La médecine scolaire est en première ligne dans le contexte de la reprise pandémique, et de la multiplication des foyers de contamination dans les écoles.
Toutefois, la médecine scolaire souffre d’un abandon structurel et de manques durables de moyens qui font qu’elle ne peut pas faire face à l’ampleur de la tâche. Déjà sous-dimensionnée par rapport aux besoins ordinaires, elle est déjà débordée par le virus.
Question écrite au gouvernement, publiée le 20/10/20 :
Monsieur le député Bastien Lachaud interroge le Monsieur le Ministre de l’Éducation nationale sur la situation de la médecine scolaire, sur l’ensemble du territoire et en particulier dans le département de la Seine–Saint-Denis.
En ce mois d’octobre 2020, la presse rapporte le désarroi d’une médecine scolaire désarmée devant la pandémie de Coronavirus COVID-19. Mettre en œuvre les préconisations sanitaires, faire le lien entre les établissements et les Agences Régionales de Santé, établir la liste des cas contacts quand cela est nécessaire : autant de tâches face auxquelles les médecins scolaires sont débordés ; et qui les détournent de leurs missions quotidiennes, qui n’ont pourtant pas perdu de leur importance.
Comme dans nombre d’autres domaines, la pandémie fonctionne ici comme le révélateur de failles structurelles qui affectent le service public, faute de moyens suffisants. Il y aurait aujourd’hui moins de 1000 médecins scolaires pour 12 millions d’élèves environ. Selon le Syndicat national des médecins scolaires et universitaires (SNMSU-UNSA Éducation), un médecin scolaire s’occupe en moyenne de 10 500 élèves. Un taux d’encadrement très éloigné de la moyenne recommandée — un médecin pour 5000 élèves — dont peut en outre interroger la pertinence même. La situation est plus grave dans certains départements : ainsi, le Loiret compterait aujourd’hui seulement 4 médecins scolaires, la presse rapportant le cas d’une médecin supposée couvrir à elle seule quelque 22 000 élèves.
L’on peut imaginer les conséquences d’un tel manque de personnel sur la santé des agents, confrontés à des tâches qu’ils n’assument qu’au prix d’un travail au-delà de leurs capacités, source d’affections psychologiques liées au travail. Surtout, un tel état de fait ne peut que soulever des inquiétudes quant au suivi médical des élèves. Le ministère de l’Éducation annonçait par exemple que 70 % des bilans des enfants de six ans sont effectués pour l’ensemble du territoire français : c’est-à-dire que 30 % ne le sont pas. Plus largement, l’absence d’une médecine scolaire à la hauteur des besoins compromet le nécessaire travail de prévention, sur la drogue, les MST, la contraception, la nutrition ou encore le harcèlement. Cette absence est aussi un facteur d’inégalités, en ce qu’elle renforce les écarts entre les familles qui dépendent des services publics pour la santé de leurs enfants, et les autres.
La situation est plus alarmante encore en Seine–Saint-Denis, département où est élu le député Bastien Lachaud, à Aubervilliers et Pantin. Selon un rapport parlementaire, le département ne comptait que 24 médecins scolaires seulement en 2018, soit un médecin pour 12 000 élèves. Et ce nombre est en net recul — il était de 38 il y a dix ans. La médecine scolaire est même totalement absente de certaines villes et secteurs entiers : la presse rapportait par exemple en 2017 qu’à Bobigny, préfecture du département, il n’y avait plus qu’un demi-poste pour 29 écoles, 4 collèges et 3 lycées ; sur le secteur des Lilas, de Romainville et du Pré-Saint-Gervais, il n’y avait tout simplement plus aucun médecin scolaire.
Les conséquences d’une telle situation sont extrêmement graves pour les Séquano-Dionysiens, a fortiori dans un département qui souffre par ailleurs de services médicaux et d’une offre de soin insuffisamment développés. Ainsi, seulement 10 % des bilans des enfants de 6 ans y seraient effectués, selon le SNMSU-UNSA Éducation. Ces données alarmantes reflètent une insuffisance particulièrement marquée en Seine–Saint-Denis. L’on retrouve ici dans le champ de la médecine la rupture de continuité du service public et les inégalités territoriales dont souffre le département dans bien d’autres domaines. Une situation qui expose légitimement l’État à des recours devant la justice.
Les causes de cette situation semblent être de différentes natures. Les créations de postes ne semblent pas se faire en nombre suffisant — 60 postes seraient proposés au concours chaque année. En outre, des conditions de travail difficiles et des rémunérations insuffisantes (en début de carrière, un médecin scolaire gagne 1 700 euros net ; avec les primes, le salaire peut se monter à 2 200 euros environ) expliquent sans doute que les postes créés ne sont eux-mêmes pas pourvus : par exemple, en 2015, seulement 17 postes sur les 49 provisionnés en Seine–Saint-Denis étaient occupés.
Une politique volontariste doit donc être mise en œuvre pour renforcer la médecine scolaire et garantir son déploiement égal et uniforme sur l’ensemble du territoire. Dans cette optique, Monsieur Lachaud souhaiterait obtenir de Monsieur le Ministre un état des lieux chiffrés de la médecine scolaire, à l’échelle nationale et départementale (nombre de postes existants, nombre de postes effectivement pourvus, nombre de postes créés à l’année, taux d’encadrement, etc.). Il souhaiterait apprendre du ministre quelles dispositions il a prises et compte prendre pour doter l’Éducation nationale des capacités et des personnels en nombre suffisant pour assurer partout l’ensemble des tâches qui reviennent à la médecine scolaire.
Lire la réponse, publiée le 20/07/2021 :
Les médecins de l’éducation nationale exercent leurs missions auprès des élèves dans le cadre du service de la santé scolaire. Afin de garantir ces missions sur l’ensemble du territoire et de répondre aux besoins des écoles et établissements scolaires, il convient de pouvoir remplacer les vacances de postes au rythme des départs en retraite.
Or, cet objectif s’avère difficile à atteindre du fait de la démographie déséquilibrée du corps des médecins se traduisant par un nombre élevé de départs à la retraite d’une part, et par l’insuffisance des médecins en sortie d’études afin de pourvoir l’ensemble des besoins de recrutements publics et privés d’autre part. La démographie médicale nationale est, en effet, en baisse depuis plusieurs années et les difficultés de recrutement de médecins ne sont donc pas spécifiques à la médecine scolaire.
Dans ce contexte, et dans une perspective d’amélioration de la situation des médecins de l’éducation nationale, diverses mesures ont été prises afin de renforcer l’attractivité du corps des médecins de l’éducation nationale et de résorber le déficit de médecins scolaires depuis 2015, à savoir :
– la revalorisation du régime indemnitaire des médecins de l’éducation nationale dans le cadre du passage au RIFSEEP au 1er décembre 2015 ;
– le relèvement de la rémunération minimum des médecins contractuels en primo-recrutement à l’indice 582, soit un gain supplémentaire de 4 836 € bruts annuels ;
– l’indemnisation des médecins « tuteurs » accueillant des internes en stage, dès 2016, à hauteur de 600 € par stagiaire et par an.
Les académies sont en effet incitées à accueillir davantage d’internes en médecine en stage afin de les sensibiliser aux enjeux d’une carrière en milieu scolaire. Par ailleurs, dans le cadre de la mise en œuvre du PPCR, des mesures statutaires et indiciaires prenant effet à partir du 1er septembre 2017 ont nettement revalorisé la carrière des médecins de l’éducation nationale, à savoir : –
la création au 1er septembre 2017 d’un 3ème grade (hors classe) culminant à la hors échelle B, afin de rapprocher la grille indiciaire du corps des médecins de l’éducation nationale de celle du cadre d’emplois des médecins territoriaux (MT) et d’ouvrir de nouvelles perspectives de carrière aux membres de ce corps ;
– l’amélioration du taux de promotion à la 1ère classe des médecins qui a été porté de 13 % à 16 %, 19 % et 21 % respectivement pour les années 2018, 2019 et 2020 ;
– la fixation d’un taux de promotion à la nouvelle hors classe tenant compte de l’importance du nombre de promouvables (16,5 % pour les années 2017 à 2020) ;
– la revalorisation de l’indemnité « Réseau d’éducation prioritaire renforcé » (REP+) à compter de la rentrée scolaire 2018 pour les médecins de l’éducation nationale affectés dans les écoles ou établissements relevant d’un REP+ ou exerçant dans au moins un de ces établissements.
Cette revalorisation s’élève à 1 000 € nets annuels. Enfin, au plan national, la diffusion d’informations relatives au métier de médecin de l’éducation nationale auprès des étudiants et des internes en médecine a été accentuée afin de susciter des vocations parmi ces publics. Au niveau national, 1 506 emplois ont été notifiés aux académies. Celles-ci mettent tout en oeuvre pour pourvoir, dans les meilleures conditions possibles, les postes vacants qui sont d’un peu plus de 500.
S’agissant des données relatives aux académies de Créteil et d’Orléans-Tours, elles bénéficient respectivement de 100 et 48 emplois de médecine scolaire. Si le taux de vacance de ces emplois est en effet conséquent, ces deux académies, à l’appui des mesures nationales et de leurs propres dispositifs, mettent tout en oeuvre pour rendre attractifs ces emplois, en particulier dans les départements de Seine-Saint-Denis et du Loiret.