Hier, Emmanuel Macron s’est exprimé à Mulhouse devant un « hôpital de campagne ». Depuis qu’il est président, il ne cesse de se mettre en scène au milieu des militaires, avec ou sans treillis, en sous-marin ou sur le Charles-de-Gaulle, pendant et après la crise des gilets jaunes, et maintenant devant cet « hôpital ».
Résilience ?
Voilà plusieurs jours déjà il annonçait que l’armée serait mobilisée pour faire face à l’épidémie de Covid-19. De fait, quelques moyens de transport militaire ont été utilisés dans l’Est et en Corse et quelques ressources du Service de Santé des Armées.
Hier, il annonçait le lancement d’une opération appelée « Résilience ». Ses contours sont flous : elle consistera surtout dans l’envoi de moyens de transports dans les outre-mer, dans les Caraïbes et à Mayotte.
L’armée quand on ne sait pas quoi faire d’autre
En réalité, tout ça est du pur affichage et c’est insupportable. Le gouvernement est débordé par les événements et pour donner l’impression de faire quelque chose, il annonce l’envoi de l’armée. Imparable.
Pourtant les moyens mis à disposition sont en réalité dérisoires en regard de l’étendue du problème : le Service de Santé des Armées (SSA) peut traiter 30 patients en réanimation. De Corse, ce sont douze patients qui ont été évacués vers le continent par la marine nationale le 21 mars. De l’Est, ce sont au maximum quelques dizaines de malades qui prendront l’avion vers des hôpitaux moins saturés. Bravo et merci à celles et ceux qui vont sauver des vies de cette façon !
Mais les mots mêmes de la cheffe du SSA, Marilyne Gygax-Genero suffisent à comprendre la situation : « mes moyens ne sont pas illimités ». En janvier 2019, devant le Sénat, elle précisait que « 50% des moyens de la médecine des forces [étaient] vétustes » !
Le Service de santé des armées victime de l’austérité
En réalité, le SSA connaît une baisse continue de son budget depuis plusieurs années. Le plan de service « SSA 2020 » mis en œuvre depuis 2015 évoque comme première priorité le « recentrage des activités » du service. Inutile de faire un dessin.
Une des mesures phares de ce projet consistait dans la fermeture de l’hôpital militaire du Val de Grâce en 2017. Nous avions été bien seuls à nous y opposer.
Pour donner une petite idée, voici la courbe du budget du SSA depuis 2015.
Quant aux autres militaires qui vont être mobilisés dans le cadre de l’opération « Résilience », leurs missions ne sont pas très claires. S’il s’agit de rendre service à la population, a-t-on la garantie que ces hommes et femmes, jeunes le plus souvent, seront dans les meilleures conditions d’hygiène et de sécurité pour accomplir leur tâche ?
Auront-ils les fameux masques et le gel hydroalcoolique indispensables pour se protéger et ne pas contaminer les autres ? Rien n’est moins sûr puisque leur quantité fait défaut aux soignantes et aux soignants.
Barkhane, Sentinelle, Résilience
Par ailleurs, il faut se rappeler que nos armées ont été « sur-utilisées » ces dernières années. Il y a à peine plus de deux mois Emmanuel Macron annonçait l’envoi de 220 soldats supplémentaires au Sahel. Alors que le chef d’état-major des armées, le général Lecointre, avait fait valoir peu auparavant : « je suis au bout de mes capacités ». L’opération « Sentinelle » se poursuit et immobilise une part importante des forces.
L’armée n’est pas épargnée par le coronavirus
Ajoutons qu’au sein des armées aussi, le virus fait des victimes et sème le désordre. Il a déjà obligé à suspendre un très grand nombre d’activités. La préparation des soldats est forcément durement affectée. Or dans l’institution militaire, tout repose sur un système bien planifié de roulement entre mobilisation, préparation et repos. Par exemple, les soldats qu’on rappelle d’Irak aujourd’hui ne pourront pas être mobilisés avant plusieurs jours, voire semaines. On ne peut sans cesse tirer sur la corde sans qu’elle finisse par casser.
L’armée n’est pas un service public de remplacement
Il est temps de dire nettement que l’armée n’est pas le service public de remplacement de tous les autres services publics. Ainsi, les gouvernements qui ne savent pas quoi faire « envoie l’armée ». Comme les soldats sont disciplinés et silencieux, ils se font à bon compte une image de gouvernements forts.
C’est tout le contraire qui est vrai. Envoyer l’armée à toute occasion, c’est la marque des gouvernements faibles et qui ont affaibli l’État.
Un colonel ne remplace pas un Conseiller Principal d’Éducation (CPE). Un première-classe ne remplace pas un aide soignant. Un soldat de Sentinelle ne remplace pas un policier ou un spécialiste du maintien de l’ordre. Un commissaire aux armées ne remplace pas un inspecteur des impôts en charge de lutter contre l’évasion fiscale.
Planifier pour s’en sortir
En réalité, ce que l’armée a de plus adapté aujourd’hui pour venir en aide au pays, c’est son mode de fonctionnement : la planification ! C’est de cela dont nous avons besoin : d’établir un vrai plan dans la production de masques, de gel, de respirateurs, de tests de dépistage… C’est ce dont justement le gouvernement ne parle toujours pas.
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