Question écrite au gouvernement
Monsieur le député Bastien Lachaud interroge monsieur le ministre de l’Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique, sur la vente de matériel d’espionnage aux troupes du maréchal Khalifa Haftar en Libye, par la société française Nexa.
En juin 2021, la société Amesys, ancêtre de Nexa, et son fondateur Stéphane Salies, ont fait l’objet d’une mise en examen pour « complicité de torture », dans le cadre d’un contrat signé en 2007 avec le régime Libyen de Mouammar Khadafi.
Or, le journal Mediapart révèle ce 6 octobre 2023 que dans le cadre de cette enquête, les juges d’instruction et les gendarmes de l’Office central de lutte contre les crimes contre l’humanité et les crimes de haine (OCLCH) ont découvert que Nexa a signé fin 2020 un contrat d’une valeur de 3,3 millions d’Euros avec la faction politique et militaire dirigée en Libye par le maréchal Khalifa Haftar, pour la fourniture de matériel d’interception des télécommunications.
Ce contrat semblerait constituer une violation de l’embargo sur les ventes d’armes à la Libye édicté par l’Organisation des Nations Unies. Une violation délibérée, plusieurs montages et dispositifs de sociétés écran ayant été utilisés pour contourner les restrictions. Il pose par ailleurs des questions éthiques et politiques graves, dès lors qu’il a été conclu en dépit des enquêtes pour crimes de guerre qui visent le maréchal Haftar, et au mépris du fait que son gouvernement n’est pas reconnu par la communauté internationale et l’Organisation des Nations Unies. Le signataire pour la partie libyenne se trouvait être monsieur Ahmed al-Werfalli, dont le frère, monsieur Mahmoud al-Werfalli, lieutenant du maréchal Haftar, faisait avant sa mort en 2021 l’objet de plusieurs mandats d’arrêt de la Cour Pénale Internationale pour son implication dans des exécutions sommaires.
Or, la poursuite de l’enquête menée par les juges d’instructions chargés de l’affaire se serait heurtée, selon les révélations de Mediapart, aux réticences des autorités, du Parquet national anti terroriste (Pnat) et du Ministère de l’économie. Pour s’en tenir au Ministère de l’économie, ce dernier a fait obstacle à l’élargissement de l’enquête au délit de violation de l’embargo sur la Libye, élargissement autorisé par le Pnat. Ce délit nécessite en effet, pour engager des poursuites, une plainte signée par le Ministre de l’économie. Mais celle-ci n’a jamais été déposée.
Monsieur le député souhaite donc apprendre de monsieur le Ministre les raisons pour lesquelles il n’a pas déposé cette plainte, empêchant ainsi la justice de faire la pleine lumière sur la vente de matériel d’espionnage sensible à un groupement politique et militaire visé par plusieurs enquêtes pour crimes de guerre, et en violation d’un Embargo décidé par l’Organisation des Nations Unies. Il souhaite savoir si le Ministère de l’économie était informé du contrat entre Nexa et la faction Haftar, et s’il lui a apporté délibérément une forme de caution et de couverture, qui s’inscrivait dans le contexte d’une politique de rapprochement avec le maréchal Khalifa Haftar menée au même moment par le gouvernement français. Plus largement et au vu du refus manifeste du gouvernement de déposer plainte et de permettre que la pleine lumière soit faite, monsieur le député souhaite savoir quelle est aujourd’hui la position de la France quant au respect des mesures d’embargo sur les ventes d’armes adoptées par le Conseil de Sécurité de l’Organisation des Nations Unies.