La semaine dernière, la crise politique italienne a été l’occasion d’un déversement inouï de clichés anti-italiens dans la presse allemande. Dans ce contexte, on a pu mesurer la vraie valeur des émouvantes déclarations sur l’Europe et la paix dont nous abreuvent les défenseurs de l’Europe allemande. C’est ce moment de vérité qu’Angela Merkel a choisi pour administrer à Emmanuel Macron une sérieuse rebuffade sur la politique européenne.
Depuis des mois, Emmanuel Macron ne cesse de faire des interventions extravagantes sur le thème d’une prétendue « souveraineté européenne ». C’est un concept absurde puisqu’il n’y a pas un peuple européen unique mais des peuples européens. Or la souveraineté réside dans les peuples. Donc il ne peut y avoir une souveraineté européenne unique. De cette évidence, Macron se fiche pas mal ; il est disposé à sacrifier la souveraineté nationale à sa lubie d’Europe fédérale ; comme son prédécesseur il s’imagine que les dirigeants nourrissent le même genre de projet et qu’ils seraient même prêts à y sacrifier leur position dominante sur le continent. Évidemment, il n’en est rien. Ce genre de naïveté n’a pas cours à Berlin et Angela Merkel l’a rappelé le 3 juin dernier dans une interview donnée à la Frankfurter Allgemeine Zeitung, l’équivalent du Monde outre-Rhin.
Aux propositions d’Emmanuel Macron pour renforcer le fédéralisme de l’Union européenne, la chancelière a répondu un tout petit « oui » pour la forme ; mais un vrai « non » sur le fond. Le président français voulait un budget d’investissement européen et un mécanisme d’entraide entre pays de la zone euro. Merkel accepte mais pose des conditions telles que rien de bon n’en sortira de toutes façons.
Pour le budget commun, elle refuse qu’il dépasse quelques milliards d’euro alors que Macron espérait obtenir plusieurs centaines de milliards. Il faut dire que dans ce cas, l’Allemagne, qui a accumulé des milliards d’excédents commerciaux sur le dos des autres pays européens, aurait dû mettre sans doute la main à la poche. Pourtant l’assèchement des budgets publics organisé ces dernières années par l’Union européenne a empêché les États d’investir. Le rattrapage sera indispensable mais l’Union européenne n’y fera rien : les peuples finiront bien par s’insoumettre et envoyer balader ceux qui prétendent leur dire combien ils doivent prélever d’impôts et comment les utiliser.
L’autre proposition, un nouveau mécanisme de solidarité au sein de la zone euro est encore plus perverse. Angela Merkel accepte la création d’un Fonds Monétaire Européen, un FME, c’est-à-dire un FMI d’Europe (Fonds Monétaire International). Évidemment, comme son grand-frère, « l’aide » apporté aux États par ce FME suivront les recettes libérales ordinaires et impliqueront une perte de souveraineté quasi-totale pour le peuple concerné. La Grèce a bien montré comment certains s’accommodent d’envoyer des fonctionnaires européens forcer la main de ministres. Évidemment les macronistes vont claironner victoire : dans le fond ils n’ont rien contre ce genre de procédés anti-démocratiques : la façon dont ils traitent la contestation sociale en France le rappelle tous les jours. Surtout, ils ont une grande habitude de faire dire aux choses le contraire de ce qu’elles sont. Ils n’auront aucun mal à appeler un mécanisme de solidarité ce qui ne sera qu’une « police de la dette » en plus.
Bien entendu, ce camouflet ne suffira pas à faire cesser l’aveuglement des euro-béats qui trouveront que c’est une étape formidable sur le chemin lumineux de l’Europe-fédérale-qui-protège-toujours-mieux. Pourtant, il s’agit une fois de plus de contourner la souveraineté populaire ; une garantie supplémentaire pour la caste de se prémunir contre l’élection de gouvernements refusant de se soumettre à leurs intérêts. Les élections européennes et les listes d’insoumission donneront l’occasion aux peuples européens de les ramener à la réalité.