Question écrite au gouvernement, posée le 14/09/2021 :
M. Bastien Lachaud interroge M. le ministre de l’intérieur sur la prolifération des écussons inadéquats sur les uniformes des agents de la police nationale. En effet, régulièrement des citoyens vigilants alertent à ce sujet. De plus en plus d’unités arborent des écussons aux connotations agressives et au graphisme loin de la dignité que requiert l’exercice du métier de policier. Certains de ces écussons pourraient même tomber sous le coup de la loi, comme celui de la brigade anti-criminalité (BAC) de Lorient, dont on avait découvert en 2019 qu’il consistait essentiellement en un modèle de sous-marin de l’armée nazie.
Dernièrement, c’est un écusson composé d’une image de taser et de la mention « électricien voie publique » qui a légitimement suscité l’indignation. La détention du monopole de la violence légitime ne devrait effectivement pas donner lieu à plaisanterie ou à instrumentalisation en vue d’intimider qui que ce soit. Il est évident que l’autorité de l’État et de ses agents tient en partie à des signes extérieurs et à un certain decorum et qu’il faut dire de l’uniforme, comme Pascal dans les Pensées : « cet habit, c’est une force ».
Par conséquent, il devrait être tout aussi clair que l’abaissement et le dévoiement de la symbologie républicaine contribue à la dégradation des conditions d’exercice du métier de policier et des relations avec les citoyens. Il est inacceptable d’imaginer que l’esprit de corps utile à l’efficacité des unités ait pour ciment des emblèmes véhiculant la défiance ou le mépris des agents à l’égard du public.
C’est pourquoi il souhaite apprendre de M. le ministre quelles initiatives il compte prendre afin d’assurer que les écussons arborés par tous les policiers de France soient pleinement conformes aux exigences et à la déontologie du métier de gardien de la paix.
Réponse publiée le 19/04/2022 :
Fréquemment ancrés dans le temps long voire dans l’histoire, dotés de savoir-faire spécifiques et d’une identité propre, les différents services – dont la préfecture de police – qui composent la police nationale disposent d’insignes d’appartenance, expressions de fierté, de cohésion et d’esprit collectif. Il existe également des insignes des grades et emplois des fonctionnaires actifs de la police nationale, dont la description est fixée par arrêté.
Au-delà de cet écussonnage uniformisé, il existe – pour les mêmes raisons – des insignes de spécialité ou d’appartenance à une unité, qui sont aussi des signes de reconnaissance entre les fonctionnaires et qui facilitent de même, sur le terrain, l’identification des policiers en intervention. Ils peuvent aussi avoir une dimension de commémoration ou de collection.
Le guide Police nationale – Protocole et usages de 2012 prévoit qu’en plus d’une impérative qualité graphique, le dessin de tout insigne ambitionnant de représenter une unité, quelle qu’en soit l’importance, doit répondre à une certaine symbolique et se doit de faire appel à des éléments ayant un sens, reconnus de tous et faisant, si possible, référence au passé voire à l’histoire.
Les insignes d’unité doivent naturellement s’inscrire dans un cadre plus large représentant l’institution police nationale. Les symboles, logos et textes de ces écussons doivent de même strictement respecter l’exemplarité, l’éthique et la dignité qui s’attachent à la fonction et les prescriptions du code de déontologie de la police nationale (réserve, probité, neutralité…), inscrites dans le code de la sécurité intérieure (art. R. 434-1 et suivants).
Le règlement général d’emploi de la police nationale stipule en outre qu’est « prohibé le port, sur la tenue d’uniforme, de tout élément, signe ou insigne en rapport avec l’appartenance à une organisation politique, syndicale, confessionnelle ou associative » (art. 113-18). En vertu du même texte, cette interdiction s’applique également à la tenue civile durant le temps de service. Est également interdit tout élément, signe ou insigne ostentatoire de même nature qui serait porté à même la personne, également durant le temps de service. Il convient à cet égard de noter que le visuel de tout projet d’insigne doit d’abord être soumis pour approbation à l’administration centrale.
Alors que de fréquentes initiatives locales tendent à la création d’insignes voulant symboliser l’identité et les mérites d’une unité d’appartenance, il arrive en effet que ces prescriptions ne soient pas pleinement respectées et que des dysfonctionnements soient constatés. L’administration est attentive à cet enjeu, qui n’est pas sans rapport avec la relation entre la police nationale et la population. Il est donc régulièrement procédé à des rappels. Il en est ainsi par exemple dans les deux plus grandes directions de la police nationale, à savoir la direction centrale de la sécurité publique (DCSP) de la direction générale de la police nationale et la direction de la sécurité de proximité de l’agglomération parisienne (DSPAP) de la préfecture de police, qui ont, au cours des dernières années, chacune rappelé les règles à respecter en la matière (instruction de commandement DCSP du 8 décembre 2016, note de service du 9 juin 2020 de la DSPAP).
Il va de soi que tout port d’un insigne qui constituerait un manquement au code de déontologie expose l’agent concerné à une procédure disciplinaire. Preuve des enjeux qui s’attachent à la tenue des policiers, tant pour leur relation avec la population que comme source de fierté et de considération, le Président de la République a annoncé lors de la clôture du « Beauvau de la sécurité », le 14 septembre 2021, une modernisation de la tenue d’uniforme.