L’unité nationale… au service du peuple et pour conquérir l’égalité

Le confinement est amené à durer plus longtemps que ce que le Président Macron avait annoncé. Rien d’étonnant à cela. Cela doit nous conduire à modifier notre manière de faire de la politique. Nous inaugurons donc une nouvelle catégorie sur ce blog. Ces chroniques de confinement ont pour objectif d’apporter

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Le confinement est amené à durer plus longtemps que ce que le Président Macron avait annoncé. Rien d’étonnant à cela. Cela doit nous conduire à modifier notre manière de faire de la politique. Nous inaugurons donc une nouvelle catégorie sur ce blog. Ces chroniques de confinement ont pour objectif d’apporter un éclairage politique sur les événements au fil des jours.

De quelle « unité nationale » parlons-nous ?

En tant que Parlementaires, nous devons continuer de contrôler l’action du gouvernement et de faire entendre notre analyse politique dans ce moment plus que d’en tout autre. Pourtant, le Parlement ne se réunit plus que pour les Questions au gouvernement une heure par semaine. Pour autant, la Démocratie n’est pas abolie. Même si en ces temps d’urgence sanitaire, nombreux sont ceux qui en appellent à l’« unité nationale », dans les rangs du pouvoir macronien comme parmi ses éditorialistes de cour. Le président Macron invoque sans cesse cette « unité » – c’était encore le cas hier soir, ce mercredi 25 mars à Mulhouse –, tout en appelant les opposants à la retenue, voire en les fustigeant implicitement quand il dénonce « ceux qui veulent fracturer le pays ». L’un de ces inénarrables médiacrates qui occupent depuis des décennies les journaux et les plateaux de télévision croit voir dans la pandémie l’occasion d’une « réunification » de tous les français. On pourrait multiplier les exemples. Ce n’est pas nous, insoumis, qui récuserons l’idée d’unité nationale, du moins sur le principe. Mais il faut s’entendre sur la signification de cette « unité nationale » dont il est question, et en écarter les faux-sens, sous peine d’être victime d’une illusion lourde de funestes conséquences politiques.

L’intérêt général doit primer

L’on nous trouvera au rendez-vous s’il s’agit d’affirmer que face à une crise qui menace et affecte toutes et tous, il est grand temps que l’intérêt général prime sur les intérêts particuliers, que les nécessités du plus grand nombre passent avant les profits de quelques-uns, que les besoins du peuple prévalent sur l’oligarchie. Mais s’il s’agit d’effacer les clivages, de véhiculer l’idée que la situation de crise sanitaire est étrangère aux rapports de forces sociaux, d’affirmer que toutes et tous seraient dès aujourd’hui effectivement égaux face au péril, en un mot de susciter une impression d’unanimisme, alors, nous ne sommes pas dupes. Le Coronavirus n’affecte pas également tous nos concitoyens qu’ils soient riches ou pauvres, qu’ils soient confinés dans une spacieuse résidence de la Côte d’Azur ou dans un appartement insalubre et exigu. Et s’il s’agit d’étouffer ces inégalités au nom d’un prétendu « état de guerre » mobilisant toute la nation, comme voudrait le faire Macron, alors, non nous ne nous tairons pas.

Ne nions pas les inégalités

Oui au principe de l’« unité » et la solidarité nationale donc ; mais à la condition de dire celles-ci ne sont pas déjà acquises, mais au contraire plus que jamais à construire. En ne taisant pas les problèmes, les injustices, au nom d’une « unité » de façade décrétée d’en haut par le pouvoir. En disant au contraire haut et fort ces inégalités, en demandant des comptes aux responsables et en tirant les leçons de ce que la crise actuelle révèle des fractures qui meurtrissent depuis des années notre patrie.

Macron n’est pas Clémenceau

Dans un récent article, un historien traçait un parallèle saisissant entre le moment que nous vivons aujourd’hui et la période de la Première Guerre mondiale. En 1914-1918 comme aujourd’hui, le pouvoir s’empressa de proclamer l’« Union sacrée » et la mobilisation générale face à un péril menaçant l’existence de la patrie – c’était alors l’agression de l’Allemagne impériale. Le rapprochement avec la rhétorique macroniste n’est pas fortuit : la presse nous apprend que les conseillers de Macron cherchent tout à fait explicitement à lui façonner une image de « père de la nation », de « Clemenceau dans les tranchées ». S’inspirant de celui qui fut président du conseil entre 1917 et 1920, Macron parle inlassablement de « guerre », de « mobilisation », et invite tous et toutes à « faire bloc ».

L’unité ne vaut que dans l’égalité

Mais, poursuit l’historien, si l’« union sacrée » de 1914-1918 fut acceptée par la majorité des français, elle s’accompagna d’une puissante revendication d’égalité face au sacrifice : chacun était prêt à risquer sa vie au front, à redoubler d’efforts à l’usine, mais à la condition qu’il n’y ait ni « planqués » qui échappent à leur devoir ni, pire encore, « profiteurs de guerre », qui s’enrichissent sur le dos du plus grand nombre. C’est une réaction similaire qui semble se manifester aujourd’hui au sein de notre peuple : nos concitoyens sont prêts à accepter le confinement, et les contraintes quotidiennes qu’il nous impose. Mais ils s’indignent légitimement que certaines vedettes publient le journal intime de leurs méditations oisives depuis le confort des résidences secondaires où elles sont confinées tandis que les travailleurs les plus modestes sont enjoints de continuer leur tâche sur les chantiers ou aux caisses des supermarchés. « Unité nationale », oui, mais si tous et toutes sont égaux !

La Première guerre mondiale ouvre le bal des Révolutions

La Première Guerre mondiale a encore un autre enseignement à nous livrer. Car l’exigence d’égalité qui s’était faite jour à l’heure du sacrifice ne s’éteignit pas au lendemain du conflit. Bien au contraire, elle se traduisit par une vague de mouvements sociaux, et parfois révolutionnaires, qui parcoururent toute l’Europe. Ils débouchèrent sur des conquêtes démocratiques et sociales majeures. L’Europe, encore dominée par les monarchies et qui comptait trois républiques seulement avant 1914, comptait treize démocraties après 1918. Le droit des votes des femmes était adopté en Allemagne, aux Pays-Bas, en Pologne. Les travailleurs bénéficiaient de droits nouveaux. En France, les grandes grèves du printemps 1919 contraignirent le patronat et le gouvernement de Clemenceau à des concessions majeures : sous la pression, le parlement adopta rapidement la généralisation à toute l’industrie des conventions collectives. Et la journée de huit heures, que les salariés revendiquaient depuis des décennies, fut votée en moins d’une semaine. La division du mouvement ouvrier entre communistes et socialistes et la contre-offensive de la classe dominante brisèrent hélas cet élan, ouvrant la voie à la réaction autoritaire des années 1930.

Ceux qui font vivre la France veulent un monde plus juste

Ce sont les leçons de ce passé qu’il nous faut méditer lorsque Macron et les siens nous enjoignent aujourd’hui à l’« unité nationale » face au Coronavirus. Notre peuple n’a rien perdu de son instinct de solidarité et de sa capacité de sacrifice au nom de l’intérêt général. Quelle meilleure preuve de cela que l’engagement admirable de tous les salariés du privé et du public, de tous les bénévoles qui vont chaque jour travailler, au péril de leur santé et de leur vie, pour assurer la continuité des services dont nous avons besoin au quotidien ? Mais notre peuple n’a pas oublié non plus la soif d’égalité et d’émancipation qui court comme un fil rouge tout au long de son histoire. Il n’accepte pas que les dominants l’enjoignent au silence. Et il exige à bon droit que les sacrifices soient justement répartis, et que les plus modestes n’aient pas à payer le prix de l’épreuve. Ne rien concéder aux injonctions de la caste, porter haut et fort l’exigence d’égalité, et construire un monde plus juste pour toutes et tous au lendemain de la crise : Voilà notre devoir au service du peuple. Voilà le sens que le sens que nous donnons, nous, à l’« unité nationale » !

Retrouvez toutes les chroniques de confinement ici.

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