Le retour de la « question allemande »

« L’Allemagne vise-t-elle une hégémonie complète en Europe ? ». Berlin voudrait-elle ajouter la puissance militaire à l’hégémonie économique et politique qu’elle a acquise sur l’Union Européenne ? La question que je posais dans une tribune écrite avec Jean-Luc Mélenchon, et parue le 22 septembre 2018 dans Le Monde, est, à

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« L’Allemagne vise-t-elle une hégémonie complète en Europe ? ». Berlin voudrait-elle ajouter la puissance militaire à l’hégémonie économique et politique qu’elle a acquise sur l’Union Européenne ? La question que je posais dans une tribune écrite avec Jean-Luc Mélenchon, et parue le 22 septembre 2018 dans Le Monde, est, à la lumière des évènements survenus depuis, plus que jamais d’actualité. Je profite de cette note de blog pour y revenir plus en détail.

·         Un Hegemon…de moins en moins réticent

Nul observateur averti ne le nie aujourd’hui : l’Allemagne occupe une position dominante en Europe, par sa centralité géographique, son poids démographique, sa prépondérance économique, tout comme son influence politique au sein des institutions européennes – elle y truste l’essentiel des postes clés – et le système de gouvernance par les règles – on devrait dire, par l’austérité ordolibérale gravée dans le marbre ! – qu’elle a su faire adopter à ses partenaires de la zone euro. Les analystes bien-pensants, qu’ils soient universitaires ou politiques, ont cependant coutume de nuancer ce constat en ajoutant que Berlin est un « hegemon malgré lui » ou « réticent » (reluctant hegemon) – formule lancée en 2013 par The Economist, journal de référence de la classe dominante transnationale, et qui a connu un grand succès depuis. L’Allemagne, explique-t-on ainsi dans les milieux autorisés, exercerait une hégémonie de fait sur le continent, mais sans dessein prémédité ni direction claire, et presque à contrecœur, tant la nécessité d’assumer les responsabilités politiques associées à son poids économique irait à contre-courant de la réserve et de l’attentisme que lui imposerait la mémoire de son passé nazi. L’Allemagne se vivrait en somme comme une « grande Suisse », prospère mais peu désireuse de jouer un rôle politique actif dans les affaires européennes et internationales, et moins encore d’acquérir des capacités militaires : une « puissance déphasée », pour reprendre l’expression d’un universitaire.

L’examen des évènements que nous vivons aujourd’hui impose cependant une autre conclusion : hégémonique, l’Allemagne l’est de plus en plus ; et de moins en moins malgré elle. Berlin aspire de façon croissante à se doter de l’ensemble des outils de la puissance, et à compléter ainsi son influence économique par un poids stratégique et militaire.

En somme, la « question allemande » est de retour, comme le soulignait récemment l’influente revue Foreign Affairs – les néoconservateurs états-uniens portent souvent sur l’Allemagne un regard plus lucide que bien des responsables français. Éblouis par le mirage du « couple franco-allemand », expression que personne n’emploie outre-Rhin, ceux-ci demeurent, à l’image du président Macron, aveugles à l’évolution de l’Allemagne, prisonniers d’une relation affective et irrationnelle avec Berlin. Dès que nous osons porter un regard éclairé sur la politique allemande, ils s’empressent de chercher à nous faire taire en piaillant : « germanophobie ! » « nationalisme ! ». Loin de tout cela, il nous appartient au contraire de garder les yeux ouverts et de faire une analyse raisonnée des velléités extérieures de notre voisin.

·         Le tournant interventionniste de la politique allemande

Depuis plusieurs années déjà, la politique extérieure allemande se caractérise par un tournant de plus en plus marqué, dans le sens de l’affirmation d’un rôle plus actif sur la scène internationale, et d’une remontée en puissance de l’outil militaire.

Ce tournant récent prolonge une tendance de plus long terme, affirmée dès la décennie qui a suivi la réunification allemande. En 1994, la cour constitutionnelle allemande autorisait, dans le cadre de la sécurité collective de l’OTAN ou de l’ONU, l’envoi en mission extérieure de troupes que la loi fondamentale de la république fédérale confinait jusqu’alors à un rôle de défense. La voie était ouverte à la participation allemande à des engagements militaires au Kosovo (1999), en Afghanistan (2001), au Congo (2003), au Liban (2006), au large de la Somalie (2008).

Les ambitions allemandes dans le domaine militaire se sont renforcées à partir du début des années 2010, tant pour des raisons d’ambition – la volonté de jouer un rôle stratégique à la hauteur de la puissance économique du pays – que de nécessité – le besoin de compenser le désengagement militaire relatif des États-Unis, amorcé par Barack Obama, chantre du « pivot vers l’Asie » et du leadership « en retrait » (leading from behind), et renforcé par les déclarations tonitruantes de Donald Trump contre l’OTAN. En 2014, à l’occasion de la conférence annuelle sur la sécurité à Munich, les hauts responsables politiques des deux principaux partis au pouvoir, la ministre de la défense et le ministre des affaires étrangères d’alors, Ursula von der Leyen (CDU) et Frank-Walter Steinmeier (SPD) se rejoignaient sur la nécessité pour l’Allemagne de s’investir davantage sur la scène internationale et rénover son armée. Ce « consensus de Munich », partagé tant à droite qu’à gauche, fut ensuite consolidé par le « livre blanc » sur la politique de sécurité et l’avenir de la Bundeswehr paru en juillet 2016, fixant les grandes orientations stratégiques du pays, et qui a confirmé sa volonté de rompre avec le non-interventionnisme.

Si les gouvernements allemands ont quelque peu tergiversé quant aux moyens budgétaires qui doivent permettre de concrétiser ces ambitions, leur volonté est claire a encore été confirmée récemment : le budget 2020, récemment adopté par le Bundestag, s’est ainsi accompagné d’une hausse des dépenses militaires, de 1,36 à 1,42% du PIB  – la plus importante depuis des décennies. La ministre de la défense, présidente de la CDU et héritière désignée d’Angela Merkel, Annegret Kramp-Karrenbauer, ne cesse de rappeler son engagement pour une hausse continue des dépenses militaires, jusqu’à atteindre la barre des 2% du PIB exigée par l’OTAN, à l’horizon 2031. L’on ne peut douter non plus de la volonté allemande d’utiliser son outil militaire : ainsi la même Annegret Kramp-Karrenbauer a-t-elle proposé à la fin du mois d’octobre dernier la mise en place d’une zone de sécurité dans le nord de la Syrie, opération dans laquelle les troupes allemandes auraient joué un rôle de premier plan : le projet n’a pas abouti, mais il marque un tournant significatif, tant il était autrefois inimaginable de voir l’Allemagne prendre l’initiative de proposer une intervention militaire extérieure.

L’année dernière, des voix se sont même élevées dans la presse d’outre-Rhin pour réclamer que l’Allemagne se dote de l’arme nucléaire, levant ainsi un véritable tabou, dans un pays qui a renoncé officiellement à produire des armes nucléaires depuis les accords de Paris (1954), et qui demeure très fortement marqué par le mouvement anti-nucléaire. L’on est bien loin en somme d’une « Grande suisse » !

·        Berlin, Macron, et le miroir aux alouettes de la « défense européenne »

Les dirigeants allemands ont cependant un problème et non des moindres : l’Allemagne n’a pas encore les moyens de ses nouvelles ambitions. Car l’armée elle aussi a souffert d’années d’austérité budgétaire, retardant les investissements nécessaires. Un rapport publié en avril 2018 par le commissaire aux forces armées du parlement allemand constatait ainsi l’« équipement misérable » des troupes allemandes, qui réduisent considérablement la capacité opérationnelle de celles-ci. Un tel retard est nécessairement long à combler dans le domaine de l’armement conventionnel.

Dans celui de l’armement nucléaire, ce serait plus difficile encore, illégal même. Ne parlons même pas des difficultés que l’armée allemande rencontre à recruter, et des scandales que révèle chaque semaine ou presque la presse allemande et qui démontre l’inquiétante pénétration en son sein des idées et réseaux d’extrême-droite : ici, c’est le compte officiel de la Bundeswehr qui diffuse par mégarde les photos d’uniformes nazis ; là, ce sont des hommes d’une unité d’élite qui sont suspectés de s’adonner à des saluts et des rites hitlériens dans leur caserne – le service du contre-espionnage militaire allemand a reconnu en mars dernier devant le parlement avoir minimisé le nombre de cas de soldats soupçonnés de sympathiser avec l’extrême-droite : au lieu d’une dizaine de cas, il y en aurait actuellement plusieurs centaines. Bref, l’armée allemande est encore loin d’être un instrument efficace.

Qu’à cela ne tienne, à Berlin, on semble avoir trouvé une autre manière de lever la difficulté : s’associer avec un partenaire pour s’approprier ses capacités, partager la charge financière, et s’offrir ainsi un outil militaire à moindre frais. L’on retrouve ici, dans le domaine de la défense, une stratégie qui a marqué la politique allemande de façon presque continue depuis les débuts de la construction européenne : utiliser la coopération et l’intégration avec ses voisins pour regagner à leur détriment les capacités et l’« égalité en droit » (Gleichberechtigung) dans le concert des nations qu’elle avait perdus en 1945. La Grande-Bretagne ayant fait le choix du Brexit, il ne reste en Europe qu’une seule puissance militaire significative avec laquelle conclure un tel partenariat : la France.

C’est pourquoi l’on voit aujourd’hui se multiplier les déclarations de responsables allemands qui lorgnent ouvertement sur les atouts stratégiques et militaires français. En novembre 2018, c’est le vice-chancelier Olaf Scholz (SPD) qui réclamait que la France renonce à son siège au Conseil de sécurité de l’ONU au profit de l’Union européenne  – moyen dérobé de satisfaire le désir de Berlin d’accéder au statut de membre permanent. Une revendication reprise en mars 2019 par Annegret Kramp Karrenbauer, qui y ajoutait la proposition d’un porte avion franco-allemand. La semaine dernière encore, la presse allemande bruissait d’articles sur une éventuelle mutualisation de l’arme nucléaire française : dans le cas où Washington n’offrirait plus son parapluie à l’Europe et à l’Allemagne, Paris pourrait très bien faire l’affaire. Berlin se retrouverait ainsi puissance nucléaire, sans même avoir eu à lever le petit doigt.

Cependant – la précision est cruciale – lorsque les responsables allemands envisagent un partage, c’est toujours à leurs propres conditions. Le cas de l’arme nucléaire est ici emblématique. Car si la très respectable Frankfurter Allgemeine Zeitung caresse l’idée de voir l’Allemagne partager les bombes françaises, c’est dans un cadre bien précis. Il faudrait que Paris se substitue littéralement à Washington en donnant à l’Allemagne des garanties : stationner des armes nucléaires sur le territoire de ses alliés et accepter le principe de double clé : des armes françaises emportées par des avions d’un pays allié, les deux pays partageant la décision de leur emploi. Par ailleurs, Berlin ne saurait se contenter d’un duopole avec Paris – comment réagiraient alors les pays baltes et tous ceux qui comptent sur la solidarité otanienne ? La garantie française devrait donc être étendue à l’ensemble des pays européens actuellement membres de l’OTAN, sous peine de diviser celle-ci. Et le journal allemand de conclure : Paris devrait non seulement mutualiser sa capacité nucléaire avec l’Allemagne, mais renoncer dans le même mouvement à ses excentricités et son égoïsme nucléaire, et se fondre pleinement dans le cadre de l’alliance atlantique.

L’on touche ici aux deux éléments récurrents des projets de partenariat stratégique tels que l’Allemagne les imagine. D’abord, c’est toujours la France qui doit céder des capacités qu’elle possède déjà en propre : un porte-avion, l’arme nucléaire, etc. La part allemande serait faible compte-tenu des capacités actuelles du pays. Ensuite : si Berlin veut regagner des capacités en instrumentalisant sa coopération avec Paris, ce n’est en aucun cas pour remettre en cause le cadre de l’OTAN. Se replacer dans le temps long de l’histoire, permet de bien mesurer l’attachement de Berlin au partenariat transatlantique avec les États-Unis, qui fut la condition indispensable de la renaissance d’une Allemagne démocratique après 1945 : un attachement indéfectible. Les déclarations dans ce sens abondent dans la bouche des responsables allemands : « L’OTAN demeure et demeurera l’ancre de la sécurité européenne » déclarait encore récemment la ministre de la défense Annegret Kramp-Karrenbauer. Berlin va « endosser davantage de responsabilités » dans l’OTAN, enchaine Angela Merkel. Et les actes suivent les mots : Berlin vient d’augmenter sa contribution au budget commun de l’OTAN, qui finance le quartier général et certaines infrastructures de l’alliance, la portant à un niveau égal à la contribution des États-Unis – un budget certes en lui-même modeste, mais le geste est hautement symbolique.

L’on touche ici au cœur de ce qui fait du partenariat avec l’Allemagne en matière de défense un marché de dupes pour la France. Emmanuel Macron espère forger avec Berlin un partenariat qui donnerait à la France les moyens d’une plus grande autonomie vis-à-vis des États-Unis; la « défense européenne » qu’il ne cesse d’appeler de ses vœux depuis le début de son mandat constitueraient ainsi un prolongement, en plus grand, de l’aspiration française à l’indépendance stratégique.

C’est ainsi qu’il faut comprendre les ouvertures constantes que les responsables français ont fait en direction de l’Allemagne – l’ambassadeur d’Allemagne à Paris avait par exemple été le seul responsable étranger associé à la « Revue stratégique de défense et de sécurité nationale » élaborée à l’automne 2017 – et les critiques de plus en plus vive du président à l’égard de l’OTAN, qu’il jugeait « en état de mort cérébrale » dans un entretien donné à The Economist en novembre dernier. Emmanuel Macron fait ici dans le domaine de la défense la même cour éperdue qu’il a fait à l’Allemagne dans le domaine économique et politique : budget de la zone euro, Traité d’Aix-la-Chapelle, assemblée franco-allemande, collectivités transfrontalières. Partout, Emmanuel Macron a donné des gages, sans rien obtenir. Ici aussi, il se fourvoie : ses appels du pied ont été fraichement accueillis, et l’Allemagne n’a nullement l’intention de se détacher du cadre atlantique. Annegret Kramp-Karrenbauer a résumé sèchement les choses dans un entretien récent : « Macron veut remplacer l’OTAN. Nous voulons la renforcer ».

Ainsi, le partenariat avec l’Allemagne qui attire tant Macron n’est rien d’autre qu’un gigantesque miroir aux alouettes : au lieu de construire une « souveraineté européenne » indépendante, la France se retrouverait, en suivant cette voie, ravalée au rang de supplétif, enchainé à l’Allemagne et inféodé à l’OTAN et à Washington. Nous aurions partagé nos capacités stratégiques, sans rien obtenir en échange, et nous retrouvant, en définitif, pris au piège.

  • Une Allemagne fragmentée et traversée par la montée de l’extrême-droite

La France serait d’autant plus avisée d’éviter pareille chausse-trappe que l’aspiration des gouvernements allemands à une plus grande projection extérieure se manifeste au moment même où l’Allemagne est plus que jamais incertaine et divisée à l’intérieur, et est traversée par la montée inquiétante des forces d’extrême-droite.

L’Allemagne est sortie sévèrement meurtrie d’années d’austérité qui se sont soldées par l’augmentation dramatique de la précarité et des inégalités : presque 17% des Allemands, soit 13,7 millions de personnes, vivent aujourd’hui sous le seuil de pauvreté. Résultat : une société fragmentée, ingouvernable. Les électeurs se détournent de façon croissante des grands « partis populaires » (Volksparteien) de droite et de gauche, autrefois majoritaires, et qui alternant au pouvoir, ont présidé à des années de politiques antisociales : chrétiens-démocrates (CDU/CSU) et sociaux-démocrates (SPD) s’effondrent et enregistrent les scores électoraux les plus bas de leur histoire. Après les dernières élections législatives de septembre 2017, près de quatre mois de négociations ont été nécessaires pour parvenir à un accord bancal et constituer une « grande coalition ». C’est ce gouvernement zombie, qui n’a d’autre programme que de sauver pour le moment les deux grands partis en retardant de nouvelles élections, que mène aujourd’hui Angela Merkel.

Pendant ce temps, l’extrême-droite continue de tirer les marrons du feu et de surfer sur la vague du mécontentement. A chacune des élections régionales qui ont eu lieu depuis la constitution de la « Grande coalition », l’Alternative für Deutschland (AfD) a vu ses scores augmenter : en Hesse et en Bavière, régions pourtant prospères de l’Ouest et du Sud, elle dépasse les 10% ; à l’est du pays, dans le Brandebourg et en Saxe, elle atteint plus de 23%, plus de 27% en Thuringe. Cette extrême-droite – dont on ne soulignera jamais assez la violence et les liens qu’une partie de ses représentants entretiennent avec les milieux néonazis les plus radicaux et les plus violents – est aujourd’hui en train d’occuper une place incontournable dans les paysage politique allemand.

L’extrême-droite n’est certes pas encore tout à fait aux portes du pouvoir – une Angela Merkel ou une Annegret Kramp-Karrenbauer maintiennent un cordon sanitaire entre chrétiens-démocrates et extrémistes de droite. Mais ce cordon pourrait un jour sauter sous la pression des résultats. Si la grande coalition entre chrétiens-démocrates (CDU/CSU) et sociaux-démocrates (SPD) venait à se rompre – un scénario de plus en plus plausible depuis que le vote des militants sociaux-démocrates a porté à la tête du parti, ce samedi 30 novembre, un duo de coprésident·es qui affichent leur intention d’opérer un virage à gauche – la droite conservatrice pourrait être tentée de s’appuyer sur l’extrême-droite pour gouverner. C’est d’ailleurs ce que veut l’Alternative für Deutschland, qui l’a dit très explicitement lors de son congrès, le week-end dernier : « une CDU affaiblie n’aura plus qu’une option : nous ! ». Nul besoin de risquer le point Godwin en invoquant l’histoire lointaine et l’alliance entre droite conservatrice et nazie qui permit l’accession de Hitler au pouvoir en 1933, pour s’apercevoir qu’un tel scénario n’est pas tout à fait improbable : dans un pays voisin de l’Allemagne, la droite autrichienne (ÖVP) du chancelier Sebastian Kurz n’a-t-elle pas, il y a un an et demi à peine, gouverné avec l’extrême-droite (FPÖ) ? Les institutions européennes s’étaient distinguées par leur silence assourdissant, tandis qu’Emmanuel Macron recevait en toute complaisance M. Kurz à l’Élysée. L’on frémit en imaginant le président français recevoir en grande pompe un ministre de la défense appartenant à l’extrême-droite allemande. Voilà pourtant le scénario qui pourrait un jour se réaliser en engageant sans réfléchir notre pays dans un partenariat exclusif avec Berlin !

  • Pour la raison dans les rapports franco-allemands

L’histoire devrait pourtant enseigner la raison en matière de rapports franco-allemands, en particulier dans le domaine de la défense.

Car ce n’est pas la première fois qu’une coopération et même une intégration militaire étroite entre la France et l’Allemagne est envisagée. La piste fut explorée au milieu des années 1950 quand Berlin, qui commençait tout juste à reconstituer ses capacités, crut pouvoir passer par un partenariat avec Paris pour réarmer : ce furent le projet de Communauté Européenne de Défense (CED) et d’armée européenne (1950-1954) puis l’accord de Colomb-Béchar (17 janvier 1957) qui esquissait la perspective d’une communauté stratégique et nucléaire franco-allemande.

Ces projets capotèrent heureusement : grâce aux votes des députés gaullistes, communistes et d’une partie des socialistes contre la ratification de la CED dans le premier cas ; grâce à l’arrivée du général de Gaulle à la tête du pays dans le second. À chaque fois, ce fut la volonté de préserver l’indépendance stratégique de la France et de ne pas la contraindre à entrer dans la camisole d’un accord qui, à travers un partenariat avec l’Allemagne, impliquerait aussi nécessairement une soumission aux États-Unis et une intégration complète à leur système d’alliance. La crainte des responsables français devait d’ailleurs être confirmée au début des années 1960 lorsque la France gaullienne tenta à nouveau de mettre sur pied une Europe politique, indépendante des États-Unis et poussée par un moteur franco-allemand : ainsi en mai 1963, au moment de ratifier le Traité de l’Élysée imaginé par le général de Gaulle, le parlement ouest-allemand y rajouta unilatéralement un préambule qui stipulait que l’application du traité serait orientée « vers les principaux buts » de la République Fédérale d’Allemagne, à savoir « une étroite association entre l’Europe et les États-Unis (…) l’intégration des forces armées des États membres du pacte [atlantique] » : tout le contraire de ce que voulait la France. Berlin signifiait en somme, qu’elle jouirait de tous les avantages d’un accord avec Paris, sans pour autant modifier le moins du monde sa politique !

Le président Macron n’a manifestement pas retenu ces leçons du passé : persistant à vouloir entrainer à toute force et à l’aveuglette la France sur la voie d’un partenariat stratégique franco-allemand, c’est dans l’ornière qu’il risque de conduire notre pays en le soumettant à une relation asymétrique. A l’inverse, précisément parce qu’elle est attachée à une amitié entre les peuples français et allemands, La France insoumise sait que cette amitié n’est possible que sur la base d’une coopération d’égal à égal, et veillera à ce que la raison guide toujours les rapports franco-allemands.

 

 

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