Libertés numériques en péril

Nouvel épisode de ces chroniques de confinement suite à l’intervention de Nicole Belloubet sur France Inter ce matin.
En effet, la Ministre de le Justice Nicole Belloubet a déclaré ce matin 26 mars qu’elle n’est pas opposée à l’utilisation du tracking des personnes contaminées au Covid-19. Mais elle dit qu’il va falloir déterminer la nécessité et la proportionnalité de telles mesures. Encore heureux. Le sujet est sur la table depuis mardi, où l’Elysée a chargé son nouveau conseil scientifique de réfléchir à la question.

La stratégie du choc

Je veux mettre en garde contre une tendance très nette en temps de crise : abandonner des libertés publiques pour combattre la crise, et voir cet abandon se pérenniser progressivement. Les régimes autoritaires comme le nôtre ont tendance à utiliser des moments où la société est violemment attaquée, pour imposer des solutions que tout le monde aurait rejeté en temps normal. Mais trop occupée à combattre les causes du choc, nous ne pouvons résister, sous peine de subir l’accusation de rompre l’unité de la Nation. Que ces solutions soient proposées de bonne foi ou non ne change rien à l’affaire. Le résultat est toujours le même : les libertés régressent.
Ainsi, la société française a été légitimement choquée par les attentats terroristes perpétrés sur son sol en 2015. L’Etat d’urgence a alors été instauré pour combattre le terrorisme, sans que nul n’y trouve évidemment à redire. Cependant, rapidement, les dispositions de l’état d’urgence ont été utilisées contre des militants écologistes. Puis l’état d’urgence a été prolongé alors qu’il n’y avait plus vraiment d’urgence. Puis en 2017 l’état d’urgence a été définitivement entériné dans le droit commun.

Le traçage des téléphones portables

Nicole Belloubet faisait allusion ce matin à une technique de surveillance de la population utilisée dans plusieurs pays, comme la Corée du Sud, la Pologne, ou encore Israël. Tous les téléphones portables sont géolocalisés, et les données centralisées de façon qu’un organisme de surveillance sait où chacun est. Une fois qu’une personne a été testée positive, elle est confinée, et un SMS est envoyé à toutes les personnes ayant été sur son chemin, pour qu’elles se fassent dépister, et ainsi de suite. On voit bien ce que la technique peut avoir de pratique et de tentant pour lutter contre l’épidémie.
Toutefois, l’utilité en France paraît assez limitée, dans la mesure où nous sommes incapables de tester massivement la population, faute de tests. Cela servira surtout à traquer les personnes et persécuter ceux qui ne sont pas chez eux, notamment dans les quartiers populaires, où rester toute la journée dans un logement insalubre est un véritable calvaire.
Par ailleurs, une fois la porte ouverte, nous pouvons être certains que nous ne la refermerons jamais. Une fois l’utilisation de la géolocalisation des téléphones acceptée, pour une raison ou pour une autre, elle sera progressivement étendue, demain pour la lutte contre le terrorisme, après demain pour les enquêtes pénales, après-après demain pour du ciblage publicitaire. L’argument que les malfaiteurs et parmi eux les terroristes utilisent des téléphones provisoires qu’ils renouvellent rapidement et que cela servira surtout à traquer les personnes qui en ont un usage normal n’effleurera pas les flèches qui nous gouvernent. Les députés LREM applaudiront en cadence devant l’efficacité du procédé.

Raison garder

Il est donc important de raison garder. Et de toujours penser aux conséquences de nos décisions. Il faut s’opposer à toute remise en cause de nos libertés numériques. Il existe d’autres voies pour en finir avec cette épidémie que ce fichage généralisé : Tester massivement la population et fournir des masques à tout le monde.

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