Question posée le 11/08/2020 :
M. Bastien Lachaud interroge M. le ministre des solidarités et de la santé sur la revalorisation des salaires et l’amélioration des conditions de travail des sages-femmes. Élu de la Seine-Saint-Denis, département jeune et où le taux de natalité est le plus fort de France, M. le député mesure tout particulièrement le rôle central que les sages-femmes remplissent dans la santé publique. Prise en charge des grossesses et des naissances, suivi gynécologique de prévention, vaccination des mères et des nouveau-nés, dépistage des violences faites aux femmes, etc. : les compétences des sages-femmes, qui couronnent cinq années d’études, sont nombreuses. Pas une naissance ne se fait sans elles. Leurs interventions ne se déprogramment pas, et leur activité s’est donc poursuivie durant la crise du crise du covid-19, où les sages-femmes ont été présentes en première ligne, comme leurs collègues des métiers de la santé et du soin, infirmières, aides-soignantes, médecins ou autres, les sages-femmes elles aussi n’ont pas compté leurs heures.
Et c’est dans un contexte particulièrement difficile qu’elles se sont acquittées de leurs tâches : prise en charge de patientes seules du fait du durcissement des règles d’accouchement, contraignant de nombreuses mères à accoucher seules, accroissant le stress des personnels soignants ; nombre d’heures travaillées explosif, afin de pallier aux nouveaux besoins créés par la pandémie et aux arrêts de travail de certains personnels ; risque sanitaire accru par le contact avec des populations à risque et le manque de matériel de protection, de masques, gants, gel hydro alcoolique. Autant de facteurs d’épuisement professionnel, de stress, de rupture avec le cercle familial. Ce contexte particulier met en relief le manque de reconnaissance et de valorisation dont souffre depuis longtemps la profession de sage-femme.
M. le député a été alerté sur les conditions de travail particulièrement difficiles qui sont les leurs. Il semble ainsi que les établissements d’Île-de-France souffrent d’une pénurie de sages-femmes hospitalières. Les plannings sont difficilement assurés par l’auto-remplacement, les gardes supplémentaires – au risque de l’épuisement des intéressées – ou encore par le recours aux vacataires.
La situation n’est pas meilleure au niveau salarial, où les sages-femmes dénoncent depuis longtemps l’insuffisance de leur rémunération – 1 800 euros bruts par mois pour une sage-femme en début de carrière dans la fonction publique hospitalière, quand un dentiste, qui a étudié un an de plus seulement, en perçoit 3 800. Une pareille insuffisance et une telle inégalité de rémunération renvoient également aux inégalités homme-femme, particulièrement marquées pour une profession qui est essentiellement féminine.
Comme le disait une sage-femme dont la presse rapportait récemment les propos : « On se demande si c’est parce que nous sommes une profession de femmes que nous sommes si peu entendues ». Cette absence de valorisation est la source d’un profond malaise au sein de la profession. En 2001, un grand mouvement de grève national avait marqué les esprits. Les années 2013 et 2014 avaient déjà été marquées par des manifestations de la profession.
Une étude lancée le 1er juin 2020 par le Conseil national de l’ordre des sages-femmes dans le cadre du « Ségur de la santé » a récemment montré que 55 % des sages-femmes ont envisagé de quitter le métier. Le récent « Ségur de la santé », supposé permettre une revalorisation des conditions salariales et du travail des personnels soignants à l’issue de l’épidémie de coronavirus, aurait pu être l’occasion de remédier à cette situation. Or les sages-femmes et leurs organisations représentatives dénoncent aujourd’hui une occasion manquée, voire un camouflet infligé à leur profession.
Le syndicat professionnel majoritaire représentant les sages-femmes de toute activité, l’ONSSF, s’est vu exclu des négociations malgré ses demandes auprès du ministère des solidarités et de la santé, tout comme toutes les instances représentant les sages-femmes. Celles-ci se sont vu attribuer une revalorisation de 183 euros net par mois supplémentaire, un montant insuffisant au vu des compétences et des responsabilités des sages-femmes. Une décision qui repose sur une véritable négation du statut des sages-femmes, qui se sont trouvées assimilées aux professionnels « non-médicaux » au sein des hôpitaux, alors que le code de la santé publique leur reconnaît le statut de « profession médicale ». Pour beaucoup de sages-femmes, c’est « la goutte d’eau qui fait déborder le vase », pour citer des propos rapportés par la presse et dans certaines lettres qu’a reçues M. le député.
La prise en compte pleine et entière du statut des sages-femmes, une réelle revalorisation salariale, l’augmentation des effectifs présents dans les maternités, la titularisation des sages-femmes contractuelles dans la fonction publique et la fin des contrats précaires sont autant de revendications qui ne devraient plus être ignorées. Interrogé sur le sujet à l’occasion d’une interview donnée au journal télévisé de 20 heures de France 2 le 22 juillet 2020, le ministre des solidarités et de la santé répondait que les sages femmes « ne sont pas du tout abandonnées ». C’est pourtant ce sentiment d’oubli et de mépris qui prévaut aujourd’hui au sein de la profession. Cette situation n’est pas acceptable.
C’est pourquoi il souhaiterait qu’il lui apprenne quelles mesures il compte prendre pour revaloriser les rémunérations des sages-femmes et leur garantir des conditions de travail décentes.
Réponse publiée le 24/11/2020 :
Le ministre des solidarités et de la santé a conscience du rôle joué par l’ensemble des sages-femmes exerçant en établissement de santé ou en ville pendant la crise sanitaire liée à la Covid-19 en assurant notamment sans relâche l’activité d’obstétrique, le suivi pré et post natal ainsi que l’activité d’interruption volontaire de grossesse.
Les sages-femmes relevant de la fonction publique hospitalière vont être directement concernées par les principales mesures contenues dans l’accord signé à la suite du Ségur de la santé. Elles bénéficient à compter du 1er septembre 2020 de la mesure de revalorisation socle des salaires permettant d’ici à la fin d’année un gain supplémentaire de 183 € nets par mois qui sera pris en compte pour le calcul de la retraite. En outre, cette mesure de revalorisation socle sera aussi accordée aux sages-femmes, exerçant dans les établissements privés de santé selon les modalités suivantes : 160€ dans les établissements privés à but lucratif et 183€ dans les établissements privés à but non lucratif.
Dans la fonction publique hospitalière, il est prévu le doublement des taux de promotion défini pour l’avancement dans le deuxième grade de sage-femme des hôpitaux ; ce taux est désormais fixé à 22% par un arrêté paru au Journal officiel le 10 septembre 2020. Ces travaux ne pourront que contribuer à une meilleure reconnaissance de la carrière des sages-femmes en tant que profession médicale à l’hôpital. Par ailleurs, les revalorisations indiciaires des autres corps soignants de catégorie A vont conduire à une réflexion sur l’évolution de la grille indiciaire des sages-femmes.
Dans un souci de dialogue de qualité avec les sages-femmes, ses services organiseront des discussions avec les organisations syndicales de la fonction publique hospitalière sur ce sujet, au sein d’un groupe de travail qui se réunira au premier semestre 2021. Au-delà des mesures de revalorisation et de soutien de la carrière de cette profession, le gouvernement travaille à la déclinaison dans les mois à venir de mesures fortes qui vont représenter de nouvelles opportunités pour l’exercice professionnel des sages-femmes.
La réforme des décrets d’autorisation de l’activité d’obstétrique, définissant les conditions d’implantation et de fonctionnement des maternités, permettra de faire progresser encore la qualité de la prise en charge des parturientes et des nouveau-nés et se traduira par une présence renforcée des sages-femmes dans les équipes en particulier dans les maternités de taille importante. Le parcours « 1000 jours », qui a fait l’objet de décisions majeures, suite à la remise du rapport de la commission d’experts le 8 septembre dernier, va également se traduire par un renforcement des effectifs et du rôle des professionnels de la périnatalité, au premier rang desquels les sages-femmes, dans le but notamment de mieux repérer les difficultés des familles et d’orienter les parents selon leurs besoins.
En outre, la pérennisation et la montée en charge de maisons de naissance, jusque-là sous statut expérimental, sont soutenues dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2021. Le déploiement de ces structures représentera une opportunité pour les sages-femmes désireuses d’un exercice autonome, au bénéfice de suivis de grossesses personnalisés et d’accouchements moins médicalisés, et rapprochera le système français des expériences de ce type conduites dans les pays comparables.
Enfin, le pacte « engagement maternité », annoncé en avril 2019, comportera un panel de mesures qui devrait mobiliser largement cette profession et dynamiser les relations des sages-femmes avec les autres acteurs de la « communauté périnatale » du territoire. L’une de ces mesures, la rénovation des actuels « centres périnataux de proximité » (CPP) qui verront leurs possibilités de création élargies, offrira la possibilité d’un exercice conforté, dans le cadre de structures aux missions élargies (incluant le suivi gynécologique des femmes ou l’activité d’IVG par exemple), mieux équipés (notamment en échographes) et dans un cadre sécurisé (avec un lien à la fois avec une maternité de référence et le réseau de santé périnatal sur le territoire).