Sur la déforestation importée

En septembre 2018, Bastien Lachaud interrogeait le ministère de la transition écologique et solidaire sur la politique de la France en matière de déforestation en Asie. A Bornéo, les industriels détruisent la forêt au profit de la culture de l’huile de palme. Or, cette activité a de graves conséquences, en matière écologique tout d’abord, mais aussi sur la population locale d’animaux, dont le périmètre de vie se voit dangereusement dégradé. De plus, en matière de santé publique, l’huile de palme n’est pas un aliment réputée sain. Il convient donc de souligner la nécessité urgente de prendre des mesures nationales pour arrêter de promouvoir les importations des firmes concernées.

M. Bastien Lachaud alerte M. le ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, sur la politique générale de la France relative à la déforestation importée. Les cultures du soja ou de l’huile de palme en Asie de l’Est se situent parmi les premières causes de la déforestation massive des forêts tropicales. Cette déforestation se manifeste par la venue d’entreprises qui rasent la forêt à l’aide de bulldozers pour atteindre du bois précieux. Il s’agit la plupart du temps d’arbres centenaires. Ces entreprises laissent derrière elles des pesticides pour empêcher la flore de repousser. Enfin, des palmiers à huile de palme sont plantés. Dans ces lieux, la dernière forêt vierge disparaît donc rapidement. Or cette déforestation menace l’écosystème et les équilibres fragiles de l’environnement, cela se constate avec un bilan carbone désastreux. Autre conséquence, l’exploitation massive et irresponsable du palmier à huile menace la biodiversité, richesse des forêts tropicales. Celles-ci abritent 80 % de la biodiversité terrestre. M. le ministre n’est pas sans savoir que l’extinction en cours des orangs-outans, qui ont perdu la moitié de leur population en à peine quinze ans, peut être intégralement imputée à la culture de l’huile de palme en Asie du Sud-Est. L’orang-outan, une espèce spécifique de Bornéo, et toute la faune de la région sont donc menacés. Il est urgent d’agir ! D’autre part, la déforestation puis les plantations de palmiers à huile menacent le mode de vie des populations autochtones qui vivent dans la forêt tropicale. Leur culture très riche, constituée sur des centaines d’années et leur savoir-faire de la forêt comme la connaissance des vertus des plantes ne sont pas reconnus. Par ailleurs, ils se trouvent menacés par les entreprises qui abattent leurs habitats. Leur territoire est loué à des groupes forestiers et de plantation. Cela fait des autochtones des habitants illégaux de leurs propres terres. Par ailleurs, les violations des droits de l’Homme vont de pair avec l’exploitation à Bornéo. Aujourd’hui, une série de jugements ont montré que cette manière de faire est illégale selon le Bruno Manser Fonds. Les défrichages des forêts pluviales depuis 1980 ne font que détruire la nature, leur base existentielle. Désormais ils doivent aussi combattre la menace des plantations. La situation à Bornéo, une des régions du monde affichant la plus forte biodiversité, va à l’encontre de la politique environnementale de l’Union européenne qui prévoit une protection des espèces et des habitats. Alors qu’attend-on pour agir et interdire aux entreprises qui ne respectent ni la nature, ni les droits des hommes d’importer leurs produits au moins en France ? Outre la culture, la consommation dans les pays importateurs pose question. La consommation d’huile de palme peut être mauvaise pour la santé, provoquant notamment des risques cardiovasculaires accrus, ainsi qu’une augmentation du taux de cholestérol. La production de biocarburants est une aberration, plutôt que d’engager la transition énergétique, les déforestations sont accrues pour reculer l’échéance. Le plan climat du Gouvernement promettait, en son quinzième axe, de publier en mars 2018 une stratégie nationale pour mettre fin à l’importation de produits forestiers ou agricoles importés contribuant à la déforestation. À l’heure actuelle, cette promesse n’est pas tenue et cette stratégie n’a toujours pas vu le jour. Quand cela sera-t-il fait ? Aussi, il lui demande qu’il veille à ce que la France prenne sa responsabilité quant à l’influence dans la déforestation des dernières forêts vierges et ses conséquences. Quand la stratégie pour mettre fin à l’importation de produits forestiers ou agricoles importés contribuant à la déforestation sera-t-elle enfin publiée et des mesures seront-elles prises ? Il lui demande quand, par exemple, des mesures de protectionnisme solidaire tendant à interdire l’importation des produits forestiers ou agricoles contribuant à la déforestation mondiale (produits agroalimentaires, cosmétiques, carburants etc.) seront enfin mises en place afin de lutte contre le fléau de la déforestation.

Le 29 octobre 2019, soit presque un an après le transfert de la question au ministère, Bastien Lachaud a enfin obtenu une réponse :

 

L’impact de la déforestation sur le climat est en effet significatif puisque la déforestation représente environ 11 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre. Un processus de mobilisation politique s’est mis en place dans le contexte de la COP21, faisant suite à la déclaration de New York de septembre 2014 sur les forêts. Quand une étude commandée par la Commission européenne montre que l’Europe serait responsable de plus du tiers de la déforestation liée au commerce international, la responsabilité de la France est de se saisir de ce problème. Ainsi, dans le prolongement de l’accord de Paris, la France a choisi de signer les deux déclarations d’Amsterdam en faveur de l’établissement de chaînes d’approvisionnement en matières premières agricoles durables, en décembre 2016. Ces déclarations sont des textes d’intention politique, non juridiquement contraignants, qui visent à promouvoir l’élimination de la déforestation des chaînes d’approvisionnement agricole dans les pays signataires, en soutenant les efforts du secteur privé vers un objectif de déforestation nulle d’ici 2020, pour l’huile de palme. Pour se doter d’objectifs plus engageants la France a adopté en novembre 2018 une stratégie nationale de lutte contre la déforestation importée (SNDI), comme prévu par le plan climat du Gouvernement publié en juillet 2017. L’approche choisie est ambitieuse, car l’objectif fixé est de mettre un terme à la déforestation importée au niveau français d’ici 2030. La SNDI a pour objectif de mettre en œuvre une combinaison d’actions destinées à engager un processus de transformation majeur en matière de lutte contre la déforestation. Elle définit notamment cinq orientations : – instaurer un dialogue entre pays consommateurs et pays producteurs ; – développer des axes de coopération internationale à travers l’Agence française de développement (AFD) avec un budget consacré au volet forêt sur les cinq prochaines années de l’ordre de 60 M€ par an, pour des actions relevant de la gestion durable, de la lutte contre la déforestation, de la restauration des écosystèmes forestier et de reboisement ; – partager et valoriser les connaissances de nos établissements de recherche, notamment le Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (CIRAD), l’Institut de recherche pour le développement (IRD), l’Institut national de la recherche agronomique (INRA) et le Centre national de la recherche scientifique (CNRS) ; – intégrer la thématique de la déforestation dans les politiques publiques internationales, européennes et nationales ; – et enfin, promouvoir l’engagement des acteurs privés autour de cette problématique à travers notamment, la création d’une plate-forme multi-sectorielle, produit de sortie concret et très attendu par les acteurs, qui doit permettre l’accélération des engagements en centralisant les outils et les informations nécessaires pour renforcer leur analyse de risques. L’élaboration de cette stratégie a mobilisé plusieurs ministères, en particulier ceux de la transition écologique et solidaire, de l’Europe et des affaires étrangères, de l’agriculture et de l’alimentation, des finances, de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation. Les actions formulées dans la stratégie ont été nourries par les recommandations portées par trois groupes de travail impliquant tous les partenaires issus du Groupe national sur les forêts tropicales (GNFT), instance de dialogue entre l’État et tous les acteurs concernés. Le Comité national de la transition écologique (CNTE), a rendu son avis sur le projet de SNDI le 12 juillet 2018. Enfin, la France devra valoriser cette expérience pour faire en sorte que la déforestation soit bien prise en compte lors des discussions européennes et internationales relatives à la déforestation, à la réduction des émissions de gaz à effet de serre, et dans le cadre de la négociation d’un nouveau cadre mondial sur la préservation de la biodiversité qui sera adopté, lors de la COP15 de la convention sur la diversité biologique, qui se tiendra en Chine fin 2020.