Question écrite sur le prêt à l’Allemagne d’avions de patrouille maritime

Question écrite au gouvernement, posée le 06/04/2021 :

M. Bastien Lachaud interroge Mme la ministre des armées sur le projet de prêt de quatre avions de patrouille maritime Atlantique 2 (ATL2) rénovés au standard 6 à l’armée allemande. Ce projet vise à consolider le programme franco-allemand de futur avion de patrouille maritime MAWS (Maritime Airborne War System).

Alors que ce dernier pourrait aboutir en 2030, les appareils P-3C Orion utilisés par l’armée allemande doivent quitter le service en 2025 occasionnant un trou capacitaire. Pour s’en prémunir, l’Allemagne a envisagé de se procurer cinq appareils P-8A Poséidon de Boeing pour un montant estimé à 1,5 milliard de dollars. Il va sans dire qu’un tel achat signifierait assurément le retrait de l’Allemagne du projet MAWS. On comprend donc que la France ait proposé de prêter 4 ATL2 rénovés à l’Allemagne pour maintenir en vie le programme MAWS. Néanmoins, les conditions de ce prêt posent question. En effet, ces appareils rénovés qui iraient compléter les capacités allemandes ne feraient-ils pas défaut à l’armée de l’air française ?

Apparemment pas, puisque sur la flotte française de vingt-deux ATL2, il était acquis que dix-huit seraient rénovés. Or il a été précisé que les quatre appareils éventuellement prêtés ne seraient pas prélevés sur ce contingent, mais parmi les quatre de reste.

Toutefois, cela ne peut entièrement rassurer : ces quatre avions qui ne devaient pas être rénovés devaient être utilisés comme stock de pièces détachées. S’ils sont finalement rénovés, on peut se demander quel impact le prêt aura sur le coût de la maintenance et la disponibilité des dix-huit ATL2 rénovés de la flotte française.

On peut également s’interroger sur le coût de la maintenance et la disponibilité des appareils en prêt : en cas de retard, l’Allemagne n’en imputerait-elle pas une partie à la France ?

D’une manière générale, on peut aussi se demander qui supporterait le coût de la rénovation imprévue des quatre ATL2 et enfin interroger la notion même de prêt des appareils : seront-ils, à strictement parler, prêtés ou bien loués et à quelles conditions ?

Même si l’on peut comprendre que la France cherche à préserver le programme MAWS afin de partager les coûts du développement d’un nouvel avion, il est indispensable d’établir clairement les inconvénients du prêt de ces quatre appareils à l’Allemagne, tout en se rappelant que cette dernière agit systématiquement pour « tordre le bras » de son « partenaire » français dans les négociations industrielles.

C’est pourquoi il souhaite qu’elle lui indique si le jeu en vaut la chandelle.

Lire la réponse, publiée le 07/09/2021 :

L’Atlantique 2 (ATL2) est un aéronef de patrouille maritime construit par Dassault Aviation à 28 exemplaires et dont le premier avion a été livré en octobre 1989. Sur les 22 ATL2 aujourd’hui en service au sein de la Marine nationale, 18 seront portés au standard avion N°6 (STD 6) entre 2019 et 2024 conformément aux objectifs de la loi de programmation militaire (LPM) 2019 – 2025. Les 5 premiers avions rénovés à ce standard ont été livrés.

L’Allemagne a annoncé récemment devoir retirer ses 8 P-3C Orion du service en 2025 en raison de l’arrêt du programme de modernisation confié à Airbus. Dès lors, pour répondre au besoin allemand de solution intérimaire de remplacement des P-3C Orion avant la mise en service opérationnelle de MAWS (Maritime Airborne Warfare System) à l’horizon 2032/2035, la France a proposé à l’Allemagne de lui louer ou de lui vendre 4 ATL2 rénovés au STD 6 à compter de 2025.

Ces 4 ATL2 ne devaient pas être rénovés pour la Marine nationale et sont prévus d’être retirés du service de 2023 à 2026. En cas d’accord avec l’Allemagne, les chantiers de rénovations au STD 6 seraient effectués par Dassault Aviation et financés par l’Allemagne.

Il n’y aurait ainsi aucun impact sur le planning de modification des chantiers des ATL2 français restants, en grande partie effectués par le service industriel de l’aéronautique (SIAé), et donc sur le contrat opérationnel. Concernant l’absence du potentiel stock de pièces de rechange issus du démantèlement des 4 ATL2 aujourd’hui non prévus d’être rénovés, l’impact a été analysé par la direction de la maintenance aéronautique (DMAé) et est jugé négligeable pour le maintien en condition opérationnelle (MCO).

En outre, la rénovation de 4 ATL2 supplémentaires pourrait constituer une opportunité pour disposer d’un stock de rechange commun plus conséquent sur le périmètre rénové et gagner en synergie de maintenance. Enfin, cette offre française comporte de nombreux atouts en raison de son coût significativement moins élevé que la solution P-8A Poseidon américaine mais aussi du point de vue de la coopération opérationnelle, en créant une communauté de patrouille maritime franco-allemande, véritable rampe de lancement pour le programme MAWS.

En conclusion, cette offre ne présente pas de risque sur la composante de patrouille maritime française et apparaît objectivement comme très compétitive d’un point de vue opérationnel et financier. Elle est également de nature à soutenir la pérennité du programme MAWS qui ne doit pas être retardé.

Image par Christian Dorn de Pixabay