ+++ est abordée dans ce cadre, au même titre que les 23 autres critères de discriminations définis par la loi. Chaque référent dispose d’une mallette pédagogique et fait partie d’une communauté numérique via le réseau social de la gendarmerie (RESOgend).

Le réseau RED est constitué de volontaires et animé par la référente nationale égalité et diversité de la gendarmerie nationale. Il compte actuellement 248 membres, formés (2 jours de formation en interne) pour mener ces actions. Ils jouent également un rôle de « capteurs ». Lorsqu’ils sont sollicités par des personnels en difficulté, leur mission est de les informer et de les orienter vers le bon interlocuteur en les accompagnants éventuellement pour faciliter la prise de contact. Ainsi, entre 2017 et 2020, près de 50 000 personnels de la gendarmerie nationale ont été sensibilisés. En 2020, seuls 5 500 personnels supplémentaires ont pu être sensibilisés par les RED en raison de l’impact de la crise sanitaire.

Cependant, toutes ces actions ont vocation à être pérennisées. Aussi, la révision du corpus textuel relatif aux mesures à prendre face à un acte LGBTphobe est en cours de finalisation. Au-delà d’une aide aux enquêteurs sur les qualifications pénales à viser et les éléments factuels à expliciter afin de mieux matérialiser l’infraction (Guide de l’enquêteur sur la répression des discriminations, Aide à la conduite des auditions via le logiciel de rédaction de la procédure), ce nouveau cadre précise également les fondements de la diversité LGBTQI+, la sémantique principale à maîtriser, les difficultés que peuvent rencontrer les victimes de tels actes dans leurs démarches, afin de prévenir des attitudes maladroites, bien qu’involontaires, qui pourraient renforcer le malaise d’un plaignant (e).

Cette doctrine actualisée s’attache aussi à présenter les dispositifs disponibles afin de mettre en relation les personnes exposées, en discrétion, avec les forces de sécurité intérieure via de nouvelles proximités numériques (plateforme de signalement des violences sexuelles et sexistes – qui verra la création en 2021 d’un canal dédié aux discriminations / Brigade Numérique / Plateforme PHAROS) et la valorisation des protocoles d’accompagnement (Intervenants Sociaux en Gendarmerie – Tissu Associatif national et local).

Enfin le déploiement depuis le 1er Janvier 2021 des maisons de confiance et de protection des familles dans 53 territoires renforce ce schéma intégré de prévention et de traitement des atteintes discriminatoires. Ces unités, localement, sont en charge de la construction, l’animation et la valorisation d’un réseau partenarial destiné à un meilleur accompagnement des victimes, au-delà de la prise de plainte.

Les militaires armant ces entités sont spécifiquement formés à la question des discriminations par des acteurs institutionnels (DILCRAH) et associatifs (SOS Homophobie, L’Autre Cercle) et peuvent également apporter une réelle plus-value aux gendarmes des unités territoriales. La couverture géographique de ces maisons doit se poursuivre durant les années à venir par la création de nouvelles structures.