Rencontres officielles
La matinée été consacrée à des entretiens avec des personnalités : le président de l’Assemblée nationale, Alassane Bala Sakandé, puis le président de la République Roch Marc Christian Kaboré.
Évidemment, c’est un honneur et un geste de courtoisie qui nous touche. C’était l’occasion de faire entendre une autre France que celle de Macron dont la venue à Ouagadougou avait « culminé » avec une « blague » d’un paternalisme terrible.
Les échanges ont été chaleureux et intéressants. Ils ouvrent des perspectives pour une relation assainie entre nos deux pays à l’avenir.
Pour le sujet que je connais le mieux, celui de la défense nationale, j’ai écouté avec attention les observations qui nous été faites sur la nécessité pour les Burkinabés d’assurer leur sécurité par eux-mêmes. Nos principes en la matière sont connus et ne divergent pas. Si demain nous conduisions des affaires de notre pays, grâce à l’élection éventuelle de Jean-Luc Mélenchon à la présidence de la République, je vois qu’il ne serait pas très difficile entre burkinabés et français de « parler la même langue ».
Visite de la ferme associative Yelemani
L’après-midi a été consacrée à la visite de la ferme associative Yelemani. Ce projet d’agro-écologie est menée par une femme d’exception, Blandine Sankara, qui n’est autre que la sœur de Thomas Sankara, révolutionnaire assassiné en 1987 et dont je parlais déjà hier.
Je voudrais vous faire partager mon impression devant cette femme qui fait vivre avec méthode, modestie, ambition, générosité et intelligence ce projet qui rejoint l’héritage politique de son frère.
Yelemani veut faire la démonstration que la souveraineté alimentaire est un objectif possible et même nécessaire à atteindre.
Mêlant agriculture, pédagogie et militantisme, depuis 2012, Yelemani a rendu à la vie ses parcelles de terrains complètement lessivées auparavant et rendues stériles par la surexploitation. Les images en témoignent.
L’association initie les plus jeunes à cette façon raisonnée et humaine de faire de l’agriculture. Elle milite pour que le marché agricole burkinabé soit protégée des importations massives qui font s’effondrer les prix, jettent les paysans dans la ruine et les poussent même à l’exil vers les villes où l’étranger.
Une lutte emblématique de ce travail patient auprès du plus grand nombre.
En 2019, un grand mouvement populaire a fait pression sur l’organisation du grand festival international de cinéma de Ouagadougou pour en finir avec l’exclusivité négociée par une multinationale qui vend de la bière. Pourquoi les.agriculteurs du pays ne pouvaient-ils pas faire connaître leurs propres produits ? En l’occurrence des jus de fruits parfaitement naturels et sains.
Ce n’était pas un petit.combat que de faire reculer ce géant de la bière. C’était un combat pour l’autonomie, pour le développement économique mais aussi pour la fierté nous a précisé Blandine.
Ce dernier point me semble décisif. Les luttes victorieuses transcendent la cause matérielle qui les ont suscitées. Elles aboutissent parce qu’il y va alors de la dignité et de la fierté d’un collectif et parfois même de tout un peuple.
Ce que j’ai vu et entendu aujourd’hui a de quoi rendre fiers effectivement. Ce qui est accompli chaque jour malgré l’adversité et le scepticisme a de quoi nous inspirer nous aussi Français. Le covid-19 n’a-t-il pas déjà donné une image de notre vulnérabilité lorsque les chaînes d’approvisionnement de la mondialisation se coupent ?