Pour faire face à l’épidémie de covid-19 le gouvernement a fait appel à l’armée. Soit. J’ai déjà dit ce que je pense de cette communication grandiloquente. D’autres ont carrément remis en question la pertinence d’un tel choix d’un point de vue strictement sanitaire, comme le porte-parole des urgentistes de France, Christophe Prudhomme. Pour ce médecin urgentiste, le gouvernement cache son inaction derrière des opérations spectaculaires menées par les armées mais dont la portée est finalement marginale et l’efficacité contestable.
Des opérations très médiatisées
A ce propos, il faut commenter d’un mot la communication qui entoure les transferts de malades accomplis avec l’aide de l’Allemagne. Le moins que l’on puisse dire est que tout cela ne va pas sans arrière-pensée de la part des deux gouvernements. Bien sûr, il faut faire preuve de gratitude à l’égard des Allemands dont l’aide sauvera sans doute la vie de plusieurs patients. Mais il faut aussi remettre les faits en perspective : d’une part ces transferts concerneront au bout du compte sans doute moins de 50 personnes ; d’autre part, ils sont « l’arbre qui cache la forêt » de la désunion européenne : dans la crise que nous traversons, en Europe, encore une fois, la solidarité bute dangereusement sur les questions financières. Si bien qu’il est sans doute plus facile à Berlin d’ouvrir quelques places d’hôpital que son porte-monnaie…
L’armée doit aider autant que de besoin
Du reste, la mobilisation de l’armée n’est pas illégitime ; pas même si les conditions sanitaires sont difficiles. Dans mes échanges avec les militaires, je vois bien que le désir de servir est aiguillonné par la difficulté de la période ; il y avait beaucoup de frustration à n’être pas mobilisé pour la protection de la population. En outre, travailler « en mode dégradé » comme on dit dans ce milieu, est considéré comme une des spécificités du métier. Je n’en disconviens pas. Telle est l’attitude attendue des soldats. Néanmoins, ce raisonnement ne peut être celui du responsable politique : la contrepartie de leur obéissance, c’est l’esprit de responsabilités de ceux qui les commandent, c’est-à-dire l’autorité politique. Or précisément, si eux sont prêts à tout, c’est notre devoir de ne pas les exposer sans motif.
Les décisions politiques doivent être à la hauteur
De ce point de vue, de nombreuses questions restent en suspens. Le nombre de quatre cents cas de covid-19 répertoriés dans les armées et rendu public il y a quelques jours est incertain, comme le bilan global dans la population, puisque les tests ne sont pas pratiqués à grande échelle. Des zones d’ombres demeurent sur la réaction de l’institution face à la contamination de ses personnels sur la base de Creil. Pour essayer d’en savoir plus, j’adresse aujourd’hui un courrier au ministère des Armées afin que soient communiqués aux membres de la commission de la défense de l’Assemblée nationale, les éléments d’enquête interne.
Quels moyens sont donnés aux soldats ?
En outre, on s’interroge beaucoup sur les moyens donnés aux soldats d’accomplir leurs missions dans de bonnes conditions. Le maintien de certains exercices de formation et préparation jugés indispensables pose question. Enfin et surtout, ce sont les OPEX et l’opération Sentinelle qui suscitent le plus de questions. Dans quelle mesure, la santé des soldats est-elle compromise ? L’État leur apporte-t-il des moyens suffisants pour la bonne exécution de leurs missions ? À l’inverse, ne risquent-ils pas d’être eux-mêmes les vecteurs d’une contamination que nous cherchons toutes et tous à enrayer ?
Le fonctionnement de l’armée est entièrement dépendant d’une planification rigoureuse. C’est sa grande force dans les moments que nous vivons. Si le gouvernement avait bien voulu plus tôt, rien n’aurait empêché par exemple de fournir, parmi les différents envois de matériels, des masques aux hommes et aux femmes de Barkhane…
Avons-nous dans ce domaine anticipé ? Non. Comment l’utilisation de nos armées entre-t-elle dans la planification sanitaire qu’il faut urgemment mettre en place pour sortir de cette épidémie ? Nous n’en savons rien, car le gouvernement est incapable de planifier ni la gestion de la crise avec les réquisitions indispensables pour fournir masques et tests par exemple, ni le déconfinement qu’il faut préparer dès à présent.
J’ai adressé formellement deux questions à Florence Parly sur ce sujet. Vous pouvez les retrouver ci-dessous.
Quelle protection pour nos soldats en OPEX ?
Le député Bastien Lachaud interroge la ministre des Armées Florence Parly sur la protection des soldats français en OPEX et prépositionnés à l’étranger.
En effet, l’épidémie de Covid-19 est désormais mondiale. Elle touche de nombreux pays dans lesquels les forces françaises sont présentes. En particulier, en Afrique subsaharienne de nombreux États ont déclaré « l’état d’urgence sanitaire. C’est par exemple le cas du Sénégal où se trouvent les « Éléments Français » mais aussi la Côte-d’Ivoire.
Dans le cadre de l’opération Barkhane, les forces françaises opèrent également au Mali, au Burkina Faso, au Niger et au Tchad. Au Mali, l’état d’urgence sanitaire a été prononcé le 26 mars et cependant l’élection législative prévue ce dimanche 29 mars est apparemment maintenue. Au Burkina Faso, on recensait le 26 mars, 7 morts et 140 cas d’infection. Au Niger, on en dénombrerait pour l’instant une dizaine. Au Tchad, l’hypothèse d’un confinement de la population a été évoquée publiquement par Idriss Déby mardi 24 mars.
Dans cette région, la pandémie s’ajoute à la crise sécuritaire et pourrait trouver un terrain très « favorable » : la faiblesse des États et des infrastructures sanitaires, la promiscuité à laquelle sont réduites les populations déplacées extrêmement nombreuses, les motifs d’inquiétude sont nombreux.
Ajoutons que la vie sur bien des bases est tributaire de la contribution de nombreux personnels civils recrutés localement.
Alors que l’armée est mobilisée sur le territoire national, les soldats en OPEX et prépositionnés ne doivent pas être livrés à eux-mêmes sans moyen de garantir leur propre protection face à l’épidémie.
C’est pourquoi monsieur Lachaud souhaite savoir de quels moyens (masque, gel hydroalcoolique…) disposent nos forces et quelles mesures sont prises pour les prémunir de la contamination.
Quelles mesures de prévention sanitaire pour les soldats dans le cadre de Sentinelle ?
Le député Bastien Lachaud souhaite interroger la ministre des armées sur les mesures de prévention sanitaire prises en faveur des soldats de l’opération Sentinelle.
En effet, durant la pandémie, le président de la République a souhaité maintenir cette opération controversée censée participer à la protection de la population sur le territoire national et à la « lutte contre le terrorisme ».
Mise en œuvre depuis plusieurs années, cette opération a connu de nettes améliorations mais demeure extrêmement éprouvante pour les forces armées.
Dans le contexte de l’épidémie de covid-19, la vulnérabilité des équipes de Sentinelle est encore accrue. Alors que le confinement et la distanciation sociale sont des impératifs réaffirmés, les soldats sont dans l’obligation d’agir en extérieur, en équipe et souvent au contact du public et le plus souvent sont hébergés collectivement.
Dans la pratique Sentinelle semble devoir déroger souvent aux consignes de prévention sanitaire données par le gouvernement.
C’est pourquoi monsieur Lachaud souhaite apprendre quelles mesures sont prises et quels moyens matériels concrets sont donnés aux soldats de l’opération Sentinelle pour accomplir leur mission sans risque d’être contaminés ou de contribuer à l’expansion de l’épidémie.