PMA : nous aurions voulu voter une grande loi d’égalité

Enfin ! Près de 8 ans après la loi autorisant le mariage et l’adoption pour les couples de même sexe, les techniques de procréation assistées sont enfin ouvertes aux couples de femmes et aux femmes célibataires.

C’est une victoire pour l’égalité des droits, et le droit à disposer de son corps.Mais c’est une victoire au goût amer, car la loi est hypocrite et crée des discriminations.La filiation pour les couples de femmes ne se fera pas dans les mêmes conditions que les couples hétérosexuels.La PMA reste interdite aux personnes transgenres, et leur filiation quand elles ont des enfants sans recourir à la PMA reste un parcours complexe et qui met les enfants en situation de grande précarité juridique.Les débats sur la PMA et la filiation ont occulté les autres sujets de la loi qui auraient mérité un débat national.Rien sur le droit à mourir dans la dignité, alors qu’il existe un consensus dans la société et dans l’Assemblée pour dire que la loi est insuffisante.La protection des enfants intersexes n’est pas actée dans la loi, alors que des opérations mutilantes sont encore pratiquées.Le vote de la loi de bioéthique n’est qu’une étape dans le chemin pour l’égalité.

Lire le texte intégral :

Nous aurions voulu voter une grande loi d’égalité des droits. Nous aurions voulu voter la fin des discriminations inscrites dans la loi à l’encontre des familles homoparentales. Nous aurions voulu nous réjouir que près de 8 ans, 1 mois et 12 jours après la loi autorisant le mariage et l’adoption pour les couples de même sexe, la promesse faite alors serait enfin tenue.

Mais le vote d’aujourd’hui est une victoire au goût amer.

Une victoire, oui, parce que la PMA pour toutes les femmes sera enfin possible en France.

C’est une grande avancée pour les couples de femmes et les femmes célibataires qui l’ont tant attendue. Une victoire sur ceux qui voudraient imposer un modèle de famille unique, nier toutes les autres, condamner les parents et les enfants à une grande précarité. Leur faire intérioriser le rejet, la discrimination, la honte. Oui nous sommes fiers de cette diversité des familles.

Mais cette victoire a un gout amer. Amer, à cause de tout ce temps perdu, de toutes ces familles qui ont attendu en vain, de tous ces espoirs déçus, de tous ces enfants si ardemment désirés qui n’ont pu voir le jour.

Amer parce que l’égalité n’est toujours pas acquise. Amer parce qu’il faudra légiférer encore une fois, pour supprimer ces discriminations que le gouvernement s’est obstiné à inscrire dans la loi. Il vous a fallu un mois en juillet 2017 pour détruire le code du travail, mais 4 ans pour que l’on vote enfin la PMA pour toutes. Comme en 2013, ces débats interminables ont laissé prospérer l’homophobie.

Amer, parce que des personnes devront encore et toujours choisir entre un état civil qui respecte leur identité de genre, et l’assistance dont bénéficient d’autres couples pour fonder leur famille.

Parce que là encore, le gouvernement s’est entêté à exclure les personnes transgenres sur la base du sexe inscrit à l’état civil. En le suivant, le législateur s’est lâchement défaussé sur le juge pour l’établissement de la filiation des personnes transgenres qui ont des enfants. Résultat, la loi est incohérente, et l’établissement de la filiation risque de créer une grande insécurité pour ces familles.

Amer, parce que tous ces débats ont masqué les autres enjeux de la loi de bioéthique, pourtant nombreux. La question de la PMA pour toutes n’est pas un sujet de bioéthique, mais un sujet d’égalité.

En focalisant les discussions là-dessus, le gouvernement a délibérément occulté des sujets qui auraient mérité un véritable débat national.

Amer, parce que la loi de bioéthique ne protège pas les enfants intersexes des mutilations que sont ces opérations de conformation sexuée non consenties. Au contraire ! Elle organise un parcours de soin pour des enfants qui ne sont pas malades. Je crains que cela ne soit contreproductif pour les droits des personnes intersexes. Si l’abstention thérapeutique est mentionnée, elle n’est pas érigée en règle de bioéthique, alors que les principes d’autodétermination de la personne et d’intégrité du corps devraient être consacrés et garantis par la loi.

Amer, parce que la question du droit à mourir dans la dignité n’a pas pu être abordée tout au long de l’examen de cette loi, suite à un refus catégorique du gouvernement. Pourtant un large consensus existe dans la société et dans cette Assemblée, pour dire que la loi est insuffisante pour permettre une fin de vie digne.

Alors il y a lieu de se réjouir de certaines avancées permises par la loi. Par exemple la fin des discriminations relatives au don du sang.

D’autres avancées sur le droit à l’interruption de grossesse, pour les personnes mineures, qui pourront avorter pour des raisons médicales sans le consentement de leurs parents. Mais il n’en reste pas moins que l’effectivité du droit à l’IVG est menacé en France, et que rien n’est mis en œuvre pour y remédier.

A force de vouloir faire du « en même temps », le gouvernement réalise l’exploit de ne satisfaire véritablement personne.

D’une part, les opposants à la PMA sont toujours contre. Les concessions qui leur ont été faites ne sont pas une preuve de bonne volonté,
ou d’équilibre de la loi, mais de faiblesse coupable. Nous devons assumer une position de principe : la famille est un fait social, bien plus qu’un fait biologique. En conséquence, nous voulons l’égalité des familles, dans leur diversité, pour protéger les droits des enfants et les parents.

D’autre part, celles et ceux qui sont favorables à la PMA pour toutes les personnes en capacité de porter un enfant continuent à protester contre les discriminations qui vont perdurer dans la loi. Il faudra bien supprimer un jour. Triste occasion manquée de consacrer l’égalité des droits.

Nous achevons aujourd’hui un long travail. Mais cela ne sera pas sans dire la consternation que m’inspire cette tentative piteuse du gouvernement d’instrumentaliser le corps des femmes. Ils veulent pouvoir prétendre, à un an de la fin du mandat Macron, que la promesse a été tenue, qu’ils sont bien les « progressistes » qu’ils ont prétendu être. Rien n’est plus faux, et aucune gesticulation ne permettra de faire croire le contraire. Nous allons donc voter cette loi, même si nous savons bien qu’elle est hypocrite et discriminante. Nous la voterons parce qu’elle apporte une avancée majeure pour les droits des femmes, et pour le droit pour chacun à disposer de son corps.

Nous la voterons comme une étape qui en appelle d’autres sur le chemin de l’égalité.