11 novembre 2020 : le camp de la paix doit l’emporter

Il y a 102 ans aujourd’hui, le 11 novembre 1918, les combats cessaient, l’armistice entrait en vigueur. Après quatre années, la Première guerre mondiale prenait fin. Cette année, dans le contexte de crise sanitaire que connaît notre pays, les traditionnelles cérémonies commémoratives ont une teneur particulière. Une teneur amère, car elles ne peuvent se dérouler en public. Il était toutefois important que la commémoration puisse avoir lieu. Pour ne jamais oublier.

Ne jamais oublier le bilan atroce de ces quatre années meurtrières. Quatre années qui ont coûté la vie à dix millions de combattants dans le monde, dont un million quatre cent mille français. Qui ont valu la condamnation à mort à près de mille « fusillés pour l’exemple », après des jugements qui n’avaient rien de la justice, simplement parce qu’ils ne voulaient ou ne pouvaient plus supporter l’épreuve du feu. Qui ont marqué à jamais les corps et les âmes de ceux qui ont survécu, « gueules cassées », vétérans hantés par le souvenir de leurs camarades tombés, par la barbarie des tranchées. Qui ont endeuillé les familles qui ont perdu un mari, un père, un frère, un fils. Qui ont meurtri la patrie et le peuple tout entier.

Ne jamais oublier le sacrifice des soldats, des « poilus » morts pour la France et la République. Ne jamais oublier leurs noms, qui demeurent à jamais gravés sur les monuments aux morts, à Aubervilliers, à Pantin, comme dans chaque ville et village de France. Le rôle des civils mobilisés au service de l’effort de guerre : plus d’un millions six cent mille ouvriers et ouvrières. Le rôle des colonies, qui se sont battues pour une patrie qui ne leur avait pourtant réservé que la domination et l’injustice. La dette éternelle que la nation a contracté à l’égard de tous les hommes et les femmes qui, au front et à l’arrière, ont contribué à la victoire.

Ne jamais oublier la leçon de ces années terribles. Ne jamais oublier le devoir d’œuvrer sans relâche à bannir la guerre, à préserver toujours la paix. Le devoir, pour préserver cette paix, d’en finir avec la logique qui a engendré les guerres du passé et risque d’engendrer les affrontements de demain : la logique du capitalisme, qui condamne les peuples à se livrer une concurrence sans merci, qui accouche inévitablement du nationalisme et de l’impérialisme, qui  » porte en lui la guerre comme la nuée porte l’orage « , ainsi que le disait Jean Jaurès.

Ne jamais oublier la mémoire de cette épreuve que fut la  » Grande Guerre « , c’est une obligation particulièrement ardente aujourd’hui, à l’heure où le mot de  » guerre  » est à nouveau sur les bouches des gouvernants, justifiant les glissements les plus dangereux. La « guerre contre le terrorisme », au nom de laquelle certains voudraient réduire les libertés publiques, transformer des millions de nos concitoyens en ennemis de l’intérieur. La « guerre contre le virus », au nom de laquelle les mêmes voudraient justifier le recours à un mode de gouvernement autoritaire. Ce que la Grande Guerre nous enseigne, c’est précisément le contraire : que notre patrie a vaincu ses ennemis sans jamais succomber à l’esprit de guerre civile, sans jamais renoncer à la démocratie. Sans jamais renoncer à être elle-même : une République de liberté, d’égalité, de fraternité. C’est aussi pour cela que l’on s’est battu, en 1914-1918.