Comment résoudre la crise du logement en Corse ?

La Corse connait une grave crise du logement, car ceux-ci sont inaccessibles dans de nombreuses zones aux personnes modestes, précaires, aux jeunes ménages, et même aux personnes aux revenus médians.

En cause ? L’intense spéculation immobilière et foncière qui y sévit, fait grimper les prix, et chasse toujours plus loin les habitants qui doivent se résoudre à résider loin de leur lieu de travail. Des villes se transforment en ville fantômes l’hiver, complètement marchandisées l’été, où il y a de moins en moins d’habitants permanents.

Ce phénomène est accru en Corse, et l’île comporte en même temps un taux très faible de logement social, et 20% de personnes sous le seuil de pauvreté. Toutefois, la spéculation immobilière et foncière touche d’autres zones en France. La France insoumise avait proposé des amendements visant à renforcer et à étendre les dispositifs proposés. Mais comme la majorité en a l’habitude désormais, ils ont été déclarés recevables, quoiqu’en lien direct avec la spéculation immobilière et foncière, en Corse comme ailleurs !

J’ai donc soutenu la proposition de loi de plusieurs députés Corses, qui proposent des mesures de taxation, de préemption et de planification relatives au logement, afin de résoudre la crise du logement en Corse.

Lire le texte de la discussion générale de la proposition de loi :

Madame la Présidente, Monsieur le Rapporteur, Mes chers collègues,

Nos collègues du groupe Liberté et Territoires proposent un texte visant à lutter contre le phénomène de spéculations foncière et immobilière en Corse. Le groupe de la France insoumise ne peut que rejoindre un texte qui vise à lutter contre la spéculation, l’accaparation par les riches, la destruction de tout par la marchandisation, l’exclusion de toute autre classe sociale que les classes très aisées.

En effet, la spéculation immobilière et foncière fait des ravages en Corse. En Corse comme ailleurs, il existe une intense spéculation qui vise à tirer des profits juteux du tourisme de masse. Peu leur importe les conséquences sur les populations. Mais elles sont terribles. Les achats à visée touristique accaparent tous les logements disponibles. Les lieux sont vidés de leur population, suroccupés pendant les vacances d’été, et devenant des villes fantômes l’hiver. S’il n’y a aucune régulation, ou trop peu, cela provoque un grave problème d’accès au logement. Les logements disponibles sont accaparés, jamais loués à l’année. Les habitants sont chassés plus loin, les trajets pour aller travailler s’allongent.

 Les lieux sont peu à peu artificialisées, entièrement dédiées au tourisme. Les spécificités qui font leur charme peu à peu folkorisées et momifiées pour en tirer le plus d’argent possible. Même la beauté du paysage est marchandisée.

Le problème de l’indisponibilité des logements en Corse s’aggrave d’année en année. Entre 2006 et 2019, le coût du logement a augmenté 2 fois plus vite sur l’île que sur le continent, et le coût du foncier 4 fois plus vite, alors qu’un corse sur 5 vit sous le seuil de pauvreté. Les loyers y sont en moyenne très élevés, il y a, en moyenne, seulement 10% de logements sociaux, soit le taux le plus faible de France métropolitaine. Enfin, 90 000 logements sont des résidences secondaires, soit 28,8 % du parc de logements, contre 9,6% en France métropolitaine. Ce phénomène se retrouve ailleurs, même s’il est particulièrement développé en Corse, selon les chiffres donnés par le rapporteur, seul le département des Hautes-Alpes a un taux supérieur (35,6 %) tandis que la Savoie, les Alpes de Haute-Provence et la Lozère ont des taux similaires.

Certaines communes comme Porto Vecchio ou Bonifacio comptent d’ores et déjà une majorité de résidences secondaires. 37 % de ces résidences secondaires sont détenues par des résidents corses, 55 % par des personnes résidant en France hors Corse, et 8 % par des personnes résidant à l’étranger.

Ces différents facteurs combinés rendent très difficile de se loger sur l’île, particulièrement pour les classes populaires. Les personnes précaires, les jeunes ménages, les familles ont du mal à trouver à se loger à prix raisonnable à proximité des zones où ils travaillent.

La combinaison de fortes inégalités de revenus, avec une prédation spéculative sur les logements, amplifie la crise du logement. Les individus seuls ne peuvent rien faire face à la spéculation contre laquelle ils sont bien incapables économiquement de renchérir.

Il faut donc une action publique de maîtrise du coût du logement, pour empêcher ce phénomène de spéculation. C’est ce que propose cette proposition de loi, et la France insoumise y est, pour ses principes, favorable. Nous sommes favorables à l’élargissement du droit de préemption.

De même, nous approuvons la création d’une taxe sur les résidences secondaires applicables en Corse, car c’est à même de dissuader la spéculation immobilière et foncière. Toutefois, nous trouvons que le texte ne va pas assez loin, aussi avions proposé par amendement d’abaisser le seuil pour inclure davantage de communes qui pourraient délibérer de cette surtaxe. En effet, les critères actuels ne concerneraient qu’Ajaccio et Bastia. De nombreuses communes de zones touristiques de plus petite taille, en Corse, sur la côte d’Azur ou Atlantique, sont également concernés par le phénomène de spéculation foncière, et ne pourraient bénéficier de cet outil.

Toutefois, si la protection de la Corse face à la spéculation est utile, il ne faudrait pas que cela ait pour conséquence que la spéculation se déplace ailleurs sur le territoire national, et vienne frapper d’autres zones. Il ne s’agit pas de déplacer le problème, mais de le régler, aussi l’amendement proposé permettait à toutes les communes de se saisir du dispositif. Malheureusement, comme désormais LREM en a la sinistre habitude, ils ont été commodément déclarés irrecevables, aussi nous ne pouvons donc débattre de rien.

Nous sommes pour la planification écologique, et de façon générale pour la planification des activités, aussi nous sommes favorables à ce que les plans locaux d’urbanisme puissent définir des zones dans lesquelles la construction de logements à des fins de résidences secondaires ou de location saisonnière non professionnelle ne serait plus permises, afin d’éviter la création de villes fantômes.

En revanche, nous avons des réserves sur l’article 4. Nous ne sommes pas favorables à la différenciation territoriale, et aux bricolages auxquels la loi sur l’expérimentation votée la semaine dernière vont immanquablement conduire. Nous ne voulons pas de la mise en concurrence des territoires, qui conduira immanquablement au moins disant social, environnemental. A des règles illisibles qui changent selon les régions ou les départements. Toutefois, la spécificité Corse n’a pas besoin de démonstration, et elle est ancrée dans un fait incontestable : son insularité. Partant de là, mais ce n’est pas le sujet de cette proposition de loi, nous sommes d’accord pour réfléchir à la place de la Corse dans le système institutionnel, dans le cadre de l’article 74 de la Constitution. Nous l’avons déjà dit, et le redisons aujourd’hui, en regrettant de ne pouvoir aborder ce sujet.