Déconfinement : planifier pour ne pas tout gâcher

Depuis plusieurs semaines déjà la France insoumise a mis en discussion la question du déconfinement. C’était un impératif : il fallait absolument donner un horizon intellectuel. On ne pouvait s’accommoder de dire qu’en restant enfermé, les problèmes se règleraient d’eux-mêmes. On nous a finalement donné raison sur ce point : le sujet

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Depuis plusieurs semaines déjà la France insoumise a mis en discussion la question du déconfinement. C’était un impératif : il fallait absolument donner un horizon intellectuel. On ne pouvait s’accommoder de dire qu’en restant enfermé, les problèmes se règleraient d’eux-mêmes.

On nous a finalement donné raison sur ce point : le sujet du déconfinement s’est imposé. L’allocution d’Emmanuel Macron le 10 avril a ratifié cette situation.

Malheureusement, les autorités n’ont, semble-t-il, compris qu’une partie de notre message. En lançant une date, comme prise au hasard, Emmanuel Macron n’a rien réglé : il a lancé une sorte d’ultimatum à ses propres ministres…

Le groupe parlementaire de la France insoumise a publié ce matin un document présentant notre plan de déconfinement. Il est disponible sur ce lien.

Planification : les paramètres d’une sortie ordonnée

Contrairement à lui, nous lions étroitement le déconfinement et la planification. Nous ne voulions pas avoir une « date de sortie » à tout prix. Nous voulions que soient définies publiquement sous quelles conditions le déconfinement pourrait avoir lieu.

Chacun voit que le problème est complexe. Pour éviter une deuxième vague de contaminations, il faut préciser une série d’objectifs à atteindre au préalable. Le confinement devait justement servir à cela : gagner du temps ; réduire au maximum les interactions entre les personnes pour limiter l’ampleur de l’épidémie et définir les moyens de la contenir une fois revenue à une « vie normale ».

D’une certaine façon, ces conditions sont assez simples à déterminer. Pour enrayer la contagion, il faut qu’un malade ne contamine pas même une autre personne. Pour cela, il faut des masques, du gel hydro-alcoolique, des tests, des lieux de mise en quarantaine des porteurs sans symptômes et des moyens de soin des malades.

Seul l’État peut avoir les réponses

Bien sûr, il faut entrer dans le détail de chacune de ces choses. Les questions se posent alors en série : l’une amène l’autre. Il n’y a pas d’autres moyens que d’en dérouler « la pelote ». On définit par exemple le nombre idéal de masques dont on disposerait pour le premier jour du déconfinement, le 10ème jour etc… On doit se demander comment les fabriquer, où les stocker, comment les acheminer, où, comment et à qui les distribuer.

D’où peuvent venir les réponses à ces questions si ce n’est des services de l’État lui-même? Dans la pyramide de l’État doivent remonter les informations du terrain. Poursuivons l’exemple : dans chaque département, les chambres de commerce sont à même de communiquer le nombre d’entreprises du textile, de définir des capacités de production. L’information remonte alors au préfet de région qui la remonte ensuite à la cellule de crise du ministère.

Ce travail fait, il convient de réquisitionner les entreprises en question. Beaucoup ne comprennent pas forcément le mot. Je le précise : l’État donne un ordre à l’entreprise. Désormais l’entreprise n’a plus qu’un seul client, l’État lui-même. Les autres commandes éventuelles sont mises en attente ou annulées. Si l’entreprise était à l’arrêt, alors elle doit reprendre son fonctionnement.. C’est alors que les travailleurs sont consultés pour définir de quelle façon le travail peut être accompli sans danger. Ce travail fait, les besoins en matière première peuvent être communiqués pour que les fournisseurs soient autorisés à acheminer le tissu ; et ainsi de suite… Au besoin, on peut procéder à la nationalisation d’entreprises, c’est-à-dire au rachat par l’Etat : dans le cas de Luxfer, entreprise de production de bouteilles d’oxygène, le propriétaire de l’entreprise a fermé le site de production français. Qu’à cela ne tienne, l’État se l’approprie et met les ouvriers au travail : c’est aussi simple que cela.

On procède de même par exemple pour les laboratoires d’analyse médicale ou les capacités hôtelières pour les mises en quarantaine à venir des personnes sans symptôme mais testées positives au covid-19. On établit une liste d’établissements qui seront réquisitionnés. On définit les besoins en repas, en produits d’hygiène, en connexion internet s’il le faut, et ainsi de suite.

Inutile de prolonger davantage la liste des exemples. On comprend la nature du travail et sa difficulté : coordonner les différents services, centraliser les informations et les partager avec ceux qui en ont besoin.

Décider à l’aveugle

D’autant que certaines informations feront nécessairement défaut. Pour planifier, certains paramètres ne peuvent faire l’objet que d’hypothèses. On est obligé de tenir des raisonnements probabilistes. Par exemple, on ignore quel est le risque exact de transmission du virus d’une personne à une autre si chacune porte un masque artisanal. Les décisions évidemment ne seront sans doute pas les mêmes s’il y a 5% de risques de contamination ou 25% de risques.

Je dois d’ailleurs préciser que ces chiffres n’ont aucune valeur. Ils servent seulement au raisonnement.

Un autre paramètre reste pour l’instant inconnu : les enfants sont-ils des vecteurs du virus ? Certaines études semblent indiquer qu’ils le sont rarement. Dans ces conditions, on pourrait supposer que, même s’ils se rencontrent à l’école, peu d’entre eux pourraient être contaminés et peu contamineraient leurs familles…. À l’inverse, s’ils sont vecteurs, alors l’ouverture des écoles ne pourraient avoir lieu qu’à condition que tous soient testés négatifs avant de retourner à l’école, puisqu’un seul cas suffirait à propager le virus.

De même, on ignore si un vaccin pourra être trouvé et éventuellement dans quels délais.

Le peuple n’est pas un enfant, on lui doit la vérité

Il n’y a là rien de vraiment original. Pourtant, personne à ma connaissance, en particulier au gouvernement, ne l’a dit simplement ;  Emmanuel Macron moins que personne.

Cela n’est pas surprenant. On connaît le mépris de la démocratie qui l’habite. Aussi en vient-il à faire des discours creux pour dissimuler la part d’incertitude qui existe nécessairement au moment de prendre une décision.

Or c’est notamment pour répondre à cette difficulté que nous recourons à la délibération démocratique. Un homme seul ne peut décider ou organiser tout. Tout le monde le sait. Mais Emmanuel Macron préfère parler de « sa destinée » au Financial Times plutôt que d’évoquer l’organisation concrète de la lutte contre le covid-19.

Il s’imagine que son prestige pâtirait s’il acceptait de dire qu’il ne sait pas tout et n’est pas tout puissant. Il ignore que les citoyennes et citoyens français forment un peuple adulte, capable de comprendre la réalité. Ce serait drôle si l’avenir et la santé de tout le pays n’était pas en jeu.

Après plus d’un mois de confinement, en réalité la capacité de la France à fabriquer des masques est  à peine de quelques millions d’unités. On ne sait pas quel stock sera disponible au 11 mai et comment la population y aura accès. A l’heure actuelle, le déconfinement prévu pour le 11 mai est particulièrement hasardeux.

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