Covid long : organiser la prise en charge des patients

Le 26 novembre 2021, Bastien Lachaud a pris la parole lors de l’examen d’une proposition de loi visant à organiser la prise en charge des personnes souffrant d’un covid long, examinée dans le cadre de la journée réservée du groupe UDI-I.

Le groupe de la France insoumise a soutenu cette proposition de loi. Toutefois, pour faire face au Covid et particulièrement aux personnes touchées durablement par la maladie, il faut reconstruire le service public hospitalier, lui donner les moyens humains et matériels de prendre en charge tous les patients. La réponse à cette pandémie ne peut pas être ponctuelle, elle doit être globale.

Lire le discours :

Madame la Présidente, Madame la Ministre, Mes chers collègues,

Cela fait plus d’un siècle que l’État français n’a pas connu une crise sanitaire d’une aussi grande envergure que celle que nous vivons actuellement depuis maintenant plus d’un an. Pendant très longtemps, l’Etat, les médias, l’option publique a pu être obnubilée par la gestion au jour le jour de cette crise. Ce véritable « fiasco sanitaire » créé par les « mensonges d’État » a été amplifié par l’impréparation et le manque d’anticipation du gouvernement. Aujourd’hui les vagues épidémiques se succèdent encore.

Plus d’un an et demi après le début de la crise, nous en sommes toujours à la gestion à la petite semaine, comme on a pu le voir avec le grand numéro d’improvisation autour de la 3e dose de vaccin.

Mais les malades, eux, sont toujours là. Nombreux ont même développé une maladie longue suite à ce virus.

Aussi, nous devons continuer à nous adapter à cette situation inédite. Des études sont en cours pour tenter de comprendre les raisons de la persistance de certains symptômes, pour savoir comment les soigner.

Aujourd’hui, selon les informations du magazine scientifique Epsiloon, l’explication pencherait vers la piste immunitaire.

Mais nous ne pouvons pas attendre d’avoir une certitude scientifique, pour prendre en charge les patientes et les patients, et, comme le recommandait Descartes : il nous faut définir une ligne d’action par provision. Aussi, ce texte proposé par le groupe UDI est-il particulièrement bienvenu.

Car à l’heure actuelle, les patients sont démunis, renvoyés d’un interlocuteur à l’autre, dans un système de santé toujours sous pression. Pourtant, les malades chroniques du Covid sont nombreux.

Plusieurs mois après une infection au covid-19, des personnes subissent encore des symptômes de la maladie : le quotidien reste perturbé par un épuisement au moindre effort, des difficultés à se concentrer, douleurs, courbatures, maux de tête, perte du goût ou de l’odorat, perte de mémoire ou confusion, troubles du sommeil, etc. Près de 200 symptômes ont été recensés.

Certains sont particulièrement incapacitants, et peuvent empêcher de reprendre le travail. Un covid long peut donc avoir des conséquences financières importantes.

Trois mois après le diagnostic, un adolescent sur 5 conserve au moins un symptôme, et 1/7 au moins 3, des chiffres comparables à ceux des adultes, établis grâce à une étude britannique. Selon l’OMS, 1 personne sur 10 présenterait encore des symptômes après 12 mois.

Le 6 octobre dernier, l’OMS a reconnu l’existence d’un syndrome post-Covid. Au Royaume-Uni, 1,1 million de personnes ont déclaré avoir les symptômes d’un Covid long. Ce syndrome que nous connaissons mal s’installe, risque de toucher des millions de personne en France.

Nous approuvons donc l’idée d’organiser et de planifier la prise en charge des patients, comme le propose cette loi, en créant une plateforme de suivi, et un protocole d’action.

Quelques nuances sont à apporter à ce texte : le dispositif de suivi prévu est exclusivement numérique. Or, le numérique laisse de côté toutes les personnes qui n’y ont pas accès, faute de moyens, par illectronisme, ou parce que leur lieu de vie n’est pas couvert par ces technologies. La fracture numérique concerne 17% de la population selon l’INSEE.

Là encore, nous constatons que le tout numérique entraine un recul du service public et des guichets de proximité.

Ensuite, concernant la sécurité des données de santé, vu que la plateforme de suivi sera numérique et déclinée sur sites internet et applications. En tant que co-rapporteur d’une mission d’information sur la cyberdéfense, je ne peux qu’alerter, une fois encore, sur ces outils. Ils peuvent sembler pratiques, mais ils sont particulièrement dangereux si leur sécurité n’est pas assurée.

Il y a eu de nombreuses fuites de données médicales, qui constituent autant de violations du secret médical potentielles.

Je pense en outre qu’il faudrait aller plus loin dans la reconnaissance du Covid-19 comme une affection pouvant perturber durablement la vie des personnes qui en souffrent.

D’innombrables personnes l’ont contracté sur leur lieu de travail, notamment pendant la première vague où nous avions si peu de protections : personnels soignants, bien sûr, mais aussi professeurs, caissières, employés des services dits « essentiels » qui ont continué à être ouverts pendant le confinement, et qui ont particulièrement exposé les travailleuses et travailleurs. Les agents de l’État n’ont pas été plus que les autres protégés par leur employeur.

En conclusion, ce n’est pas aux gens de payer dans leur corps l’incurie du gouvernement. La crise sanitaire du coronavirus, c’est l’échec du laisser-faire à outrance : destruction de l’hôpital public, incapacité à anticipé, réduction des coûts sur le dos de la qualité des soins et des conditions de travail des personnels.

La gestion de cette nouvelle vague est révélatrice des maux enracinés de nos sociétés : alors que l’hôpital public est exsangue, qu’il manque des personnels dans tous les services, que tout le monde est épuisé, il faut encore s’occuper des nouveaux malades, et continuer à soigner ceux affectés par un Covid long.

Dès 2022, il faudra reconstruire le service public hospitalier, pour recréer un accueil serein des patients, et de bonnes conditions de travail pour les soignants. Créer un pôle public du médicament, et relocaliser une partie de leur production en France.