Macron s’enferre toujours plus au Mali

La situation au Mali est plus critique que jamais. Après le coup d’État d’août 2020, des élections auraient dû être organisées en février 2022. La junte militaire qui dirige le Mali les avaient déjà repoussées et a décidé de faire de même cette fois encore. Les difficultés du pays ne permettent pas selon elle d’organiser le scrutin dans de bonnes conditions.

Difficile de lui donner tort. Difficile aussi de trouver normal qu’une junte militaire se maintienne au pouvoir en remettant sans cesse la tenue des élections aux calendes grecques.

La Communauté Économique des États d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) a donc choisi de prendre des sanctions économiques contre le Mali. La France les approuve et les appuie.

C’est une erreur terrible. C’est la population malienne qui va principalement souffrir de ces sanctions, pas les gros bonnets du régime. Pris à la gorge, il n’y a aucune chance que les Maliens se désolidarisent de la junte et se mobilisent pour des élections. On n’encourage pas la démocratie à coup d’embargo, l’histoire l’apprend sans l’ombre d’un doute. Au contraire, les militaires vont pouvoir se présenter comme les victimes d’une ingérence internationale et d’une stratégie néocoloniale de la France.

Rien de plus facile. Macron s’est tiré lui-même une balle dans le pied en soutenant la prise du pouvoir au Tchad par le fils du dictateur Idriss Déby. Bizarrement, aucune sanction n’a été prise depuis, alors qu’aucune élection n’a eu lieu. Quant à la CEDEAO, elle est composée d’Etats qui sont assez loin pour beaucoup d’être des modèles de démocratie. Beaucoup comprennent que pour certains chefs d’Etat ouest africains, il s’agit surtout de dissuader les nouveaux coups d’Etat qui pourraient remettre en cause leur propre pouvoir. En s’activant pour soutenir ces sanctions, Macron accrédite l’idée que l’intervention militaire française n’a pas pour but d’améliorer la vie des Maliens et il met en danger nos soldats.

En réalité, nous sommes aujourd’hui dans une situation quasiment inextricable. Macron et ses ministres avaient déclaré que la présence de mercenaires russes du groupe Wagner était une ligne rouge et impliquerait le départ des forces françaises. Ils se déploient et finalement Macron ne réagit pas. La parole de la France est discréditée.

Supposons maintenant que la France retire toutes ses troupes en urgence pour sanctionner la junte. les mêmes militaires auraient beau jeu de dire que la France abandonne le Mali et les Maliens et de se jeter dans les bras d’un protecteur. Nul n’y gagnerait rien sauf peut-être la junte elle-même.

Macron est donc coincé. Pourquoi ? parce que la question démocratique n’a jamais été prise au sérieux depuis qu’il est au pouvoir. Depuis des années, les autorités françaises, Hollande puis Macron, prétendent que nous sommes au Mali à la demande du gouvernement malien et que nous partirons si on nous le demande. Cette explication ne tient plus si justement on impose des sanctions au gouvernement, fût-il un gouvernement de fait et non de droit.

Aujourd’hui, il est impossible de demander son avis au peuple malien. Demande-t-il réellement le départ de la France ? Demande-t-il son aide et sous quelle forme ? La propagande des uns et des autres déforme tout et ne permet plus de dire que la présence française au Mali est légitime. D’ailleurs, cette présence n’a pas non plus été soumise à l’approbation du peuple français. Vue d’ici, sa légitimité est presque nulle.

Pour en sortir, la solution est dans la communauté internationale. Nous n’avons pas à étrangler un peuple. Nous n’avons pas à rester dans un pays où en toute hypothèse, de moins en moins de personnes veulent de nous. Nous n’avons pas non plus à abandonner sans préavis un peuple qu’on a prétendu aider durant des années. Il faut donc organiser au plus vite le retrait des militaires français et leur remplacement par des forces onusiennes avec un mandat élargi. Chacun doit prendre ses responsabilités. Si la junte veut que le Mali reçoive de l’aide : qu’elle le dise ? Si elle entend livrer son pays à des mercenaires russes elle devra assumer sa stratégie devant le peuple malien et la communauté internationale. Quant aux Russes, s’ils sont disposés à aider le Mali, nous devrions proposer qu’ils participent à la force multinationale de l’ONU avec un mandat élargi. Le Mali appartient aux Maliens. Il n’est le pré carré de personne.