A Aubervilliers, BNP Paribas veut séparer les clients : une agence pour les clients « à potentiel », une autre pour les clients « en difficultés ». Ce projet scandaleux peut tomber sous le coup de loi pour discrimination. Il doit être abandonné.
Une agence pour les plus aisés, une agence pour les plus pauvres
Ce 13 décembre 2021, le journal « Le Monde », s’appuyant sur un document interne à l’entreprise, révélait le projet de BNP Paribas, qui prévoit de répartir séparément les clients dans les deux agences du groupe, selon leur profil socio-professionnel, à compter du début de l’année 2022. Les deux agences que possède BNP Paribas à Aubervilliers, situées respectivement au 9 avenue de la République, dans le quartier du centre-ville, et au 55 avenue Jean Jaurès, dans le quartier des Quatre Chemins, accueillaient jusqu’ici l’ensemble de la clientèle, sans distinction. Le projet aujourd’hui envisagé, présenté comme un « projet pilote », prévoit une spécialisation de chacune des deux agences. « Le Monde » le décrit en ces termes, reprenant un document remis aux organisations syndicales représentant les personnels de BNP Paribas : l’agence « proche de la mairie accueillera les clients particuliers et professionnels demandeurs de conseils pour leurs projets d’investissement, d’épargne ou de prévoyance, avec l’objet de conquérir des ‘prospects à potentiel’. L’agence des Quatre-Chemins ciblera quant à elle les moins autonomes. Début 2022, les clients concernés par ce changement d’affectation seront informés du transfert de leurs comptes. »
Un projet de ségrégation sociale et spatiale
Sous prétexte d’offrir aux clients un accompagnement personnalisé, un tel projet institutionnalise une forme de discrimination et de ségrégation sociale et spatiale entre les clients. En clair, et au-delà des euphémismes derrière lesquels se cache BNP Paribas : les « clients peu autonomes », c’est-à-dire les personnes victimes de difficultés économiques sont pointées du doigt, cantonnées à un quartier, les Quatre Chemins, qui souffre déjà de nombreuses difficultés, et renvoyées, à terme, à un service de moindre qualité. A contrario, le « potentiel » supposé de certains clients leur ouvrirait le droit à un service privilégiée et à un environnement, celui du centre ville, jugé plus apaisé. Une telle répartition serait synonyme de difficultés quotidiennes pour de nombreux usagers, affectés, sans en avoir eu le choix, et sur des critères socio-professionnels, à une agence éloignée de leur zone de résidence. Au-delà de ces difficultés immédiates, le tri des clients envisagé par BNP Paribas représenterait une forme de discrimination des personnes concernées et de stigmatisation du quartier des Quatre Chemins.
Discriminer les personnes et les quartiers est scandaleux et illégal
Le projet de BNP Paribas aurait pour effet de renforcer les inégalités sociales et spatiales dont souffrent déjà Aubervilliers et ses habitants, dans l’accès aux services publics, à l’éducation, à la sécurité. Scandaleux, un tel projet est surtout illégal : introduisant une forme de refus de vente fondé sur une discrimination entre les clients, il contrevient à l’article L. 121-11 du code de la consommation, qui stipule qu’« il est interdit de refuser à un consommateur la vente d’un produit ou la prestation d’un service », et pourrait constituer un délit.
Contre l’apartheid social, je saisis le Défenseur des droits
Une société de séparation, de discrimination et de stigmatisation : est-ce là le projet que BNP Paribas veut expérimenter à Aubervilliers ? Ce n’est pas le modèle de société que nous voulons. Je ne peux que m’élever contre un tel projet, qui renforcerait les maux dont souffrent déjà de nombreux habitants d’Aubervilliers, et qui bafoue purement et simplement le principe d’égalité qui constitue le fondement de notre République. J’ai donc saisi le Défenseur des droits, ce 14 décembre 2021, au motif du caractère discriminatoire du projet. J’ai écrit au Président du conseil d’administration de BNP Paribas pour lui demander solennellement d’y renoncer. J’ai interpellé la Maire d’Aubervilliers, Karine Franclet, pour lui demander de joindre sa voix à la mienne et de dénoncer cette situation, si elle a réellement à cœur les intérêts de toutes et tous les albertivillariens et albertivillariennes. Loin de cette scandaleuse expérimentation, il faut au contraire œuvrer à garantir à toutes et tous les habitants d’Aubervilliers, sans aucune distinction, un service d’une égale qualité.
Ci-dessous, mon courrier au président du conseil d’administration de BNP Paribas.