La vaccination en France semble prendre du retard par rapport aux autres pays européens. Certains d’entre eux recourent aux capacités logistiques de leurs armées pour l’organisation de la vaccination. Qu’en est-il en France ?
Question écrite au gouvernement posée le 12/01/2021 :
Monsieur Bastien Lachaud interroge Madame la Ministre des armées sur l’engagement des forces armées dans le cadre de la campagne de vaccination contre le Coronavirus COVID-19.
Depuis son début, la campagne de vaccination semble en effet rencontrer un certain nombre de difficultés, que traduit le faible nombre de personnes vaccinées dans notre pays. À la date du 5 janvier 2021, seules 7000 personnes auraient été vaccinées dans notre pays — contre 140 000 environ en Espagne, 180 000 en Italie, 315 000 en Allemagne, presque 1 million au Royaume-Uni, pour arrêter la comparaison aux pays voisins. Seulement 1,3 % des doses de vaccin réceptionnées par notre pays auraient été utilisées.
Si la lenteur de la campagne de vaccination peut être imputée aux choix stratégiques initiaux du gouvernement, elle s’explique aussi, visiblement, par des difficultés logistiques. La mise en œuvre d’une campagne de vaccination rapide et les caractéristiques du vaccin Pfizer-BioNtech supposent des capacités de transport et des moyens de stockage importants, permettant le respect de la chaîne du froid. Ces moyens semblent aujourd’hui faire défaut, si l’on en croit les informations rapportées par la presse, qui s’est fait l’écho du manque de supercongélateurs ou encore du transport de doses de vaccin par voie de taxis. Remédier à ces difficultés logistiques apparaît aujourd’hui indispensable afin de permettre à la campagne de vaccination d’atteindre ses objectifs.
Dans ce contexte, la question du recours aux capacités des forces armées doit se poser. Celles-ci pourraient apporter une contribution importante à la campagne de vaccination, en accomplissant notamment des missions logistiques et de sécurisation. Mise à disposition de sites militaires pour le stockage sécurisé des doses de vaccin ; utilisation de moyens militaires pour le transport de celles-ci dans les meilleures conditions de sécurité et dans le respect de la chaîne du froid ; contribution à la construction et la mise en place de centres de vaccination ; mise à disposition de personnel militaire pour assister les personnels de santé en cas de besoin : autant de possibilités qui devraient faire l’objet d’un examen détaillé et, le cas échéant, d’une planification anticipée, afin que les moyens nécessaires puissent être déployés rapidement en cas de besoin. Aucune information n’ayant été communiquée à ce sujet par le ministère des armées, l’on ignore aujourd’hui si ces possibilités ont été étudiées, ou si elles ont été écartées en raison d’un choix délibéré ou d’une impossibilité matérielle — la surutilisation des armées (opérations extérieures et opération sentinelle, dont le chef de l’État a annoncé le 29 octobre dernier porter les effectifs de 3000 à 7000 soldats) les empêchant de fournir le matériel et le personnel nécessaire.
La question du déploiement de moyens militaires au service de la campagne de vaccination se pose avec d’autant plus d’acuité que les exemples de pays voisins du nôtre semblent démontrer leur efficacité. Ainsi, en Italie, les capacités logistiques des forces armées ont été utilisées dès le début — 5 avions militaires, 60 véhicules terrestres et 250 hommes et femmes des forces armées auraient été mobilisés pour le transport des premières doses de vaccin. Dans le cadre de la seconde phase de vaccination, 21 structures militaires seraient réquisitionnées pour constituer autant hub de stockage sécurisé du vaccin à l’échelle régionale ; 11 avions, 73 hélicoptères et 360 véhicules terrestres seraient mobilisés pour l’acheminement des doses vers le site de vaccination ; le personnel militaire serait mis à disposition pour procéder en cas de besoin à la vaccination, via des points fixes et des équipes mobiles. En Allemagne, les forces armées apportent également une contribution active à la campagne de vaccination – 20 000 soldats seraient actuellement mobilisés à cet effet, dans différentes tâches : assistance aux services de santé pour la vaccination, les tests et le traçage, équipes mobiles de vaccination, stockage, assistance à la mise en place des centres de vaccination.
À la lumière des difficultés que rencontre actuellement notre pays et des exemples des pays voisins, M. Bastien Lachaud souhaite donc apprendre de Mme la ministre des armées si le gouvernement envisage d’employer les moyens des forces armées dans le cadre de la campagne de vaccination. Il lui demande de prendre en considération toutes les mesures et les moyens pouvant être déployés afin de permettre à tous les Français qui le souhaitent d’être vaccinés dans les meilleurs délais.
Réponse publiée le 06/04/2021 :
Les armées sont engagées depuis le 31 mars 2020 dans l’opération Résilience de soutien à la lutte contre l’épidémie de COVID-19. L’objectif de Résilience était, pour la première phase de la crise sanitaire, d’apporter aux autorités civiles le concours des armées dans les volets sanitaire, logistique et sécuritaire, pour faire face à la pandémie, en métropole comme outre-mer.
Depuis le 1er septembre 2020, la mobilisation des armées repose sur une posture d’alerte dynamique pour répondre aux besoins du ministère des solidarités et de la santé (MSS) et des acteurs institutionnels. Depuis le mois de décembre, la contribution des armées s’exerce en appui de la stratégie de vaccination du MSS. Cette stratégie ne prévoit pas leur participation directe aux opérations de vaccination, notamment parce que l’activité économique permet aux opérateurs du MSS de s’appuyer sur leurs prestataires habituels.
Par ailleurs, les armées n’apportent une plus-value que sur certains segments techniques de la logistique nécessaire à la vaccination. En effet, elles ne disposent pas des capacités particulières de transports ou de stockage à grande température négative, telles qu’exigées par les vaccins les plus contraignants dans ce domaine. En outre, tout renfort impliquant des ressources du service de santé des armées (SSA), qui ne représente que 1% des capacités médicales du pays, aurait des conséquences immédiates sur la capacité du service à remplir sa mission opérationnelle de soutien médical au profit des armées engagées sur le territoire national comme en opérations extérieures.
Les armées restent en mesure d’intervenir si des besoins particuliers émergent ou si des acteurs font défaut ou sont en situation de ne pas pouvoir honorer leur contrat. Pour cela, elles maintiennent en alerte des moyens pour répondre sur court préavis à toute sollicitation émanant des ministères ou des acteurs de terrain. Les armées ont ainsi dernièrement acheminé vers les outre-mer des congélateurs – 80 °C.
Par ailleurs, dans le cadre d’une convention avec l’agence santé publique France, le SSA a donné son accord pour contribuer au stockage d’une partie des vaccins détenus par la France, non réceptionnés à ce jour.
Enfin, les premiers vaccins pour la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie française ont été livrés par avion militaire les 7 et 8 janvier 2021.