Halte au fichage généralisé des données !!

Retrouvez le texte de son intervention ci-dessous : Madame la Présidente, Madame la Ministre, Mes chers collègues, La société se numérise de plus en plus. L’école également. On serait tenté d’y voir un progrès louable des techniques, mais la numérisation à outrance ajoute la fracture numérique, à la fracture sociale,

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Retrouvez le texte de son intervention ci-dessous :

Madame la Présidente, Madame la Ministre, Mes chers collègues,

La société se numérise de plus en plus. L’école également. On serait tenté d’y voir un progrès louable des techniques, mais la numérisation à outrance ajoute la fracture numérique, à la fracture sociale, isole les individus, déshumanise les rapports avec les services publics. Certains ne sont plus représentés que par des sites internet, et n’ont même plus de guichet ! beau symbole de la société pseudo moderne !

Alors que la numérisation de la société est bien avancée, l’apprentissage est à peine balbutiant. Il n’existe toujours pas de CAPES ni d’agrégation leur tour aux élèves comment se servir de ces outils. Des modules d’informatique existent au cours de la scolarité, mais il n’y a pas de véritable filière de formation, et pourtant l’intérêt des élèves pour cette matière, comme les débouchés professionnels, sont considérables. J’ai rendu en juillet un rapport d’information, avec ma collègue Mme Valetta-Ardisson, préconisant la création de cette filière de formation et de scolarité du numérique. Notre rapport portait plus spécifiquement sur la cyber défense, mais il est rapidement apparu que sans une formation générale de la population aux outils numériques, notre pays risque de devenir de plus en plus vulnérable à mesure qu’il se numérise et que nos outils s’interconnectent.

Il est urgent de mettre en place cette filière, pour rattraper notre retard. Nous devons aborder les outils numériques sans naïveté, en ayant en tête les avantages qu’ils peuvent offrir, mais aussi leur coût social, leur coût écologique, et leur risque intrinsèque.

Car le numérique peut aussi constituer, si on n’y prend pas garde, une porte d’entrée pour toutes sortes d’attaques contre des intérêts vitaux, des collectivités territoriales, des entreprises, petites ou grandes, des particuliers en si grand nombre que l’organisation de notre pays est menacée. La maîtrise du numérique est un véritable enjeu de souveraineté nationale, qui passe par une action de l’Etat, mais aussi par une élévation générale du niveau de connaissance de la population en matière numérique. Une meilleure connaissance du numérique permettrait également de sortir de la dépendance néfaste aux géants du numérique, les trop fameux GAFAM : multinationales sans foi ni loi, adepte de l’évasion fiscale et du pillage des données personnelles.

Quels moyens donnera-t-on à l’éducation nationale pour une véritable formation au numérique ? Va-t-on enfin dénoncer les contrats qui lient l’éducation nationale au groupe Microsoft, et qui emprisonnent les jeunes esprits formés à des logiciels payants, dans le but avoué de les transformer en clients ? L’éducation au numérique ne doit pas se limiter à l’invention de cours en ligne, dits « mooks » qui sont autant de prétextes pour limiter les enseignements « en présentiel » comme on dit.

Mais il y a plus grave encore. Le gouvernement laisse la porte ouverte au fichage généralisé de nos enfants. Sous prétexte de sécurité.

On apprend qu’une expérimentation de reconnaissance faciale pourrait être menée dans deux lycées à Nice et à Marseille pour vérifier l’identité des élèves à l’entrée, en scannant leurs visages. Les autorités se veulent rassurantes : seuls les élèves volontaires seront concernés. Quelle hypocrisie ! on sait parfaitement qu’une expérimentation a vocation à être généralisée, et que bientôt les élèves n’auront plus le choix de refuser, ou seront soumis à des contraintes dissuasives.

Déjà nous avons trop vite accepté l’utilisation des données biométriques pour entrer aux cantines scolaires, alors que c’est dangereux et inutile !

 Est-ce une façon tordue de pallier le manque de personnels éducatifs, en confiant la surveillance à des machines ? Oui ! Le responsable du projet l’avoue ! il s’agit de dégager du temps pour les surveillants et pallier leur nombre insuffisant.

Comme si l’accueil des élèves dans un établissement n’était pas un moment crucial dans l’instauration d’une relation pédagogique réelle et saine ! Vous qui prétendez restaurer l’autorité, c’est par la présence humaine et physique qu’une relation d’autorité se construit. Pas avec des machines ! Un ou une principal ou un proviseur, accueillant les élèves à l’entrée est mille fois plus efficace en termes de sécurité et d’autorité que n’importe quelle machine. Est-ce cela la nouvelle et moderne conception de l’éducation ? Est-ce cette société que nous voulons pour nos enfants ? J’alerte sur cette dérive sécuritaire, qui cherche à nous faire habituer, tous, et dès le plus jeune âge à être scruté, enregistré, suspecté en permanence, fiché, ses données biométriques et personnelles décortiquées.

Cette dérive sécuritaire de la société et du pouvoir est dangereuse pour les libertés publiques et la vie privée. Pire, c’est le géant américain Cisco qui propose ce dispositif. Cela veut dire que les données des élèves seront stockées sur des serveurs de droit etatsunien.

Je vous rappelle la politique extrêmement agressive des Etats-Unis avec l’application de leur droit à l’international. Ce pays considère que son droit est extraterritorial, et que toute donnée stockée sur un serveur relevant de leur droit, même situé en France, est sous leur juridiction. Ce qui veut dire qu’en cas de demande d’un service etatsunien quelconque, n’importe quelle donnée de nos enfants leur sera livré. En Chine, ces reconnaissances faciales sont déjà monnaie courante. Est-ce cela notre modèle de société ?

J’alerte sur la collecte des données des élèves, leur usage possible, et leur sécurité. Les données scolaires de nos enfants sont stockées on ne sait où, possiblement sur les serveurs d’Amazon, ou ailleurs. Il faut impérativement les sécuriser, contre les attaques des hackeurs, et de toute personne cherchant à les obtenir, soit à des fins publicitaires, soit à des fins malveillantes. Les données des élèves doivent être stockées en France et sur des serveurs de droit français.

La société du numérique ne doit pas devenir la société du tout numérique déshumanisé et malsain. Oui il faut apprendre comment se servir de ces outils, mais apprendre aussi ses dangers, ses revers, comment s’en prémunir, et surtout l’inscrire dans le cadre de la transition écologique.

 

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