Le défenseur des droits a publié une décision cadre concernant les personnes transgenres, qui rencontrent de grandes difficultés institutionnelles dans leur parcours de transition, et sont très souvent victimes de discriminations liées à leur identité de genre.
Il est impératif d’y mettre fin, et de consacrer l’égalité des droits.
Question écrite publiée le 14/07/2020.
M. Bastien Lachaud interroge Mme la ministre déléguée auprès du Premier ministre, chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes, de la diversité et de l’égalité des chances, sur la prise en compte par le Gouvernement des recommandations du Défenseur des droits concernant les personnes transgenres. Vendredi 26 juin 2020, le Défenseur des droits a rendu publique la décision-cadre n° 2020-136 du 18 juin 2020. Celle-ci fait état d’un certain nombre de recommandations que le Défenseur juge nécessaires pour faciliter la vie des personnes transgenres en France. Sept grands axes sont retenus par le Défenseur des droits, parmi lesquels la procédure de modification du sexe à l’état civil des personnes transgenres ainsi que la procédure de changement de prénom.
Selon la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle, la première demande est portée devant le tribunal judiciaire, alors que la seconde est déjudiciarisée. La procédure est donc soit soumise à un juge, soit à un officier d’état civil qui doit juger si l’apparence de la personne transgenre est bien conforme à l’identité de genre dont elle se réclame. Ce premier point est déjà problématique, puisque l’identité de genre dépend de la personne concernée et ne doit pas être soumise à l’arbitraire des conceptions de genre. Parfois aussi, les preuves d’une opération médicale sont exigées, sans lesquelles la procédure n’aboutit pas, alors que la loi de modernisation de la justice du XXIe siècle de 2016 n’exige plus de preuve de stérilisation pour un changement de sexe à l’état civil. Aujourd’hui, c’est donc au juge ou à l’officier d’état civil d’apprécier la réalité de la transidentité d’une personne. Or, et le défenseur des droits le souligne, ces procédures, où une preuve sociale ou médicale peut être demandée, contreviennent au respect à la vie privée et à l’autodétermination des personnes transgenres, au sens de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.
Ensuite, il est à noter que le parcours scolaire des personnes transgenres est une source supplémentaire de difficulté. Toujours selon la loi de modernisation de la justice du XXIe siècle, les personnes mineures ne peuvent pas faire de demande de changement de prénom ou de sexe sans l’autorisation des responsables légaux, sauf émancipation de la personne. Cette absence de reconnaissance pleine et entière de l’identité de genre des mineurs transgenres peut provoquer des situations où leur apparence ne concorde pas avec le genre attribué à la naissance, causant potentiellement des discriminations de la part du corps éducatif ou des élèves.
Ces discriminations peuvent d’autant plus survenir qu’il n’existe pas d’homogénéité sur les conditions d’accueil des personnes transgenres au sein des établissements scolaires et universitaires en France. Ainsi, selon le lieu, des professeurs autorisent ou non de jeunes transgenres à se faire appeler avec un prénom correspondant à leur genre, à choisir leur pronom, à porter des vêtements en adéquation avec leur identité de genre et à utiliser les vestiaires et toilettes en correspondance avec cette même identité.
Au niveau professionnel, l’accueil des personnes transgenres est souvent source de difficultés ou de discriminations par les employeurs privés ou publics. Il arrive que les documents professionnels administratifs ne soient pas conformes à l’identité de genre de la personne, après refus de mise en conformité par l’employeur, ou encore que l’usage des vestiaires ou toilettes correspondant à l’identité de genre de la personne ne soit pas permis. Ces situations peuvent causer ici aussi un décalage entre l’identité de genre de la personne et son genre attribué à la naissance. Cela constitue une source possible de nombreuses discriminations de la part des collègues, qui s’ajoute à celle causée par l’employeur. En outre, on sait, et le rapport le souligne, que l’accès aux soins et la prise en charge des soins ne sont pas optimaux pour les personnes transgenres.
La prise en charge des parcours de transitions et des frais médicaux des transitions n’est pas uniforme partout en France. Aussi, l’acte de prélèvement et la conservation des gamètes ne sont pas pris intégralement en charge par la sécurité sociale.
De plus, il soulève ensuite justement le vide juridique créé par la situation où deux parents de même sexe (dont l’un est transgenre, ayant modifié son sexe à l’état civil, mais n’ayant pas subi d’opération médicale de réassignation) ont conçu un enfant. Aujourd’hui, il n’existe pas de double reconnaissance maternelle ou paternelle de parents de même sexe, la filiation du géniteur transgenre ne peut donc pas être établie sauf adoption. Cette complication est source de grandes difficultés juridiques et d’une discrimination des personnes transgenres. Une personne homme à l’état civil qui accouche ne peut établir de filiation avec son enfant, alors même que c’est la personne qui accouche. Une femme à l’état civil qui a conçu un enfant avec une femme cisgenre ne peut établir sa filiation par la reconnaissance, ce qu’elle aurait pu faire avant changement à l’état civil.
Enfin, le Défenseur souligne l’urgence que les personnes transgenres incarcérées puissent être affectées dans des quartiers ou établissements conformes à leur identité de genre, et que les services pénitenciers accompagnent la transition lorsque celle-ci est encore en cours.
L’ensemble de ces points ne sont pas nouveaux, les associations de personnes transgenres les énoncent depuis des années. Mais plus que jamais, ils appellent à l’urgence. La vie de personnes est en ce moment même rendue difficile par des phénomènes auxquels il est tout à fait possible de mettre un terme. Parmi les mesures à prendre figurent la mise en place d’une procédure déclaratoire de changement de prénom et de sexe à l’état civil, comme la jurisprudence européenne le suggère, des directives dans l’éducation nationale et l’enseignement supérieur pour que, partout en France, la vie des jeunes transgenres soit facilitée, une meilleure sensibilisation des personnels éducatifs, une réglementation des établissements privés afin que les personnes transgenres n’aient pas de difficulté supplémentaire sur le lieu de travail, que ce soit dans le privé ou dans la fonction publique, du fait de leur transidentité.
Ainsi, il souhaite qu’elle lui apprenne quand le Gouvernement prendra en compte les recommandations du Défenseur des droits afin de mettre en place rapidement une réglementation qui mette un terme à la discrimination des personnes transgenres.