Budget 2021 : pas de relance dans les armées

Pas de relance, pas de mise à jour doctrinale, un parlement consulté pour la forme, des dépenses floues, le budget des armées 2021 ne donne pas de cap !

Retrouvez mon explication de vote du budget des armées en commission :

Lire le texte de mon intervention :

Depuis que l’annexe budgétaire a été publiée, de nombreuses questions sont soulevées. Un malaise même. Il vient du fait que de grandes décisions, structurantes, ont été prises avant et seront prises après l’adoption de ce budget mais que, dans le fond, elles auront échappé à la représentation nationale.

Commençons par évoquer le cadre global dans lequel ce budget nous est proposé. Dans le contexte de crise économique et sociale engendrée par l’épidémie de covid-19, chacun reconnaît que la relance s’impose. Vous revendiquez d’y participer mais en réalité, il n’en est rien. Suivre la trajectoire budgétaire, même haussière, d’une LPM définie il y a trois ans, ne peut être considéré comme de la relance. Les PME de la BITD, les sous-traitants des grands groupes ont besoin d’une action volontariste qui ne se limite pas à lancer des commandes qui figuraient déjà dans de nombreux plans de charge. J’ai donné l’exemple de Tarbes Industry dont l’avenir est en jeu et je renouvelle mon alerte au sujet de ce prestataire de Nexter. Mais de nombreux autres sont également en danger. Une ligne budgétaire spécifiquement dédiée aurait été une bonne chose.

Considérons  le contexte militaire en tant que tel. Il est marqué par les prises de position des différents chefs d’état-major en faveur d’une révision de l’état des menaces et des moyens d’y faire face. En 2021, une clause de revoyure de la LPM est prévue. Dans ces conditions, on aurait pu penser que le lancement de grandes commandes s’accompagnerait, voire serait subordonné à une forme d’aggiornamento doctrinal. Ce n’est pas le cas.

Mais entrons dans le détail des mesures pour lesquelles nous ne possédons guère les éléments pour voter.

Commençons par les ressources humaines. La Nouvelle Politique de Rémunération des Militaires (NPRM) doit commencer à être mise en œuvre en 2021 mais nous ne savons que deux choses. Elle s’appuiera sur le déploiement de Source Solde, et elle commence par la création d’une prime dont le coût est estimé à 38M€. Elle est pourtant présentée comme une profonde transformation du système. Par conséquent, on est priés de voter la mise en chantier d’une politique fondamentale dont nous ne possédons pas le dernier mot.

Venons-en au Porte-avions de nouvelle génération (PANG).

6,9M€ de crédits de paiement et 330M€ d’autorisation d’engagements doivent être débloqués. Mais quand les données du problème ont-elles été exposées méthodiquement au public ou simplement à la représentation nationale ? Quand a-t-on pris le temps de construire ou du moins d’essayer de construire un consensus éclairé à ce propos ?  Jamais.

De même concernant l’avenir de la flotte sous-marine.

La décision de réfection du SNA Perle est tributaire d’expertises complexes, certes. Mais aucune des grandes pistes qui pourraient être suivies n’est mentionnée dans le document budgétaire. On compte deux mentions du SNA seulement et aucune ne précise combien il faudrait provisionner pour sa réfection. Le budget sera-t-il obsolète immédiatement après son adoption ?

La vente de 18 Rafale et le rachat de 12 neufs ne figurent pas non plus dans notre annexe budgétaire. L’échéancier des commandes-livraisons (page 440) ne présente pas cette opération quasiment assurée désormais. L’impact sur les capacités de l’armée de l’air demeure incertain et le bilan financier de l’opération tout autant. Il n’est pas certain que les produits de la vente revienne de Bercy à Brienne. Les appareils d’occasion seraient vendus 400M€, soit un rabais d’environ 60%. L’achat de 12 autres pour environ un milliard représenterait donc un trou d’environ 600M€. La dépense n’est pas anticipée.

Venons-en à l’un des chiffres les plus originaux de cette année: un milliard d’euros en autorisation d’engagement supplémentaires au bénéfice de projets immobiliers du renseignement. On comprend sans peine que les projets des services de renseignement bénéficient d’une certaine discrétion. Nous soutenons également le principe de la hausse de ce budget. Mais on a tout de même du mal à admettre que des opérations immobilières s’élevant à un milliard soient soumises à l’approbation des élus sans que quelques éléments techniques et juridiques ne soient présentés. Pour donner un ordre de grandeur, ce milliard représente à lui seul le tiers du coût initialement prévu pour Balard. De quoi nous laisser perplexe.

Enfin, parlons de la jeunesse avec le SNU. Le programme 212 transfère 461 000€ au programme 163 (jeunesse et vie associative) mais cela ne signifie pas que les armées en seront déchargées. La description de la sous-action « commandement et activités centralisées des forces aériennes » (programme 178 – sous-action 04-02) précise que son budget comprend la montée en puissance du SNU. Pour quel montant, on l’ignore. Qu’en est-il des autres armées ? On l’ignore également.

Finissons-en par les OPEX. La LPM prévoyait une dépense de 1,1 Md€. Le projet est de 820M€ dans cette loi de finances initiale. Ces 300M€ devront-ils être rattrapés pour boucler l’exercice ? En tout cas cette provision contrevient au principe de financement interministériel des OPEX et acte le maintien d’un haut niveau d’engagement pour lequel nous n’avons toujours pas de bilan stratégique. C’est, pour le moins, ennuyeux.

Pour conclure, je suis tenté de dire que la communication hypnotique sur le thème de « la remontée en puissance » laisse transparaître dans ce budget de nombreux impensés et laisse en suspens de nombreuses questions.