Asile des personnes LGBTI+ issues de Géorgie

Question écrite au gouvernement, posée le 18/06/2019 : M. Bastien Lachaud interroge M. le ministre de l’intérieur. En tant que président du groupe d’études sur les discriminations et LGBTQIphobies dans le monde à l’Assemblée nationale, M. le député interroge M. le ministre chargé de l’asile sur la bonne application de

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Question écrite au gouvernement, posée le 18/06/2019 :

M. Bastien Lachaud interroge M. le ministre de l’intérieur. En tant que président du groupe d’études sur les discriminations et LGBTQIphobies dans le monde à l’Assemblée nationale, M. le député interroge M. le ministre chargé de l’asile sur la bonne application de la loi en ce qui concerne la situation inquiétante des personnes LGBTI+ systématiquement exposées aux craintes de persécutions selon les termes de l’article 1A2 de la Convention de Genève de 1951, en Géorgie, pays classé à ce jour comme « Pays d’origine sûrs » selon la liste établie le 9 octobre 2015 par le conseil d’administration de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) conformément à l’article L. 722-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA).

En effet, depuis la loi n° 2018-778 du 10 septembre 2018, l’article L. 722-1 du CESEDA dispose qu’ « Un pays est considéré comme un pays d’origine sûr lorsque, sur la base de la situation légale, de l’application du droit dans le cadre d’un régime démocratique et des circonstances politiques générales, il peut être démontré que, d’une manière générale et uniformément pour les hommes comme pour les femmes, quelle que soit leur orientation sexuelle, il n’y est jamais recouru à la persécution, ni à la torture, ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ». L’ajout par le législateur en 2018 de la mention « quelle que soit leur orientation sexuelle » à cet article est venue compléter les dispositions de l’article L. 711-2 du CESEDA selon lesquelles « S’agissant des motifs de persécution, les aspects liés au sexe, à l’identité de genre et à l’orientation sexuelle sont dûment pris en considération aux fins de la reconnaissance de l’appartenance à un certain groupe social ou de l’identification d’une caractéristique d’un tel groupe ».

Dans le même temps, depuis l’entrée en vigueur au 1er janvier 2019 de la loi du 10 septembre 2018, les demandeurs d’asile ressortissants d’un pays figurant sur la liste des « pays d’origine sûrs » ne bénéficient plus du droit inconditionnel au maintien sur le territoire français en cas de rejet de leur demande par l’OFPRA, le temps de l’examen de leur recours à la Cour nationale du droit d’asile (CNDA) qui n’est plus suspensif des mesures d’éloignement (voir le 7° de l’article L. 743-2 du CESEDA). Ainsi, des personnes invoquant une crainte fondée de persécutions parce qu’appartenant à un groupe social dans leur pays d’origine, au vu de leur profil invoqué de personnes LGBTI+, peuvent se retrouver expulsées sans avoir pu faire jouer leur droit fondamental au recours. Ceci alors que la décision de rejet de l’OFPRA peut tout à la fois se fonder sur le non établissement de leur orientation sexuelle uniquement sur le non-établissement de faits de persécutions personnelles allégués en entretien, alors même que l’orientation sexuelle seule peut être établie par l’Office lors de ce premier examen.

Or il ressort de l’analyse des informations sur le pays d’origine de demandeurs d’asile qu’est la Géorgie, telles que les rapports d’organisations non gouvernementales de défense des droits humains ainsi que des publications accessibles émanant de l’OFPRA même ou de la jurisprudence de la CNDA que la protection des personnes LGBTI+ en Géorgie par les autorités n’est pas effective alors même que les persécutions des personnes LGBTI+ par la société ou par des personnes investies de l’autorité de l’État sont systémiques et que les personnes LGBTI+ constituent un groupe social au sens de l’article 1A2 de la Convention de Genève de 1951. Il ressort notamment des rapports que dans les faits les agents de police y sont parmi les premiers agents de persécution des personnes LGBT.

Aussi, il lui demande, en tant que ministre chargé de l’asile, ayant pouvoir de désignation du président du conseil d’administration de l’OFPRA, quelle mesure il entend mettre en œuvre pour faire appliquer la loi du 10 septembre 2018 censée être entrée en vigueur le 1er janvier 2019, quant aux nouvelles dispositions de l’article L. 722-1 du CESEDA, en faisant retirer au plus vite la Géorgie, de la liste des « pays d’origine sûrs » intégrant la question de l’orientation sexuelle. Il lui demande aussi de prendre toutes les mesures d’urgence conservatoires possibles, pour que tant que la liste des « pays d’origine sûrs » n’est pas révisée, pour tenir compte des dispositions législatives de 2018, ne soit pas appliquée la fin du caractère suspensif des mesures d’éloignement pendant le recours devant la CNDA après un premier rejet notifié par l’OFPRA. L’Office ayant par ailleurs la faculté de déclasser un dossier de la procédure accélérée à la procédure normale, il lui demande comment, aux regards des enjeux posés et sans remettre en cause l’indépendance de l’Office quant aux instructions sur le fond des dossiers, encourager de façon systématique cette pratique de déclassement de la procédure accélérée pour les demandes invoquant l’orientation sexuelle comme motif de persécutions, afin de rendre effectif le droit au recours.

Réponse du gouvernement, publiée le 06/04/2021, soit 658 jours plus tard, alors que le délai théorique de réponse est de deux mois :

La prise en compte de la vulnérabilité et des besoins spécifiques des demandeurs d’asile LGBTI est une préoccupation de l’ensemble des acteurs de l’asile en France. L’office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) est en effet très attentif à la problématique des vulnérabilités, en particulier celles reposant sur l’orientation sexuelle. Depuis 2013, l’OFPRA a constitué des groupes de référents thématiques dédiés aux besoins spécifiques de protection des demandeurs d’asile identifiés comme vulnérables, dont un consacré à l’orientation sexuelle et l’identité de genre. Les référents du groupe apportent un appui direct à l’instruction des demandes d’asile, notamment à travers des ateliers sur la conduite de l’entretien avec les personnes LGBTI et sur l’appréciation de leur demande d’asile.

En outre, des lignes directrices pour l’instruction de la demande d’asile fondée sur l’orientation sexuelle et l’identité de genre ont été établies en 2018. Le groupe de référents a également engagé, depuis plusieurs années, un dialogue avec le milieu associatif spécialisé sur les questions LGBTI. L’attention portée aux problématiques des vulnérabilités est la même que la demande soit examinée selon la procédure normale ou selon la procédure accélérée, lesquelles sont entourées des mêmes garanties juridiques.

De même, l’inscription d’un pays sur la liste des pays d’origine sûrs n’a aucune incidence sur l’exigence d’un examen individuel et approfondi par l’OFPRA et ne fait en aucun cas obstacle à l’octroi d’un statut de protection internationale s’il existe un besoin de protection. Au surplus, l’OFPRA a toujours la possibilité de décider de ne pas statuer en procédure accélérée lorsque cela lui parait nécessaire pour assurer un examen approprié de la demande, notamment lorsque le demandeur ressortissant d’un pays d’origine sûr invoque des raisons sérieuses de penser que son pays d’origine ne peut pas être considéré comme sûr en raison de sa situation personnelle et au regard des motifs de sa demande.

La cour nationale du droit d’asile (CNDA) a également la possibilité de renvoyer l’examen d’un recours en formation collégiale si elle l’estime nécessaire pour un examen approprié de la demande.

En outre, s’il est désormais possible de prononcer une obligation de quitter le territoire français (OQTF) à l’encontre d’un ressortissant d’un pays d’origine sûr dès qu’une décision de rejet de l’OFPRA lui est notifiée, il convient de préciser que le demandeur a la possibilité, dans le cadre de son recours contre l’OQTF, de faire valoir auprès du juge administratif des éléments sérieux de nature à justifier, au titre de sa demande d’asile, son maintien sur le territoire durant l’examen de son recours par la CNDA.

Par ailleurs, la loi n° 2018-778 du 10 septembre 2018 pour une immigration maîtrisée, un droit d’asile effectif et une intégration réussie a précisé, s’agissant de la définition du pays d’origine sûr, que, pour l’appréciation du caractère sûr du pays concerné, il ne devait pas exister de persécutions ou de mauvais traitements contre des personnes à raison de leur orientation sexuelle. Plusieurs associations, dont l’ARDHIS, ont donc saisi le conseil d’administration de l’OFPRA sur ce fondement en demandant notamment la radiation de la Géorgie de la liste des pays d’origine sûrs.

Réuni le 5 novembre 2019, le conseil d’administration de l’OFPRA a procédé à l’examen de la situation prévalant dans l’ensemble des pays figurant sur la liste des pays d’origine sûrs arrêtée en 2015, dont la Géorgie, et a décidé de maintenir la Géorgie sur la liste. Le conseil d’administration de l’OFPRA demeurera néanmoins attentif aux évolutions susceptibles de se produire dans les pays concernés et pouvant affecter les personnes LGBTI, veillant, comme la loi le prescrit, à l’actualité et à la pertinence des inscriptions sur la liste des pays d’origine sûrs.

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