LREM pratique un sectarisme éhonté
La semaine dernière, LREM a pratiqué un sectarisme d’un genre nouveau à l’encontre des propositions de loi de la France insoumise : en les vidant de leur substance, ils parviennent à s’accaparer le peu de temps de parole qui reste à l’opposition pour défendre ses propositions. 1 jour par an est déjà trop pour eux.
Les années précédentes, LREM se contentait de rejeter en bloc nos propositions : j’avais défendu pour le groupe de la France insoumise une loi sur la gratuité des premiers mètres cubes d’eau en 2018, et une loi instaurant le RIC en 2019. Ils avaient été rejetés avant même tout débat, par une motion de procédure permettant d’écarter les textes sans avoir à argumenter.
Suite au scandale généré par leur refus sectaire de la proposition de loi instaurant un congé de deuil pour les parents perdant un enfant en hiver dernier, ils ont dû changer de stratégie. Ils prennent les textes des oppositions, suppriment un à un tous les articles, ou les remplacent par leurs propres contenus, et votent le texte à la fin. Le tour est joué, les oppositions sont dépossédées de leur propre texte, et finissent même par devoir voter contre comme l’a fait mon collègue François Ruffin.
Répondre à l’urgence alimentaire et agricole
La proposition de loi que j’ai défendue en commission mercredi dernier n’y a pas échappé. Cette proposition de loi visait à répondre à l’urgence alimentaire et agricole. Elle doit répondre à 2 impératifs : que les prix de l’alimentation soient accessibles à la population, et que les agriculteurs soient correctement rémunérés pour leur travail et leur production.
Nous en avons déjà parlé pendant le confinement, mais le problème de la faim est loin d’être réglé avec le déconfinement. La crise sanitaire s’est transformée en crise économique, qui a frappé immédiatement les personnes les plus précaires. La crise sociale est là, et elle est installée pour longtemps. La solidarité a permis de faire face à l’urgence, mais les ressources des associations sont limitées. Les collectes alimentaires ne peuvent pas suffire à enrayer la crise alimentaire durablement. Plus encore, nous avons besoin d’un changement de système global, et pas seulement aider les personnes à se nourrir au cœur de la crise.
Aussi, nous avons proposé la création d’un chèque alimentaire mensuel et pérenne, pour garantir durablement l’accès des plus précaires à l’alimentation et aux produits de première nécessité. Nous avons proposé que le gouvernement puisse, au moins provisoirement, instaurer un maximum sur les prix, pour empêcher une flambée des prix de l’alimentation.
De l’autre côté de la chaîne, il faut permettre aux agriculteurs de pouvoir vivre de leur travail avec une rémunération correcte. Aussi, nous avions proposé une conférence annuelle interprofessionnelle afin de fixer des prix planchers. Celle-ci a été maintenue dans le texte de la commission, mais la proposition de loi faisait sens dans sa globalité, pas découpée en morceaux.
Vous pouvez voir sur ce lien ce qui a été fait du texte initial : il n’en reste rien. Seules 2 phrases du texte sont maintenues, celle qui précise que « un décret détermine les modalités d’application du présent article », et celle relative au gage de la loi, qui permet d’en assurer sa recevabilité financière.
En commission, les débats ont été, au milieu des outrances du représentant du Modem, essentiellement portés non sur la loi elle-même, mais sur comment LREM comptait profiter de cette occasion pour corriger leur loi Agriculture et Alimentation (dite Egalim), qui à l’évidence ne tient pas les belles promesses faites alors.
Il faut bien comprendre que les occasions de parler d’un sujet en séance publique sont rares : il faut un véhicule législatif qui en traite, pour pouvoir amender le texte, et proposer une mesure. Les amendements ne sont recevables que s’ils ont un lien au moins indirect avec le texte examiné. Évidemment, LREM a une conception très idéologique de ce qui est dans le sujet ou non, et se sert de cet article de la Constitution pour écarter des débats tout ce qui ne l’arrange pas.
Les niches parlementaires sont une très rare occasion de parler des sujets que nous choisissons. Cette possibilité nous est désormais ôtée par le sectarisme de LREM. Nous avons donc décidé de retirer la loi, pour pouvoir avoir les débats sur les autres lois.
Le système d’industrie agricole et productiviste mondialisé nous a conduit à la crise du Covid-19
Pourtant, il y a urgence. Le système agricole français n’est en aucun cas satisfaisant. Pour seule preuve, un agriculteur se suicide tous les deux jours en France. Ils et elles travaillent énormément, et tirent de leur travail des revenus insuffisants. Poussés au gigantisme et à l’endettement, ils doivent produire des rendements énormes, tout en étant coincés d’une part par la grande distribution qui absorbe toutes les marges, d’autre part, par un marché mondialisé qui fait fluctuer le cours des denrées.
Des spéculateurs parient sur les prix des denrées alimentaires comme ils le feraient sur n’importe quoi. Le but : le profit. Le résultat : famines pour celles et ceux qui ne peuvent faire face à l’augmentation des prix, faillite pour les agriculteurs en cas de baisse des cours.
Cette organisation ne répand que de la misère pour tous, et de l’extrême profit pour quelques-uns. Plus encore, cela pousse à des rendements toujours plus élevés, obtenus par une agriculture chimique, intensive, industrielle, hors-sol, qui maltraite les hommes, les animaux, et les sols, assassine la biodiversité à cause des pesticides, et des destructions des espaces naturels.
C’est ce système qui a rapproché inconsidérément les hommes des espaces naturels, d’espèces porteuses de virus inconnus, et qui, du fait de l’interconnexion totale des sociétés, a provoqué une pandémie qui a mis le monde à l’arrêt, et confiné près de la moitié de l’humanité.
Il faut faire bifurquer notre système agro-alimentaire, pour garantir une alimentation saine, locale, à des prix justes et accessibles à l’ensemble de la population.
Achevons par ces mots prononcés par Robespierre à la Convention nationale, le 2 décembre 1792, qui sont brûlants d’actualité : « Il n’est pas nécessaire que je puisse acheter de brillantes étoffes ; mais il faut que je sois assez riche pour acheter du pain, pour moi et pour mes enfants. Le négociant peut bien garder, dans ses magasins, les marchandises que le luxe et la vanité convoitent jusqu’à ce qu’il trouve le moment de les vendre au plus haut prix possible ; mais nul homme n’a le droit d’entasser des monceaux de blé, à côté de son semblable qui meurt de faim. »