Le gouvernement brade l’excellence spatiale française

Le gouvernement voulait faire passer en catimini un texte sur le centre spatial guyanais, et surtout ne pas débattre de la politique spatiale.

La France insoumise a demandé qu’il y ait une discussion sur ce texte. Car le bilan de la politique spatiale de Macron est particulièrement désastreux.
Il a bradé l’excellence spatiale française. Il laisse l’Allemagne prendre petit à petit la première place européenne dans le domaine spatial.
Le gouvernement n’a entamé aucune démarche internationale pour contrer l’hégémonisme étatsunien. Rien pour faire respecter le traité de l’Espace. Pire, la France accueille un centre spatial de l’OTAN à Toulouse : c’est littéralement faire entrer le loup dans la bergerie.

Lire le texte de la motion de rejet :

Le texte que nous examinons aujourd’hui devait être adopté en procédure simplifiée et ne pas faire l’objet d’un véritable débat. Le gouvernement aurait pu ainsi escamoter une discussion indispensable au sujet de notre politique spatiale. Je ne connais pourtant aucun responsable politique qui contesterait que ce domaine mérite la plus grande attention. La France est la deuxième nation au monde à contribuer au financement de la recherche spatiale. Ce secteur de pointe concourt à la défense et à la souveraineté nationale d’une manière déterminante, il contribue encore au rayonnement scientifique et culturel de notre pays et nous permet ni plus ni moins de ne pas être complètement relégué sur la scène internationale. Il représente même un véritable enjeu de civilisation : l’humanité n’est-elle pas cette espèce qui regarde depuis toujours vers les étoiles dans l’espoir d’y trouver un sens à son destin et une origine à son existence ? Et pourtant aujourd’hui, nous vivons dans un monde où les étoiles ne luisent plus. Combien de nos enfants n’ont jamais vu la Voie lactée ? Dans le même temps, les milliardaires s’approprient l’espace et considèrent cette nouvelle frontière de l’humanité comme un Far West dont ils peuvent faire la conquête. Leur avidité les pousse à privatiser l’espace et à en faire le terrain de jeu où donner libre cours à leurs caprices et à leurs rêves de puissance ; et ce quel que soit la pollution qu’ils causent.

On le voit les enjeux sont immenses ; et nous pourrions nous abstenir d’examiner le seul texte de la législature qui a trait à la politique spatiale ? Les députés de la France insoumise ne l’ont pas accepté et ont encore une fois susciter ce débat que l’exécutif voulait éviter.

Il voulait l’éviter pour masquer la faiblesse de son bilan. En réalité, il ne s’agit même pas de faiblesse, il s’agit d’un naufrage ; un naufrage lent, causé par un véritable manque de vision et la naïveté devant l’iceberg des prétentions hégémoniques de l’Allemagne.

Bien sûr nous pouvons nous enorgueillir de quelques succès scientifiques. La contribution française aux missions martiennes menées par les Etats-Unis et par la Chine font de la France une puissance spatiale singulière. Outre son apport au savoir, elle donne une idée de ce que peut la diplomatie spatiale et de quelle façon la science peut être mise au service d’une action résolue en faveur de la coopération et de la paix. Le long dialogue que les agences spatiales françaises et russes nourrissent depuis des décennies en est d’ailleurs un autre exemple. Nous coopérons d’ailleurs encore aujourd’hui pour une prochaine mission lunaire.

Autre succès bien sûr, la présence de Thomas Pesquet dans la station spatiale internationale. Elle constitue une vitrine irremplaçable et une incitation majeure à ne pas rester à la traine de l’histoire. On peut espérer que depuis plusieurs semaines le partage de son expérience aura fait naître des milliers de vocation de scientifiques, d’ingénieurs, de spationautes, d’écologues mais aussi de rêveurs invétérés, de poètes et d’artistes. Gagarine et Armstrong y étaient bien parvenus en transcendant les divisions qu’impliquait la Guerre froide.

Pourtant ces réussites ne peuvent dissimuler une situation très délicate caractérisée par la privatisation de l’industrie spatiale et de l’espace lui-même, l’affaiblissement du CNES, le déclassement de la France au sein de l’Agence Spatiale Européenne, la prise d’ascendant de l’Allemagne, l’enfermement progressif de notre politique dans une approche mercantile, l’attentisme de notre diplomatie pour garantir des régulations efficaces contre l’accaparement des ressources et la militarisation.

Depuis plusieurs années, le secteur spatial français est soumis aux assauts d’une concurrence internationale dure mais aussi aux coups portés par nos prétendus amis. Et nous l’acceptons au prétexte de la construction européenne.

Le dernier exemple en date est criant. Le PDG d’Arianegroup a annoncé la semaine dernière la suppression de 600 postes mais également que la production du moteur Vinci serait délocalisée. Ce moteur cryotechnique qui est une pièce maîtresse du futur lanceur Ariane 6 ne sera donc plus fabriqué sur le site de Vernon, en Normandie mais bien à Ottobrunn en Bavière où des essais sur le moteur Vulcain sont déjà pratiqués et alors que les essais de qualification sont déjà prévus en Allemagne. Et Bruno Le Maire donne sa bénédiction à une telle avanie ! La France est pourtant première contributrice sur les activités des lanceurs au sein de l’ESA avec un financement de 50%, quand l’Allemagne contribue à hauteur de 20%. Quant au site de Vernon, il a déjà perdu 20% de ses effectifs ces dernières années. Mais que ne ferait-on pas pour plaire à nos amis allemands ?

On a une belle illustration de la duperie que représente pour la France la stratégie mainte fois vantée de construction de champions prétendument européens.

Depuis des années les intentions allemandes ne font plus de doute. Depuis son livre blanc de 2010, il est clair que notre voisin vise la suprématie européenne dans le domaine spatial. Depuis 2017, les actes confirmant ces intentions se sont multipliés.

Le plus emblématique date de novembre 2019 : l’Allemagne est devenue le premier contributeur de l’ESA. Comme en toute chose sur le continent, elle est bien décidée à faire appliquer le plus strictement possible le principe du « qui paie décide ».

Le gouvernement n’a pas cru bon de défendre la position française et a capitulé en rase campagne. Les effets de ce renoncement n’auront pas tardé à se manifester. L’Allemagne prend les commandes dans le domaine des mini-lanceurs. En novembre 2020, ce sont trois startups allemandes du secteur qui obtiennent des subventions de l’ESA. Parmi elles, IsarAerospace obtient en avril 2021 un contrat passé avec Airbus qui est pourtant membre d’Arianegroup. Si bien qu’on peut dire que bientôt quel que soit le service commercialisé, l’Allemagne sera toujours en situation de le fournir et d’en tirer un bénéfice. Avril 2021 toujours, la même startup allemande IsarAerospace passe un accord avec la Norvège afin de pouvoir y faire ses lancements. Ce faisant elle contribue à marginaliser le rôle du centre spatial guyanais au sein du système européen. Si l’on n’y prend garde, Kourou sera prochainement un port de second rang. Et en mai 2021, c’est carrément l’Etat allemand qui passe contrat avec la même IsarAerospace pour 11 millions d’euros.

Curieusement, il existait pourtant chez Arianespace un projet de mini-lanceur : il s’agissait de Sparrow. Bizarrement, il a été arrêté en 2017 pour des raisons encore nébuleuses. L’Allemagne ne se voyait sans doute pas fabriquer un gâteau européen qu’il aurait fallu partager. La voilà désormais en passe de fabriquer un gâteau strictement allemand. On voit bien qu’il n’y a pas de dépendances mutuelles acceptables pour les dirigeants allemands. On ne saurait les en blâmer. Ils n’ont pas été élus pour défendre les intérêts européens ou du couple franco-allemand, comme persiste à le dire les naïfs. Ils ont été élus pour défendre les intérêts allemands, y compris et peut-être surtout, lorsqu’ils ne coïncident pas avec ceux de la France.

Je sais que ces observations vont susciter les protestations. On hurlera peut-être même à la germanophobie. Permettez que je vous lise les mots écrits par le gouvernement allemand lui-même en réponse à un questionnaire de la commission européenne. Il y a quelques mois à peine, il se désolait auprès de Bruxelles .Je cite « Jusqu’à aujourd’hui, il n’y a pas de concurrence européenne possible dans les catégories actuelles de lanceurs Ariane – et Vega -, alors qu’une concurrence vivante émerge dans le domaine des micro-lanceurs dans toute l’Europe. La prochaine étape logique serait de développer cette concurrence sur des systèmes de lancement et de charges utiles plus lourds ». Nous voilà prévenus.

Et pour couronner le tout, le 6 septembre dernier, le gouvernement allemand a officialisé son soutien au projet de plateforme de lancement de mini-lanceurs en mer du Nord, le projet dit GOSA, Germany Offshore Spaceport Alliance. C’est le ministre de l’économie Peter Altmaier lui-même qui en a fait la promotion

Mais je n’ai abordé pour l’instant que l’aspect commercial du problème. C’est en effet la priorité de l’Allemagne.

Elle n’oublie pourtant pas l’aspect militaire que revêt la question spatiale. Je dois ici rappeler la trahison de 2017 et de quelle façon Berlin a déchiré les accords de Schwerin de 2002. Ces accords prévoyaient un partage des compétences dans le domaine des satellites d’observation et donc une dépendance mutuellement consentie entre France et Allemagne. La France développerait la filière des satellites optiques et l’Allemagne celle des satellites radars.  En 2017, finalement l’Allemagne choisissait de commander deux satellites optiques à son industriel OHB pour 400 millions d’euros. Adieu la complémentarité entre les deux nations ! Pendant des années la France avait été incitée à sous-investir dans le domaine électromagnétique et il fallait désormais remonter la pente. Comment nos dirigeants peuvent-ils encore prétendre faire confiance à leurs homologues allemands. Manifestement, dans le couple franco-allemand les partenaires sont égaux, mais comme chez Georges Orwell, l’un est plus égal que l’autre.

Face à cela, le gouvernement est incapable de faire entendre une voix singulière et de proposer un horizon différent pour une politique spatiale qui serait un facteur de progrès, de paix et de développement conforme à l’intérêt national et à l’intérêt général humain. Il reste enfermé dans des idées déjà périmées, fasciné par une vision erronée des réussites du New Space. L’espace c’est d’abord à ses yeux un enjeu économique. Je rappelle d’ailleurs que la tutelle du CNES n’est plus exercée par le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche mais par Bercy. Cet instrument décisif de planification de la politique spatiale nationale a été si gravement affaibli ces dernières années que le voilà ravalé au rang de simple opérateur parmi d’autres. Au lieu d’un Etat-stratège de l’espace et planificateur, le gouvernement préfère continuer d’appliquer les méthodes ordinaires et inefficaces du libéralisme : privatisation et mise en concurrence.

Il n’y a rien d’étonnant me direz-vous à ce que la startup nation s’emballe pour le spatial, le considère comme un marché juteux et ne tienne la science pour rien d’autre que le supplément d’âme d’une industrie extrêmement lucrative. Le fait est pourtant bien établi que cela ne peut pas marcher comme ça. Le mythe de l’initiative privée couronnée de succès dans le secteur spatial a fait long feu. Quiconque s’est une seconde penché sur le sujet sait bien que les prétendus capitaines d’industrie Elon Musk et Jeff Bezos ainsi que leurs créatures Space X et Blue Origin ne sont pas autre chose que des tiques gorgées d’argent public : les centaines de millions de dollars des contrats passés avec la Nasa.

Imaginer jouer à armes égales sur un marché prétendument concurrentiel face à des adversaires de cette sorte, c’est sérieusement déraisonner. D’autant plus que leur modèle économique n’est même pas entièrement profitable. Et compte tenu des dégâts graves qu’ils infligent à l’environnement, compte tenu de leur mépris des règles de sécurité pour les populations survolées par leurs appareils, on peut déplorer la timidité de l’Etat français à contester devant les instances internationales compétentes la déloyauté de telles entreprises.

D’une manière générale, le gouvernement n’a pas une fois cherché à peser sur la scène internationale en faveur d’un renouveau de la régulation des activités spatiales. Il a été d’un attentisme et d’un suivisme stupéfiant, sans vision ni ambition.

Il s’est refusé à racheter la constellation One Web alors même qu’Airbus en possédait déjà l’essentiel. Il a été incapable même de le faire racheter par l’Union Européenne.  Ce gâchis est incroyable. Les Britanniques n’ont pas commis l’erreur de laisser passer l’occasion. Associé à un groupe indien, ils se sont emparés du fleuron qui aurait pu être pour une fois authentiquement européen. L’investissement était si judicieux qu’en un an, sa valeur avait tout bonnement doublé.

Il aurait offert à la France d’intéressantes possibilités soit pour couvrir ses propres zones blanches soit pour en faire bénéficier des nations partenaires.

Au lieu de quoi, voilà la Commission européenne qui se réveille avec deux ans de retard et qui commande en janvier 2021 une étude de faisabilité pour peut-être un jour disposer de sa propre constellation.

Compte tenu de la réalité de la saturation de l’orbite basse, il n’est même pas absurde d’imaginer qu’une telle constellation arriverait trop tard.

Que dire enfin du suivisme français concernant dans le domaine militaire. La France doit savoir tout faire et se prémunir de toute sorte d’agression. C’est entendu.

Pourtant la mise en vedette de la menace chinoise et de la menace russe ne peut satisfaire aucun esprit équitable. Pourquoi ne rien dire des activités étasuniennes dans ce domaine ou encore des activités indiennes ? L’Inde revendique en effet d’avoir réussi le 27 mars 2019 à faire exploser un satellite placé à 300km de la Terre. Curieux partenaire stratégique de la France qui commet le même genre de démonstrations de force que la Chine.

Quoi qu’il en soit le gouvernement a choisi son récit : gentils américains, méchants russes et chinois.

Et pour complaire aux gentils, rien de mieux que de les imiter. Ainsi en juillet 2019, Emmanuel Macron annonçait sur le modèle étasunien, la création d’un commandement militaire de l’espace à Toulouse. Et comme la mesure n’était pas pleine, il a fallu annoncer en février 2021 qu’il aurait pour voisin à Toulouse le centre d’excellence spatial de l’Otan. C’est ainsi que la France considère œuvrer contre la militarisation de l’espace ? En accueillant sur son sol un centre spécial d’une alliance militaire ? Il ne suffira pas de nous expliquer que les opérations militaires de l’Otan et de ses membres bénéficient du renseignement et des communications spatiales. C’était le cas bien avant l’annonce de l’installation de ce centre d’excellence.

Quant à installer à Toulouse une myriade d’officiers de l’Otan et donc étasuniens, c’est littéralement mettre le loup dans la bergerie. Le renseignement américain a espionné jusqu’à Angela Merkel ; il a fourni les armes pour organiser le rachat d’Alstom, maison est prié de croire qu’il ne bougera pas le petit doigt à Toulouse. Ce serait touchant si ce n’était grave.

Pour conclure j’aimerais esquisser brièvement le genre de projet spatial digne de la France. Il implique d’abord de retrouver des marges de manœuvre et de plus sacrifier aux vieilles lunes de l’Europe allemande. Autour d’un Centre National d’Etudes Spatiales restaurés et conforté dans son rôle de planificateur, cette stratégie placerait la science et l’intérêt général humain au cœur de ses préoccupations. Elle s’appuierait sur des partenariats avec toutes les puissances spatiales de premier rang, mais elle ferait aussi une grande place aux puissances spatiales en devenir, présentes désormais sur tous les continents. Fidèle à l’idéal et même à la vocation universelle de la France, cette stratégie chercherait à mettre l’excellence française au service du plus grand nombre. Elle refuserait qu’au banquet de l’espace, quelques un aient tout et que d’autres n’aient rien. Accéder à l’espace c’est offrir des services en matière de transport, de navigation, de suivi du réchauffement climatique, de cartographie, d’océanographie,  de démographie et même d’archéologie, de suivi des épidémies, d’évolution des populations animales et des milieux naturels menacés. Il est inimaginable que face à la catastrophe écologique qui touche l’humanité entière, quelques-uns se réservent l’usage de l’espace pour leur petit confort tandis que des millions d’autres pâtiraient. Une stratégie spatiale souveraine sera un instrument diplomatique au service de notre indépendance, elle contribuera de façon décisive à la promotion d’une francophonie politique, ambitieuse et égalitaire, comme Jean-Luc Mélenchon l’a évoquée devant les étudiants de l’université de Ouagadougou en juillet dernier. La stratégie spatiale de la France doit promouvoir le discernement dans les usages de l’espace et permettre de réaffirmer le caractère inappropriable des ressources spatiales.

L’épopée humaine nous dicte de regarder vers l’espace. Il n’y a aucune raison d’y porter un regard inquiet et de se glacer à l’idée du silence éternel de ces espaces infinis. Au contraire, l’espace est déjà peuplé : il peuplé d’humains, d’idées et de rêves. On passe à côté de l’essentiel quand on en parle seulement comme de quelques lignes dans un tableaux excel. L’espace nous invite à renouer avec la grandeur. Nous ne devons pas nous satisfaire d’un condensé de bureaucratie.

Lire le texte de la discussion générale :

Ce texte entérine un partage des tâches entre toutes les parties intéressées au maintien et au développement d’un lanceur européen. En tant que tel, nous ne pouvons être contre.

Mais il est absurde de faire de cette question un élément séparé du reste de la politique spatiale de la France. Elle en est la pierre angulaire et à ce titre, l’approuver reviendrait à approuver l’ensemble.

Or il ne peut pas en être question. La politique spatiale décidée par le gouvernement ces dernières années est empreinte de suivisme, de naïveté et d’idéologie. Elle ne permet pas de faire face aux grands défis auxquels l’humanité est confrontée.

L’espace est une nouvelle frontière et si nous ne travaillons pas à en rendre l’exploration utile à toute l’humanité, nous y reproduirons les désastres que la capitalisme a semé sur terre : la guerre et la pollution.

La course folle au profit a déjà ses emblèmes dans la personne des trois milliardaires qui règlent à coup de fusée.

Mais que font les Etats ? La France en tout cas laisse filer. Les Etats-Unis eux poussent leurs pions, convaincus qu’un mégalomane étasunien c’est déjà une victoire pour eux. Ils observent avec les Musk, Bezos l’adage qu’on prête à Roosevelt à propos du dictateur Somoza « C’est un salaud, mais c’est notre salaud ! »

D’ailleurs, les Etats-Unis font tout pour permettre la ruée vers l’espace. En 2015, à la fin de la présidence de Barack Obama, les Etats-Unis ont par exemple adopté une loi, le Space Act portant sur les vols spatiaux commerciaux et autorisant l’appropriation et l’exploitation des éventuelles ressources minières trouvées dans l’espace.

Face à cela, le gouvernement n’a proposé aucune action diplomatique d’ampleur ; essayé de former aucune coalition pour protester contre cette décision unilatérale qui contrevient au traité de l’espace de 1967.

Au contraire, le gouvernement a cherché à noyer le poisson en mettant en scène d’autres menaces pour faire oublier la stratégie hégémonique des Etats-Unis. Il lui a paru plus confortable de livrer la Chine et la Russie à la détestation de l’opinion plutôt que d’assumer une position non-alignée claire et ferme.

Le comble fut d’accepter l’installation du centre d’excellence spatial de l’Otan à Toulouse. Comment ne pas être après ça considéré justement comme un auxiliaire servile de l’impérialisme étasunien. Alors que l’affaire des sous-marins australiens a récemment fourni une preuve éclatante que Washington ne traite jamais d’égale à égal avec des alliés mais se borne à flatter ou à contraindre des vassaux, il est inconcevable que ce centre de l’Otan puisse voir le jour sur le territoire national. Quelle meilleure preuve du suivisme de l’exécutif et de son inconséquence ?

Avoir décidé la création d’un commandement militaire de l’espace à Toulouse, c’était déjà donner le signal que la France inscrivait ses pas dans ceux des Etats-Unis et le cas échéant ne saurait pas s’empêcher de dévaler la pente de la militarisation de l’espace. Inviter l’Otan à prendre ses quartiers tout à côté, c’est manifester une naïveté et imprudence confondantes, devant le pays qui s’est fait une spécialité d’espionner ses amis comme ses ennemis. Quant à croire que nous n’en pâtirons pas un jour ou l’autre, et que nous saurons toujours nous en prémunir, ce serait manquer sérieusement de modestie.

Pourtant, si le gouvernement joue les fiers-à-bras lorsqu’il s’agit de défense et prétend conserver à la France une supériorité technique qui la protégerait de toute action hostile, il est infiniment moins visible lorsqu’il s’agit de protéger le savoir-faire industriel de notre pays.

Aveuglé par un rêve de construction européenne auquel il sacrifie les intérêts français, il laisse l’Allemagne nous dépouiller avec patience et méthode.

Je l’ai dit tout à l’heure dans le détail et la réalité des intentions allemandes ne peut être contestée. Elles ont été explicitement formulées dans plusieurs livres blancs depuis 2010.

Elles se traduisent dans les faits puisque Berlin se donne incontestablement les moyens de ses ambitions. Aujourd’hui, l’Allemagne est premier contributeur de l’Agence Spatiale Européenne. Elle en retire de nombreux avantages. Elle oriente les crédits vers ses entreprises. Après avoir capté une partie essentielle des savoir-faire français, elle développe les siens et rejette puissamment le statu quo qui assurait à la France le premier rang dans le concert spatial mondial. Désormais, l’Allemagne compte bien avoir son mini-lanceur et l’utiliser depuis chez elle. A terme, elle compte même s’imposer sur le segment des lanceurs lourds et faire du centre spatial guyanais un vestige de la puissance française.

Déjà, Arianespace délocalise vers l’Allemagne la production du moteur Vinci, pièce-maîtresse de la future Ariane 6.

Que font les autorités françaises devant ces coups portés à notre position ? EIles bayent aux corneilles ! EIles se félicitent de voir l’Europe avancer quand en réalité, c’est la France qui recule.

Exactement comme il a été incapable de saisir l’opportunité One Web ou a minima de la faire saisir par l’Union Européenne, il attend. Incapable de peser, de proposer une vision indépendante et originale, il est dépassé par les événements et pour le faire oublier, il feint de les organiser. Il nous demande d’entériner cet état de fait. Impossible. Nous nous abstiendrons.