Bastien Lachaud interpelle le ministère de l’Enseignement supérieur sur les expérimentations scientifiques sur des animaux. Une directive européenne encadre ces pratiques afin de les diminuer en proposant des alternatives n’impliquant pas les bêtes. Bastien Lachaud demande donc comment le gouvernement compte la mettre en place, ceci pour défendre le bien-être animal, êtres vivants doués de sensibilité.
Question écrite publiée le 11/09/18.
M. Bastien Lachaud interroge Mme la ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation sur l’expérimentation animale à des fins scientifiques. La question du bien-être animal suscite un intérêt croissant au sein de la population française et européenne, plus généralement. En effet, selon le sondage Eurobaromètre spécial n° 442 de mars 2016, 89 % des citoyens européens s’accordent à dire que l’Union européenne devrait faire plus pour promouvoir une plus grande sensibilisation à l’importance du bien-être animal au niveau international. Plus encore, 90 % des citoyens européens estiment qu’il est essentiel d’établir des normes élevées en matière de bien-être animal qui soient reconnues à travers le monde.
C’est à ce titre que les institutions européennes ont légiféré sur une thématique souvent ignorée lorsqu’il s’agit de traiter de la souffrance des animaux : l’expérimentation animale. Cette pratique est légale dans environ 80 % des pays du monde, dont la France, avec un encadrement juridique fluctuant. Sur ce sujet, en 2016, le député européen Younous Omarjee a porté une proposition de projet pilote visant à financer, au niveau européen, le développement de méthodes alternatives à l’expérimentation animale pour la recherche biomédicale.
Elle a été adoptée à une large majorité par la commission environnement, santé publique et sécurité alimentaire (ENVI) du Parlement européen, puis par le Parlement européen en session plénière. Le projet pilote est actuellement mis en œuvre par la Commission européenne qui alloue pour l’année 2018 une enveloppe d’un million d’euros au développement des méthodes alternatives à l’expérimentation animale.
Dans le cas de la France, les derniers chiffres datant de 2016 montrent que l’expérimentation animale touche 1 918 481 d’animaux, dont 59,6 % sont des souris. Différents types d’expérimentations sont menées sur les cobayes : les expériences toxicologiques (produits ménagers, pesticides) ; psychologiques (isolement, enfermement) ; militaires, notamment pour tester des armes bactériologiques ; et physiologiques (vivisection, brûlures). Rien de tout cela ne se fait sans souffrance physique ou psychologique.
C’est pourquoi la règle dite des trois R a été édictée. Il s’agit d’une règle de bioéthique mise en place en 1959, visant à assurer le bien-être des animaux dans les expérimentations scientifiques et suivant trois grands principes : réduire le nombre d’animaux utilisés pour les expériences ; raffiner la méthodologie utilisée, impliquant la notion de points limites (critères d’interruption, ou end-points) ; remplacer les modèles animaux par d’autres modèles lorsque cela est possible (simulations bioinformatiques, etc.).
Aujourd’hui, la France ne participe pas aux projets d’expérimentations certifiés 3R et le nombre d’animaux utilisés en laboratoire ne cesse de croître depuis 2014 alors même que ce dispositif a été introduit par la directive européenne 2010/63/UE du Parlement européen et du Conseil du 22 septembre 2010 relative à la protection des animaux utilisés à des fins scientifiques.
En effet, l’article 47 dispose que « la Commission et les États membres contribuent à la mise au point et à la validation d’approches alternatives susceptibles de fournir le même niveau ou un niveau plus élevé d’information que les procédures utilisant des animaux, mais sans impliquer l’utilisation d’animaux ou en réduisant le nombre d’animaux utilisés ou en recourant à des procédures moins douloureuses ; ils prennent toutes les mesures qu’ils jugent appropriées pour encourager la recherche dans ce domaine ».
À ce titre, il souhaite connaître les mesures qu’elle prévoit de prendre pour remédier à cette situation, s’assurer que l’application de cette directive européenne soit effective, et rendre public l’état d’avancement et les moyens budgétaires mis à la disposition de la recherche pour les méthodes d’expérimentation alternatives.
Presque 2 ans après avoir été posée, alors que le délai théorique de réponse aux questions écrites est de 2 mois, voici la réponse du ministère (publiée le 08/09/2020) :
L’action du Gouvernement s’inscrit dans le cadre d’une réglementation européenne qui encadre strictement le recours aux animaux vivants à des fins de recherche et d’enseignement supérieur. Cette réglementation est strictement appliquée en France.
Elle repose sur les trois grands principes complémentaires rappelés par cette question écrite : remplacement, réduction et raffinement, en fonctions desquels les scientifiques doivent systématiquement justifier leur protocole de recherche avant d’engager toute expérimentation.
Dans ce cadre, le ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation est l’autorité compétente pour délivrer en France les autorisations prévues par la directive 2010/63/UE. Il porte une attention particulière à la justification par la communauté scientifique de la non-utilisation de méthodes alternatives, ainsi qu’aux conditions dans lesquelles les animaux sont utilisés.
Que ce soit en cancérologie, en neurosciences, en immunologie, en génétique, les modèles animaux sont choisis en fonction des objectifs à atteindre qui peuvent aller de l’élucidation des mécanismes moléculaires à l’origine des pathologies jusqu’à la mise au point de nouvelles solutions thérapeutiques.
Le nombre d’animaux utilisés doit également être justifié au regard du protocole expérimental. L’explicitation des points limites est systématiquement demandée. Les demandeurs d’autorisations de projet doivent également préciser les modèles statistiques utilisés, qui permettent de limiter au strict nécessaire le nombre d’animaux utilisés pour l’obtention d’un résultat signifiant. Cette mise en œuvre systématique des « 3R » devrait se traduire dans les prochaines années par une diminution du nombre d’animaux impliqués dans des expérimentations.
La France soutient bien évidemment toutes les méthodes alternatives, qui constituent le quotidien de nos chercheurs : l’expérimentation animale doit en effet être vue comme un simple maillon dans une chaîne méthodologique d’investigation du vivant, qui va de la simulation numérique aux essais cliniques sur l’homme, en passant par la culture cellulaire. Dans nombre de cas, ce maillon reste encore incontournable : il n’est guère envisageable à court terme que la recherche puisse se passer de l’expérimentation animale.
Le fait que la France apparaisse parmi les pays européen utilisant le plus d’animaux n’est que le reflet de l’importance de son effort de recherche dans le secteur de la biologie et de la santé.
Enfin, le ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation est membre de la plate-forme française pour le développement des méthodes alternatives (FRANCOPA), qui fait partie de la plate-forme ECOPA dont le but est de fédérer l’ensemble des acteurs nationaux œuvrant au développement de telles méthodes au niveau européen.