Fabien Roussel, secrétaire national du Parti Communiste Français, multiplie depuis quelques jours les déclarations provocatrices opposant une supposé « gauche qui doit le défendre le travail » à une « gauche des allocations et des minima sociaux ». M. Roussel est même allé jusqu’à affirmer : « Je veux mettre fin à un système qui nourrit le chômage par les allocations chômage et par le RSA ». Des propos d’une extrême gravité. Il me semble important de s’y arrêter ici.
Une trahison de l’histoire du mouvement ouvrier et de l’idéal communiste
Comme des millions de Français et l’ensemble des responsables des mouvements politiques composant la Nouvelle Union Populaire Écologique et Sociale, insoumis, écologistes, socialistes, communistes aussi j’ai été extrêmement choqué par ces propos inacceptables. Je sais que beaucoup de mes camarades communistes partagent ce sentiment. Ils l’ont exprimé : ces déclarations ne représentent ni leur histoire, ni leur pensée, ni leur combat.
Opposer ainsi « travail » et « assistés », c’est trahir l’histoire du mouvement ouvrier, et faire le jeu de nos adversaires politiques. C’est une faute morale, intellectuelle et politique d’une extrême gravité.
Stigmatiser les plus fragiles : une faute morale
C’est une faute morale, car ces propos stigmatisent les plus fragiles et aux chômeurs, semblant les rendre coupables de leur condition. Ils renvoient au mythe des prétendus « emplois non pourvus » qui existeraient par millions et demeureraient vacants uniquement parce que les prestations sociales pousseraient à l’oisiveté et « n’inciteraient pas » au travail. C’est l’un des discours favoris des macronistes et du grand patronat, qui l’utilisent pour justifier la casse des protections sociales. Les économistes ont depuis longtemps démontré que c’est une légende réactionnaire. Mon camarade Hadrien Clouet l’a justement démonté dans ses travaux de sociologue.
Opposer « aides » et « travail » : une faute intellectuelle
C’est une faute intellectuelle. Car il n’existe ni « assistanat » ni opposition entre « aides » et « travail ». Les 2/3 des chômeurs ne sont pas indemnisés et ne reçoivent pas d’allocations ; 1/3 des foyers éligibles aux RSA ne le perçoivent pas ; le montant de la soi-disant « fraude sociale » (de 1 à 2 milliards d’euros) est infime par rapport à celui des droits non-perçus, et plus encore à celui de la fraude fiscale des très riches et des multinationales (80 à 100 milliards). Par ailleurs, les prestations sociales ne sont pas une charité octroyée à des soi-disant « assistés ». Les revenus de substitution et de complément sont un droit, financé par les cotisations et la solidarité nationale ; ce sont ainsi les citoyens qui financent la protection dont ils et elles peuvent bénéficier. Il faut encore ajouter que c’est l’existence de la protection sociale qui permet aux travailleurs de ne pas accepter n’importe quel travail à des conditions et un salaire indignes.
Reprendre la rhétorique de la droite et l’extrême-droite : une faute politique
C’est une faute politique, car contrairement à ce que croient certains, on ne fait pas reculer l’extrême-droite et le macronisme en s’appropriant ou singeant leur rhétorique mensongère et infecte sur le soi-disant « assistanat », dans l’espoir fumeux de s’attirer la sympathie de ses électeurs. On ne produit que l’effet inverse: renforcer leurs idées. Une erreur fondamentale, plus grave encore au moment où Macron mène une offensive brutale contre les droits sociaux, l’assurance chômage, les retraites. Nous avons déjà vu les effets de ce type de capitulation sur le terrain du racisme : les clins d’œil de certains responsables de gauche aux discours ignobles de l’extrême-droite n’ont eu pour effet que de lui donner plus de force. Non, notre devoir n’est pas de nous situer sur le terrain idéologique de la droite, mais au contraire de ne jamais céder un pouce et de pointer sans cesse du doigt les vrais responsables des difficultés de notre pays: les grandes fortunes et les très grandes entreprises, qui s’enrichissent grâce à une politique libérale qui les « assiste » bel et bien, à coup de cadeaux fiscaux et de dérégulation.
Faux naïf et vrais clins d’œil à droite
Où va Fabien Roussel ? Le secrétaire national du PCF a fait mine de rétropédaler et de se dire incompris, laissant entendre qu’il a simplement voulu évoquer la perspective idéale d’une société du plein emploi, débarrassée de conflit social et où les aides sociales ne seraient plus nécessaires. Ces postures de faux naïf ne trompent personne. Fabien Roussel est trop intelligent pour ne pas mesurer ses propos et ne pas connaître leur impact dévastateur, à plus forte raison dans le climat politique actuel. Il n’en est pas à son premier clin d’œil, toujours dans la même direction.
La NUPES unie contre les propos de Fabien Roussel
Un impact d’autant plus dévastateur qu’en multipliant les provocations et en prenant des positions qui se démarquant du programme commun sur lequel s’est forgée la Nouvelle Union Populaire Ecologique et Sociale, Fabien Roussel a pris délibérément le risque de rompre l’unité des forces politiques qui la composent. Les médias n’ont d’ailleurs pas tardé à entonner cette petite musique. Cependant, loin de diviser, les propos de Fabien ont surtout fait l’unité contre eux. Le rejet unanime dont ils ont fait l’objet dans l’ensemble de la NUPES, y compris dans son propre parti, démontre que ce rassemblement résiste aux aventures solitaires, justement parce qu’il repose sur l’accord sur un programme de rupture sociale, écologique et démocratique.
Loin des punchlines réactionnaires, poursuivons le combat pour l’émancipation
Au lieu de multiplier les punchlines empruntées à la presse réactionnaires, il devrait relire et méditer les mots d’Ambroise Croizat, ministre communiste du travail à la libération (1945-1947), et au fondement de la protection sociale : « Faire disparaitre l’incertitude du lendemain pour toutes et tous. ». Croizat le disait on ne peut plus clairement, dans son discours du 8 août 1946 à l’Assemblée constituante, sur l’application de la loi sur la Sécurité sociale : un travail et un salaire décent pour toutes et tous. Protection et aide pour celles et ceux qui en ont besoin. Les deux ne s’opposent pas. Ils sont inséparables et indispensables à l’émancipation de tous et toutes.
C’est cet idéal qui a permis les conquêtes historiques du mouvement ouvrier, où les communistes ont pris toute leur part. C’est aujourd’hui notre combat.