Liberté bafouée : des supporters du PSG bloqués à Troyes

Question écrite au gouvernement

Monsieur le député Bastien Lachaud interroge monsieur le ministre de l’Intérieur et des Outre-mer sur les restrictions à la liberté de circulation des supporters du Paris Saint-Germain dans le cadre de leur déplacement à Troyes, ce dimanche 7 mai 2023. 

Au début de ce mois de mai 2023, la direction du club de football du Paris Saint-Germain Football Club (PSG) a fait l’objet d’un mouvement de contestation mené par une partie de ses supporters, appartenant notamment à l’association « Collectif Ultras Paris » (CUP). Dans ce contexte, la direction du PSG, a pris la décision d’annuler l’ensemble des places réservées aux membres du CUP, soit 450 billets, pour la rencontre du championnat de Ligue 1 opposant le PSG au club de l’Espérance Sportive Troyes Aube Champagne (ESTAC) au stade de l’Aube, à Troyes, ce dimanche 7 mai 2023 à 20h45. 

Les fondements d’une telle décision, prise par la direction du PSG en sa qualité de gestionnaire de la billetterie du parcage visiteur dans le cadre des rencontres ayant lieu à l’extérieur, interrogent cependant. A en croire les informations fournies par la presse, dans ces conditions générales de vente (CGV), le PSG précise dans la partie « infractions à l’extérieur du stade » que « tout comportement en relation avec les activités du PSG » et « susceptible de nuire à autrui, de porter atteinte à l’image du PSG ou à l’honneur de leurs dirigeants ou personnels » entraînera « si bon semble au PSG et selon la gravité des manquements, la suspension ou la résiliation du titre d’accès ou le refus d’accès aux matchs de plein droit ». C’est sur ce fondement qu’aurait été prise la décision d’annuler 450 billets réservés aux membres du CUP. La légalité d’une telle disposition pose toutefois question, dès lors qu’elle a été prise à titre collectif, visant un groupe de personnes au seul titre de leur appartenance à une association, et non pas des individus sur la base de faits précisément établis. L’annulation a été signifiée aux personnes concernées sur la base d’un simple courriel, ne comportant aucune mention d’un motif, et, a fortiori, d’une motivation circonstanciée liée à un comportement individuel précis.

Si l’annulation des billets attribués aux membres du CUP interroge, la mobilisation des services de l’État et des forces de police pour empêcher leur déplacement à Troyes soulève des questions plus graves encore. Selon le récit livré par la presse, malgré l’annulation de leurs billets, cinq cars de supporters ont quitté Paris pour rejoindre Troyes ce dimanche 7 mai dans l’après-midi. Un premier groupe de trois cars auraient été contrôlés et bloqués par des unités de gendarmerie placés en faction à la sortie de l’Autoroute A5 arrivant de Paris, en présence du sous-préfet de l’Aube. Un second groupe de deux autres cars, ayant emprunté une autre sortie, aurait réussi à rejoindre la ville de Troyes. Un cortège de cent cinquante supporters parisiens se dirigeant vers le stade aurait été intercepté aux environs de 20h par les forces de police, et confinés sur le parking du stade, encadrés par quatre camions de gendarmerie et une centaine de gendarmes et policiers. Les deux groupes de supporters auraient finalement regagné Paris dans la soirée, dans le calme et sans qu’aucun incident n’ait été signalé.

La légalité d’une telle opération de police imposant une restriction à la liberté de circulation de plusieurs centaines de personnes pose question. Il semble que la préfecture de l’Aube n’ait pris aucun arrêté encadrant la venue des supporters parisiens. Selon les informations données par la presse et le témoignage de plusieurs supporters présents sur les lieux, le sous-préfet et les membres des forces de l’ordre présents à la sortie de l’Autoroute A5 n’auraient pas été mesure de communiquer le fondement juridique de leurs actions, et d’expliquer aux supporters pourquoi ils se trouvaient empêchés de poursuivre leur chemin. Ils auraient refusé d’échanger avec les avocats du CUP accompagnant les supporters. Il faut observer par ailleurs que les personnes ayant vu leurs billets annulés par le PSG ne faisant l’objet d’aucune interdiction de déplacement ou de stade, elles sont libres de circuler sur le territoire, de se rendre dans la ville de Troyes, et même à proximité du stade. L’annulation d’un billet par une société privée – au fondement par ailleurs discutable – ne peut valoir à elle seule interdiction de se déplacer et de circuler librement, ni, à plus forte raison, justifier le déploiement des moyens de l’État. Un dispositif de sécurité est naturellement justifié pour empêcher des individus de forcer l’entrée d’un stade sans billet ou de se livrer à des débordements et à des actes répréhensibles. Il ne peut en revanche être question de priver arbitrairement des personnes de toute liberté de circulation.

Les faits survenus le 7 mai 2023 à Troyes ajoutent un nouvel élément à un contexte plus large de restrictions des libertés publiques – des dérives (restrictions à la liberté de circulation, interdictions de se rassembler et de manifester, placements en garde à vue sans fondement apparent) que de nombreux observateurs Français et internationaux ont dénoncé et jugé inquiétantes, notamment lorsqu’elles ont frappé des personnes impliquées dans le mouvement de contestation sociale contre la réforme des retraites portées par l’actuel gouvernement. La multiplication de ces faits, contraires au droit et qui attentent aux libertés des citoyens et citoyennes, pose question et appelle à la plus grande vigilance. C’est pourquoi monsieur le député souhaite apprendre de monsieur le ministre sur quels fondements juridiques précis s’appuient les restrictions à la liberté de circulation imposée aux supporters du Paris Saint-Germain ce 7 mai 2023, et dans quelles circonstances exactes les moyens de l’Etat, de la gendarmerie et des forces de police, ont été déployés.