Intervention en tribune à l’Assemblée nationale de Bastien Lachaud lors de l’examen budgétaire de la mission Défense et anciens combattants, en tant que rapporteur pour avis sur les programmes touchant au soutien et à la logistique interarmées.
Macron, Borne et le ministre de la Défense préfèrent offrir des primes aux militaires plutôt que d’augmenter les salaires, pire le management des grandes entreprises se développe dans les armées avec des primes de compétitivité.
La macronie promet une marche budgétaire de 3 milliards. Le compte n’y est pas. Elle promet une revalorisation de la rémunération des militaires, le compte n’y est pas non plus. Une loi de programmation militaire à hauteur d’homme ? Le compte n’y est toujours pas.
Lire mon discours :
Madame la Présidente, Monsieur le ministre, chers collègues,
Vous aviez promis une marche budgétaire de 3 milliards. Le compte n’y est pas. Vous aviez promis une revalorisation de la rémunération des militaires, le compte n’y est pas non plus. Vous aviez promis une LPM à hauteur d’homme. Le compte n’y est toujours pas.
La marche de 3 milliards que vous prétendez tenir n’est qu’une illusion budgétaire. Votre prétendue hausse est déjà amputée de 10% par la revalorisation du point d’indice.
Et je ne compte pas les effets de l’inflation qui vont amputer les budgets. La hausse du prix des matières premières n’épargne pas les armées. En particulier celle des carburants. Sur ces derniers, le budget total de l’année 2022 a été consommé au mois d’août. Les armées doivent transférer des fonds tous les jours pour renflouer le compte du Service des Energies Opérationnelles pour qu’ils puissent continuer à fournir le carburant nécessaire à nos armées. Dans ce domaine, le budget 2023 est à nouveau fondé sur des hypothèses irréalistes, qu’on pourrait qualifier d’insincères.
Concernant la LPM à hauteur d’homme, c’est à nouveau une illusion budgétaire. Mais cette fois, ce sont les militaires eux-mêmes qui vont en faire les frais. Sur leur solde.
La Nouvelle Politique de Rémunération des Militaires va donner, aujourd’hui, cela est vrai, un gain de pouvoir d’achat à la plupart des militaires. Mais votre réforme va avoir des conséquences à moyen et long terme sur les revenus des militaires, tels qu’on peut craindre légitimement, qu’à la fin, ils soient perdants.
Car la rémunération, ce n’est pas seulement la solde à la fin du mois. C’est aussi la rémunération différée que l’on perçoit à la fin de sa carrière, quand on prend sa retraite.
En concentrant la réforme sur les seules primes, vous avez laissé totalement de côté la partie indiciaire de la solde des militaires.
Il est vrai que la simplification des 174 primes en 9 est bienvenue, nul ne le conteste ! Car le système précédent était illisible et source d’injustices.
Mais en traitant des primes sans toucher à la solde de base, vous ne vous attaquez pas à la cause de la perte de pouvoir d’achat des militaires, à savoir le tassement des grilles indiciaires. Elles sont tassées parce que votre gouvernement, comme les précédents, ont gelé le point d’indice de la fonction publique pendant une décennie. Ce qui a entraîné le déclassement de l’ensemble de la fonction publique, et donc des militaires. La hausse de 3,5 points enfin consentie en juillet n’est même pas à la hauteur de l’inflation !
En revalorisant les primes, sans toucher à la solde de base, vous entérinez un effondrement du revenu des militaires à la fin de leur carrière.
Car s’ils peuvent avoir un revenu décent du fait des primes qui complètent une solde indiciaire trop basse, c’est seulement sur cette dernière que sont calculés les droits à la retraite.
Résultat, à la fin de leur carrière, les militaires peuvent perdre plus de 50% de leur revenu, alors que c’est de l’ordre de 25% pour les autres fonctionnaires. C’est intolérable !
J’alerte donc sur les conséquences à moyen et long terme de la NPRM.
Le mouvement général de forfaitisation des primes de la fonction publique, qui s’applique à présent aux militaires, va mécaniquement conduire à un tassement du pouvoir d’achat, particulièrement en période de forte inflation.
Le gain relatif de la revalorisation de certaines primes est déjà grignoté presque aux 2/3 par l’augmentation du point d’indice et l’inflation. Non seulement les primes ne sont pas calculées sur un indice, mais elles ne sont pas non plus indexées sur l’inflation. Il n’y a même pas de clause de revoyure obligatoire pour revaloriser ces primes ! Si cette revoyure n’est pas institutionnalisée, le gain de pouvoir d’achat va s’effondrer très rapidement.
De même, avec la fiscalisation de l’IGAR, on a bien l’impression que l’Etat reprend d’une main ce qu’il donne de l’autre. Il est vrai qu’une mesure de périmètre est prévue pour compenser cette fiscalisation, mais comment s’assurer que tous les perdants seront bien compensés ?
Enfin, je m’inquiète du changement philosophique majeur constitué par l’introduction d’une part variable « au mérite » dans certaines primes. Le management des grandes entreprises n’a rien à faire dans les armées, ni dans le reste de la fonction publique d’ailleurs. Cela peut poser de sérieux problèmes de cohésion, et il existe déjà d’autres moyens de valoriser le mérite des militaires : la notation, l’avancement en grade, et normalement, la progression indiciaire.
Les militaires ne choisissent pas cet état dans l’espoir d’avoir une prime, ils s’engagent pour la Nation, portent ses armes et acceptent s’il le faut de donner leur vie pour leur pays. Cette logique managériale va à l’encontre de la singularité et de l’éthique militaires.
En conclusion, je trouve scandaleux l’appauvrissement des familles de militaires par rapport aux ménages de même niveau socio-professionnel. Une réévaluation indiciaire est impérative. Ces familles doivent avoir un revenu à la hauteur de leur investissement pour la défense de la Nation.
Sans quoi, la LPM à hauteur d’homme n’est que phrases en l’air.