Le 14 avril 2021, Bastien Lachaud a dénoncé l’accord cadre négocié avec l’Australie en toute opacité. Dérégulation économique, et gesticulations sur le climat, ces accords disent coopération, mais pensent business.
Ces accords visent également à marquer la Chine au plus près, et participent à la stratégie de réorientation vers l’Indo-Pacifique, la nouvelle obsession de Washington.
La France doit être indépendante, et au service de la paix. Nouer des relations de coopération avec le peuple australien, avec lequel elle a des liens d’amitié historiques.
Lire le texte de l’intervention :
On nous demande de ratifier un accord cadre de coopération entre l’Union européenne et l’Australie.
A première vue, on ne saurait être contre : nos relations avec le peuple australien sont empreintes d’amitié. Nous avons même le souvenir que des soldats australiens ont perdu la vie en France au cours du premier et du second conflit mondial.
Quant au mot même de coopération, c’est véritablement un beau si on lui donne toute sa signification : nous nous proposerions de faire œuvre commune, ou mieux, en commun. Voilà qui est fait pour plaire à un insoumis, nous dont le programme politique s’appelle l’avenir en commun. Et pourtant, il faut bien avouer que le compte n’y sera pas. L’astuce est éventée : on ne sait que trop que lorsque Bruxelles dit « coopération », en réalité elle pense commerce, ou plus exactement « business ».
Et c’est bien l’enjeu premier de ce texte qui est le pendant d’un accord commercial, qu’il sert à rendre plus acceptable. Ici, on fait la liste des vœux pieux qui permettront de faire oublier que les fondamentaux de la catastrophe écologique ne sont absolument pas remis en question par le genre de « coopération » qu’on nous propose.
Le libre-échange, l’intensification des échanges financiers, la promotion aveuglée des privatisations au sein des organismes internationaux, au premier rang desquels l’OMC, voilà le vrai potage qu’on veut encore nous faire avaler. Bien sûr, ce serait trop amer si on ne dissimulait pas les vraies intentions derrières des généralités sucrées. Les parties signataires veulent la paix et la concorde universelle, la préservation de l’environnement et caetera et caetera…
Navré de vous le dire, ce genre de diversion n’a aucune espèce de conséquence. Avez-vous entendu parler de la relance de l’économie australienne par le gaz ? Croyez vous un instant qu’elle soit compatible avec les objectifs de l’accord de Paris ? Et pourtant ces objectifs, même s’ils étaient atteints ne suffiraient pas à éviter des catastrophes pour bien des îles du Pacifique, dont nos amis australiens reçoivent les réfugiés avec une hostilité très semblable à celle que les institutions européennes et notre gouvernement vouent aux exilés et réfugiés climatiques qui s’exposent à périr en Méditerranée. Je crains que les protestations d’humanisme de votre traité ne puissent faire oublier cette réalité.
J’affirme qu’il ne faut rien attendre de cet accord. Comme si Bruxelles pouvait donner un contenu concret aux poncifs de la bonne conscience libérale ! Les bureaucrates les plus aveuglés, les thuriféraires de l’austérité, ceux pour qui « il n’existe pas de démocratie en dehors des traités » comme disait Jean-Claude Juncker, ne mettront jamais en œuvre une quelconque coopération qui viserait l’intérêt général humain.
Or c’est bien de cela que nous avons besoin. D’œuvrer avec les peuples du monde à des réalisations concrètes qui servent l’humanité dans son ensemble. Et pour cela, nous n’avons pas besoin de l’autorisation de l’Union européenne. Le partage des connaissances, les échanges culturels, tout ce qui fait réellement progresser l’humanité, il est si facile de les faire prospérer dans un cadre bilatéral. C’est bien dans ce cadre bilatéral que nous faisons commerce d’armements avec l’Australie. Je ne m’en plains pas d’ailleurs : j’aime cent fois mieux que nos sous-marins soient vendus à l’Australie démocratique que nos canons à l’Arabie saoudite et à l’assassin qui règne sur elle. Mais admettez tout de même, que nous pourrions voir plus grand et faire de l’océan l’objet d’un partenariat bien plus enthousiasmant et utile que le décompte morne et à vrai dire mortifère de nos balances commerciales. Ce que cet accord devrait nous dire et qu’il ne dira jamais c’est « alliez-vous et « mettez le paquet » pour sauver la grande barrière de corail, pour répertorier les espèces qu’elle abrite, pour les protéger, pour explorer les fonds marins, lutter contre la pollution au plastique, protéger les espèces endémiques de l’île-continent, réfléchir ensemble au moyen d’empêcher que de nouveaux incendies gigantesques ne la ravagent… Cet accord ne dit pas « mettez vos savoirs en commun », « accueillez chacun des étudiantes et des étudiants venus de l’autre bout du monde », il dit encore et toujours « harmonisez le marché de la connaissance pour être compétitifs à condition de faire fructifier votre investissement dans le capital humain. »
En réalité, cet accord cadre, ne cadre rien. Il est déjà périmé. Son manque d’ambition le trahit. Pour l’environnement, il propose que les signataires apprennent ensemble je cite à « promouvoir la prévention, l’atténuation des risques, la préparation et les mesures prises en réponse aux catastrophes afin d’accroître la résilience des sociétés et des infrastructures ». Il ne la conjure même pas, il abdique devant la certitude des catastrophes. Et que dire du fait qu’il prétend promouvoir la paix quand en réalité, chacun sait déjà qu’il témoigne de la nouvelle obsession de Washington et de ses affidés de marquer la Chine au plus près.
En bref, la grisaille de ce texte vous faisait penser qu’on pourrait l’adopter par une procédure simplifiée sans même entendre ce qu’il nous inspire de lassitude et de dépit : eh bien non !