Justice : en finir avec les délais inacceptables

L’engorgement de la justice a des conséquences sur les droits des justiciables. Si les litiges ne peuvent être jugés dans des temps raisonnables, c’est un véritable déni de justice. C’est une inégalité d’accès au service public, quand certains départements sont particulièrement lésés, comme c’est le cas de la Seine-Saint-Denis.

En 2017, le Tribunal d’Instance d’Aubervilliers avait dû fermer ses portes au public, faute de pouvoir les accueillir, faute de personnels. Il est temps d’en finir avec des délais inacceptables.

Question écrite au gouvernement, posée le 05/10/2021 :

M. Bastien Lachaud interroge M. le garde des sceaux, ministre de la justice, sur l’engorgement de la justice et l’allongement consécutif des délais des procédures suite à la pandémie de covid-19. L’engorgement des juridictions constitue depuis de nombreuses années un problème structurel affectant l’ensemble du système judiciaire français. La cause de cet état fait, bien connue de tous, est à chercher dans le manque de moyens humains et matériels d’un service public de la justice en état de paupérisation. Pour ne citer que quelques éléments, la Commission européenne pour l’efficacité de la justice (Cepej) estimait en 2018 que la France consacrait 65,90 euros par an et par habitant à la justice contre 122 euros en Allemagne.

Au début de la décennie 2010, la France comptait 8 600 magistrats de l’ordre judiciaire, soit deux fois moins que la moyenne européenne. La justice française se classe régulièrement parmi les dernières à l’échelle européenne, tant au regard du budget par an et par habitant que du nombre de fonctionnaires de greffe, de juges et de procureurs. Des facteurs conjoncturels – les grèves des avocats et des transports de l’automne 2019 et surtout la pandémie de covid-19 à partir du printemps 2020 – sont venus exacerber cette situation.

Interrompant le fonctionnement normal du système judiciaire et le contraignant à opérer au ralenti, la crise sanitaire a eu pour conséquence inévitable d’allonger encore davantage les délais de traitement et d’accroître le stock des affaires non traitées. Selon les chiffres du ministère de la justice, le stock d’affaires civiles se serait trouvé alourdi de « près de 43 000 affaires » à l’automne 2020 par rapport à 2019 et de « 19 000 affaires » en matière correctionnelle. Dans les tribunaux de proximité, le nombre d’affaires en attente se serait accru de « près de 10 000 dossiers » et de « près de 15 000 » dans les juridictions prud’homales.

Le président du tribunal judiciaire de Paris, Stéphane Noël, évoquait par exemple en avril 2021 dans la presse « une dégradation des délais jamais atteinte ». Une telle situation de dégradation du service public de la justice engendre un préjudice considérable pour les justiciables – à tel point qu’il peut s’ensuivre que l’État soit condamné pour déni de justice : cela avait par exemple été le cas en 2017 lorsque le tribunal de grande instance de Paris avait donné gain de cause à plusieurs dizaines de plaignants de la Seine-Saint-Denis, département où se situe la circonscription d’élection de M. le député, qui dénonçaient les délais excessifs devant le juge aux affaires familiales.

La paupérisation et l’engorgement de la justice pèsent également lourdement sur le quotidien des acteurs de terrain, dont le dévouement et le professionnalisme font vivre l’institution. Ils ont enfin pour conséquence une dégradation de l’image de la justice et de la confiance que nos concitoyens placent en elle, situation préjudiciable à la Nation toute entière. Or aucune des dispositions prises par le Gouvernement ne semble avoir apporté une réelle réponse ni aux difficultés circonstancielles liées à la crise sanitaire, ni aux déficits structurels qui affectent de longue date le système judiciaire.

L’intersyndicale du tribunal judiciaire de Lyon résumait en ces termes le sentiment dominant, au mois de juin 2021 : « Il y a un fossé entre nos diagnostics sur les mesures qu’il conviendrait de prendre afin de rendre une justice de qualité dans des délais raisonnables et les réformes qui s’accumulent, sans cohérence, imposant des réorganisations continuelles que les juridictions ne sont plus en mesure d’absorber » ; « on a besoin de moyens pérennes, de magistrats, de greffiers. » Force est de constater que la hausse du budget de la justice pour l’année 2021, présentée par M. le ministre comme « historique » ne permet pas, pour l’heure, de répondre à ces revendications et de pallier les difficultés.

M. le ministre déclarait récemment que « nous avons désormais les moyens des ambitions ». Il souhaite donc apprendre quelles mesures il compte prendre et quels moyens humains et matériels il compte déployer, précisément et concrètement, pour garantir la bonne marche d’institution judiciaire, assurer le rattrapage des retards dus à la crise sanitaire, raccourcir les délais des procédures, assurer de bonnes conditions de travail aux différents acteurs et garantir les droits des justiciables.

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