8 mars : pour un congé identique et obligatoire pour les deux parents

Plus de 50 ans après le mouvement de libération des femmes, la domination masculine se poursuit : par les violences dans la sphère publique et privée, par les bas salaires, dans la plupart des lieux de pouvoir, la précarité de l’emploi, les discriminations.

Après la victoire historique, de ce lundi 4 mars, avec l’inscription du droit à l’avortement dans la Constitution, fruit d’une lutte menée de longue date par les associations féministes et relayé dans l’arène parlementaire par notre présidente de groupe Mathilde Panot, le combat continue, pour garantir ce droit fondamental et en conquérir tant d’autres, en France comme dans le monde.

Ce 8 mars, avec ma collègue, Sarah Legrain, nous déposons une proposition de loi pour créer à la place du congé paternité un congé d’accueil de l’enfant identique en tous points au congé maternité. Une proposition émancipatrice pour les femmes, pour rompre le cercle vicieux du “coût d’être mère”, lutter contre les inégalités et les stéréotypes de genre, dans la parentalité comme dans la société plus largement.

Violences sexistes et sexuelles, droit de disposer de son corps, égalité salariale, solidarité internationale. Ces combats sont aussi urgents qu’actuels, face à l’inaction du gouvernement et aux attaques de l’extrême-droite, à la permanence du patriarcat et au néo-masculinisme. La France insoumise fera toujours de la lutte pour l’égalité entre les femmes et les hommes une de ses priorités.

PROPOSITION DE LOI

visant à créer un congé d’accueil de l’enfant identique et obligatoire pour les deux parents,

(Renvoyée à la commission des affaires sociales, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par

Mme Sarah LEGRAIN, M. Bastien LACHAUD, M. Jean-François COULOMME, Mme Élise LEBOUCHER, Mme Pascale MARTIN, Mme Ersilia SOUDAIS, Mme Nadège ABOMANGOLI, M. Laurent ALEXANDRE, M. Gabriel AMARD, Mme Ségolène AMIOT, Mme Farida AMRANI, M. Rodrigo ARENAS, Mme Clémentine AUTAIN, M. Ugo BERNALICIS, M. Christophe BEX, M. Carlos Martens BILONGO, M. Manuel BOMPARD, M. Idir BOUMERTIT, M. Louis BOYARD, M. Sylvain CARRIÈRE, M. Florian CHAUCHE, Mme Sophia CHIKIROU, M. Hadrien CLOUET, M. Éric COQUEREL, M. Alexis CORBIÈRE, Mme Catherine COUTURIER, M. Hendrik DAVI, M. Sébastien DELOGU, Mme Alma DUFOUR, Mme Karen ERODI, Mme Martine ETIENNE, M. Emmanuel FERNANDES, Mme Sylvie FERRER, Mme Caroline FIAT, M. Perceval GAILLARD, Mme Raquel GARRIDO, Mme Clémence GUETTÉ, M. David GUIRAUD, Mme Mathilde HIGNET, Mme Rachel KEKE, M. Andy KERBRAT, M. Maxime LAISNEY, M. Arnaud LE GALL, M. Antoine LÉAUMENT, Mme Charlotte LEDUC, M. Jérôme LEGAVRE, Mme Murielle LEPVRAUD, Mme Élisa MARTIN, M. William MARTINET, M. Frédéric MATHIEU, M. Damien MAUDET, Mme Marianne MAXIMI, Mme Manon MEUNIER, M. Jean-Philippe NILOR, Mme Danièle OBONO, Mme Nathalie OZIOL, Mme Mathilde PANOT, M. René PILATO, M. François PIQUEMAL, M. Thomas PORTES, M. Loïc PRUD’HOMME, M. Adrien QUATENNENS, M. Jean-Hugues RATENON, M. Sébastien ROME, M. François RUFFIN, M. Aurélien SAINTOUL, M. Michel SALA, Mme Danielle SIMONNET, Mme Anne STAMBACH-TERRENOIR, Mme Andrée TAURINYA, M. Matthias TAVEL, Mme Aurélie TROUVÉ, M. Paul VANNIER, M. Léo WALTER,

députées et députés.

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EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

« Il y a eu le premier matin. Celui où, à huit heures, j’ai été seule dans le F3 avec le Bicou en train de pleurer, la table de la cuisine encombrée par la vaisselle du petit déjeuner, le lit défait, le lavabo de la salle de bain noirci par la poussière du rasage. Papa va travailler, maman range la maison, berce bébé et elle prépare un bon repas. Dire que je croyais ne jamais être concernée par le refrain du cours préparatoire. »

Annie Ernaux, La femme gelée, 1981.

L’arrivée d’un enfant dans une famille est un bouleversement personnel, intime, familial. Elle appelle une réorganisation de la famille qui l’accueille afin de permettre son épanouissement, son développement, et à terme son émancipation en adulte libre. Le choix d’accueillir un enfant est un choix personnel, souvent un choix de couple. 

Mais ce choix s’inscrit dans un contexte politique qui facilite, ou non, cet accueil au sein des familles. Aussi, la naissance d’un enfant est un sujet éminemment politique. Car c’est la société qui va définir la place de ce nouvel individu en son sein, qui va déterminer qui a du temps – ou devra le trouver – pour veiller à son éducation et comment. Les familles vont faire leurs choix en fonction des possibilités offertes par la société.

A. La naissance est un acte politique

1. Les ventres des femmes ne sont pas une arme

Le sujet politique de la naissance a été remis sur le devant de la scène politique de la pire façon qui soit par le Président Emmanuel Macron lors de sa conférence de presse du 16 janvier 2024 en parlant de « réarmement démographique ». Celui‑ci a annoncé souhaiter la « relance de la natalité » en annonçant deux mesures principales : remplacer le congé parental actuel par un congé de naissance, qui permettra « aux deux parents d’être auprès de leur enfant pendant 6 mois, s’ils le souhaitent », plus court et « mieux rémunéré ». Il a aussi annoncé un plan de lutte contre l’infertilité, afin d’aider les couples qui souhaitent avoir des enfants, à en avoir.

De telles annonces ont semé l’inquiétude et la consternation. D’abord parce que le choix intime d’avoir un enfant se voit embrigadé dans un projet politique. Ensuite parce que la rhétorique nataliste utilisée dénote une régression violente du droit des femmes à disposer de leur corps. De nombreuses associations féministes ont immédiatement alerté sur ce « en même temps » dangereux, où d’une part l’inscription du droit à l’interruption volontaire de grossesse (IVG) dans la Constitution est mise à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale, et adoptée, et de l’autre, on incite les femmes à avoir des enfants « pour la patrie ». Ce vocabulaire inscrit le choix d’avoir des enfants dans un mouvement de pensée très conservateur où les femmes sont assignées à un rôle reproducteur. Il est d’ailleurs essentiel de souligner que la relance de la natalité est devenue une obsession pour l’extrême droite, masquant souvent bien mal des fondements xénophobes et racistes. Très loin des discours sur l’égalité entre les femmes et les hommes et la soi‑disant grande cause du quinquennat.

2. Le « congé de naissance » de Macron, faux progrès et vraie régression des droits

La ministre Aurore Bergé, alors ministre des solidarités, avait évoqué au mois de novembre 2023 un « congé familial », qui devait coexister avec l’actuel congé parental. Aujourd’hui, il n’est plus question de conserver l’actuel congé parental, mais de le remplacer par une nouvelle formule, sur laquelle le Président de la République n’a pas donné plus de détails, et le Premier ministre, dans son discours de politique générale, pas davantage.

a) Aujourd’hui, le congé parental est principalement pris par les femmes et est à peine rémunéré

Aujourd’hui, le « congé parental » peut être pris, pour le cas général, pour une durée de un an maximum, renouvelable deux fois, se terminant au maximum aux trois ans de l’enfant. L’employeur est dans l’obligation d’accepter le congé parental. Pendant ce temps, donc au maximum trois ans pour un enfant unique, le contrat de travail est suspendu. 

Pendant le congé parental, il est possible de toucher la Prestation partagée d’éducation de l’enfant (PreParE). Pour une activité totalement interrompue, cette prestation est de 428,71 euros, pour un temps partiel de 50 % maximum de 277,14 euros, et pour un temps partiel compris entre 50 % et 80 % de 159,87 euros. Celle‑ci peut être versée à un parent, ou aux deux, simultanément ou successivement, toutefois le montant total des deux prestations ne peut pas dépasser 428,71 euros.

Le Président de la République a annoncé que le futur « congé de naissance » serait « mieux rémunéré », ce qui est une litote polie. Car aujourd’hui le montant de la prestation liée au congé parental est à peine une aumône. C’est une perte très conséquente des revenus pour un salarié à temps plein, même au SMIC. On envisage difficilement une famille dont les deux parents s’arrêtent de travailler et vivre avec 428 euros par mois. Le montant de la prestation actuelle est inférieur à la gratification minimale d’un stage (639,45 euros/mois sur la base d’un temps plein pour 21 jours de présence par mois), au montant du revenu de solidarité active (RSA) pour une personne seule (780,42 euros) et plus encore pour une personne seule avec un enfant à charge (1 040,56 euros), au minimum vieillesse (1 012,02 euros), au seuil de pauvreté (965 euros). Alors que cette prestation est censée compenser la perte de revenus liée à la suspension d’une activité professionnelle pour élever un enfant, elle est d’un montant tellement bas qu’on peut à peine parler de « rémunération » à l’heure actuelle. 

Dans ces conditions, il est de bon ton de parler d’une réforme rémunérant « mieux » le congé parental. Car il est difficile de faire pire, et faire « mieux » ne garantit aucunement des revenus acceptables pour une famille. Il faudrait faire beaucoup mieux pour que ce congé soit potentiellement attractif. Etant donné la pénurie de places en crèches et le manque de modes de garde (160 000 parents se retrouveraient ainsi sans solution de garde chaque année ([1])°, ce congé est parfois essentiel. Si le couple souhaite ou est contraint d’opter pour un congé parental, le choix de quel parent va le prendre est fait par rapport à la faisabilité financière. Or les personnes déjà très mal et peu payées, avec des conditions de travail difficiles et/ou fractionnaires sont souvent celles qui peuvent envisager passer à 428 euros par mois comme un pis‑aller financier acceptable. Ainsi, il n’est guère étonnant que la très grande majorité des personnes qui choisissent de prendre un congé parental soient des femmes, et non des hommes. Elles subissent en effet davantage les temps partiels non‑choisis (76 % des emplois à temps partiels sont occupés par des femmes) et occupent des postes précaires et rémunérés au salaire minimum interprofessionnel de croissance (SMIC) horaire (2/3 des salariés payés au SMIC sont des femmes). L’écart moyen des salaires entre les femmes et les hommes a été calculé en 2023 par Oxfam à 28,5 %. Par ailleurs, une note de la Fondation des Femmes publiée en février 2023 relevait que dans trois quarts des couples hétérosexuels, les femmes percevaient des revenus moindres que leurs compagnons ([2]). Ce sont donc elles qui perdent le moins d’argent lors du congé et sont incitées à le prendre, car le sacrifice financier du couple est moins important. Cela les précarise par ailleurs d’autant plus ensuite, provoquant des carrières hachées. Il semble évident que les représentations patriarcales influencent aussi ce choix. Mais même pour les couples hétérosexuels où le père souhaite s’investir dans la garde de l’enfant, cela est considérablement entravé par la possibilité financière de cesser de travailler. 

Ainsi, 14 % des mères prennent le congé parental à temps plein pour 0,8 % des pères. Pourtant, une réforme de 2015 ambitionnait de porter ce taux à 25 % ! En 2021, 220 000 personnes ont pris un congé parental. En 2020, 6,1 % des personnes bénéficiant du congé parental étaient des pères, donc 93,9 % étaient des mères. 

Le congé parental est de moins en moins attractif, et on observe une baisse tendancielle de recours. Cette baisse de recours a par ailleurs permis de faire des économies conséquentes au détriment des familles. La réforme de 2015 a permis une économie de 1,2 milliard d’euros entre 2014 et 2022. En effet, en 2015, 1 788 millions d’euros étaient consacrés à l’indemnisation du congé parental, pour 760 millions en 2022. La chute est vertigineuse.

b) Avec Macron, les droits des familles vont régresser considérablement

La ministre déléguée chargée de l’Égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations, Madame Aurore Bergé a précisé le 17 janvier, qu’il s’agirait bien de six mois en tout, incluant donc les actuels congés maternité et paternité. Aujourd’hui, pour une naissance unique, en incluant la part de congé prénatal prévu, la fin du congé maternité intervient globalement aux 2,5 mois de l’enfant, soit après quatre mois de congés. En conséquence, si ce congé est porté à six mois en tout, cela représenterait seulement deux mois de plus que l’actuel congé maternité, donc une reprise du travail aux 4,5 mois de l’enfant, pour ne parler que des naissances uniques. Passer d’une potentielle reprise aux trois ans de l’enfant, à une potentielle reprise aux 4,5 mois de l’enfant n’est en aucun cas un progrès, mais une perte de droits phénoménale.

Cette suppression mènerait en fait à une augmentation des inégalités entre les femmes. La ministre n’a d’ailleurs pas caché que cette mesure s’adressait surtout « aux classes moyennes ». Ainsi, la suppression du congé parental ôte des droits qui sont surtout pris par des femmes issues de classes populaires, pour, soi‑disant, en donner aux femmes qui ont davantage de revenus. 

Elle précise que ce congé n’aura rien d’obligatoire, ce qui revient à abandonner les salariés au rapport de force dans l’entreprise et aux représentations patriarcales. Ainsi, l’étude faisant le bilan de la réforme de 2015 montre bien que les pères ne se sentent pas trop concernés, ni ne sont correctement informés de l’existence du congé parental. Le fameux « choix » sera probablement un non choix où les hommes désireux de prendre leur congé parental risquent fort d’en être dissuadés par la hiérarchie professionnelle.

Les durées annoncées reviennent à un léger allongement du congé maternité possible, un allongement de 5 mois du congé paternité possible, et surtout une suppression pure et simple du congé parental. Cependant ces “allongements” supposés et cette fusion mettent en réalité en danger la rémunération des congés maternité et paternité actuels, qui risquerait de diminuer considérablement. Quant à l’épineuse question du mode de garde après le congé, la ministre renvoie à des « annonces ». Autrement dit, aucune garantie. 

c) Le congé parental, souvent un choix par défaut, faute d’autre mode de garde

En dépit de sa microscopique rémunération, le choix d’un congé parental est souvent fait par les familles faute d’alternative de garde de l’enfant à l’issue du congé maternité. En effet, le gouvernement lui‑même estimait en 2022 qu’il manquait 200 000 places pour un mode de garde pour les petits enfants jusqu’à l’âge de la scolarisation, sur les 678 000 naissances comptées en France en 2023. C’est‑à‑dire que près de 30 % des familles n’auront pas de solution de garde. 

Une étude de l’association UFC Que choisir démontre que « en 2020, il y avait 1,3 million de places en accueil formel (assistants maternels et crèches principalement) pour 2,2 millions d’enfants de moins de 3 ans, soit un taux de couverture de 58,8 %. Cela signifie que les places manquaient pour 4 jeunes enfants sur 10. Si une partie des parents fait évidemment le choix de garder leurs enfants, le manque de places en crèches ou d’assistants maternels est en revanche subi pour nombre d’entre eux : pour 37 % des parents gardant leurs enfants, il s’agit en effet d’une solution par défaut, comme dans près de la moitié des cas (48 %) pour le recours aux grands‑parents. Des grands‑parents que le recul du départ à la retraite risque de rendre moins disponibles, ou moins en état d’assumer la garde de leurs petits‑enfants. L’association s’alarme d’autant plus que les chiffres montrent une baisse massive et structurelle des places d’accueil. Le départ à la retraite de 120 000 assistantes maternelles d’ici à 2030 aura pour conséquence une suppression de 480 000 places. 

Il y a là un sujet majeur de préoccupation pour les couples qui envisagent d’avoir un enfant, puisque sans solution de garde formelle, pour les familles qui ne peuvent compter sur un mode de garde familial, l’un des parents va devoir cesser de travailler pour s’occuper de l’enfant. Présentée comme une mesure incitative pour faire des enfants, le nouveau congé parental raccourci à six mois a toutes les chances d’être en fait une mesure dissuasive.

Comment feraient les familles sans mode de garde et sans même possibilité de cesser de travailler temporairement, jusqu’à la scolarisation de l’enfant ? L’un des membres du couple devra‑t‑il démissionner et s’inscrire au RSA, ou toucher le chômage, pour garder son enfant ? Il est loisible d’imaginer que dans un tel cas de figure, ce serait majoritairement les femmes qui sacrifieraient leur carrière. Macron assure que le congé parental actuel éloigne durablement les femmes de l’emploi. Il est probable que la suppression du congé parental en éloigne plus d’une de façon encore plus durable, faute de solution de garde pour son enfant. 

Aussi, il semble donc nécessaire de remettre à plat les politiques liées à la petite enfance, pour qu’enfin le principe « un enfant, si je veux, quand je veux » soit une réalité. Cela ne veut pas seulement dire la possibilité d’une IVG en cas de grossesse non désirée. Cela veut aussi dire que la société mette en œuvre les conditions d’accueil serein des enfants, au libre choix des familles, sans faire peser sur leurs épaules, et singulièrement celles des femmes, le choix entre avoir une carrière et avoir des enfants. Aussi, la France insoumise propose‑t‑elle la création d’un service public unique d’accueil de la petite enfance et d’ouvrir 500 000 places en crèche et modes de garde adaptés.

Les auteurs de la présente proposition de loi souhaitent, en première intention et dans le cadre d’une politique globale de la petite enfance et d’égalité entre les femmes et les hommes, créer avec ce texte un congé d’accueil de l’enfant égalitaire, c’est‑à‑dire de la même durée pour tous les parents. Ainsi, toutes les mères, qu’elles aient accouché ou non, et tous les pères, bénéficieraient du même temps pour prendre soin de leur enfant. Cette proposition de loi crée des droits pour toutes les familles, sans discrimination liée au sexe à l’état civil des parents, ni de leur statut marital.

3. Des congés d’accueil de l’enfant égalitaires, la première d’un ensemble de mesures pour l’égalité 

La situation actuelle a pour conséquence une explosion des inégalités entre les femmes et les hommes à l’arrivée d’un enfant. Nombre de ces inégalités se cristallisent pendant la période du congé maternité. Parce qu’elles sont susceptibles de partir en congé maternité, les femmes sont discriminées à l’embauche, même si elles n’ont aucun projet parental.

Quand elles partent en congé maternité, les femmes subissent une perte de revenus. Pour le reste de leur carrière, les femmes font plus de sacrifices professionnels, y compris parce qu’elles ont déjà de moindres revenus que leur conjoint. Elles sont discriminées pour les promotions et opportunités professionnelles, parce que soupçonnées d’être moins investies du fait qu’elles sont mères. Selon la Fondation des Femmes ([3]), l’ajustement par le passage à temps partiels est dix fois plus important pour les mères que pour les pères. Les conséquences financières et professionnelles de la maternité sont lourdes et ne se limitent pas à la période du congé maternité. Les pères, au contraire, peuvent même bénéficier du sacrifice professionnel de leur conjointe pour avoir des opportunités de carrière et une augmentation de leur rémunération.

Enfin, du point de vue de l’organisation de la famille, la différence conséquente entre le congé maternité et le congé paternité occasionne une explosion des inégalités liées au travail domestique et parental, et à une spécialisation des tâches au sein du couple. 

L’ensemble de ces inégalités, qui se traduisent tout au long de la vie et jusqu’à la retraite, ne sont pas acceptables. La création d’un congé d’accueil de l’enfant égalitaire participe de la réduction de ces inégalités entre les femmes et les hommes.

B.  Les inégalités financières et professionnelles entre les femmes et les hommes sont liées à la parentalité 

1. Le frein de carrière qui touche les femmes est lié au « risque » de maternité, source de discrimination à l’embauche et dans la carrière

Il existe un fort « soupçon de maternité » qui pèse particulièrement sur les jeunes femmes, et ce quand bien même celles‑ci n’auraient aucun projet de parentalité et la ferme intention de ne jamais avoir d’enfants. Ce soupçon est source de nombreuses discriminations à l’embauche et tout au long de la carrière. Parce que le recruteur présuppose qu’embaucher une jeune femme l’expose au « risque » d’un congé maternité, à qualification égale, il a tendance à privilégier une candidature masculine. 

Alors que les jeunes hommes sont exposés au même « risque » de paternité que leurs collègues féminines, la perception de la potentielle paternité du point de vue professionnel est très différente. Les femmes sont soupçonnées d’un futur désinvestissement professionnel en cas de maternité, ce qui n’est pas le cas des potentiels pères. 

D’après une enquête du défenseur des droits de 2020, 27 % des femmes discriminées au travail affirment l’avoir été en raison de leur grossesse et du congé maternité. D’après une enquête du Défenseur des droits de 2017, au cours des 5 années précédentes, les femmes actives de 18 à 44 ans qui ont été enceintes ou mères d’un enfant en bas âge ont été deux fois plus la cible de discriminations que les autres. C’est seulement au moment de la scolarisation de l’enfant que, au travail, le « soupçon de désinvestissement » des mères commence enfin à diminuer.

Malgré les protections des mères prévues par le code du travail, les inégalités de traitement au travail entre les hommes et les femmes demeurent importantes. L’arrivée du premier enfant entraîne une chute de revenus d’en moyenne 40 %, et ensuite une pénalité durable de la rémunération de l’ordre de 30 %, selon l’Institut national de la statistique économique (INSEE). L’institut précise que cette chute a plusieurs composantes : l’interruption de carrière liée à la maternité, la réduction des heures rémunérées, et la pénalisation du salaire horaire. Des études montrent l’impact des politiques de ressources humaines, qui traitent différemment les mères et les pères, pour expliquer un écart de salaires croissant entre ces derniers. Les effets de cette baisse de rémunération des femmes sont plus importants pour les bas salaires.

En revanche, il est à noter que la naissance du premier enfant n’affecte pas le revenu salarial des pères, voire, on peut noter une « prime à la paternité » huit ans après la naissance, mais faiblement significative, selon une étude de l’INSEE.

En mars 2022, la Défenseure des droits a déclaré : « nous rendons encore un nombre trop important de décisions où des femmes ne sont pas embauchées en raison de leur état de grossesse ; ne retrouvent pas leur poste au retour de leur congé maternité ; ou dont la période d’essai est rompue car elles sont enceintes. C’est sidérant et illégal. Les discriminations sont considérables. » Dans un sondage daté de 2019, une femme sur deux a estimé que sa grossesse a eu un impact négatif sur sa situation professionnelle, et la moitié des mères a eu le sentiment que leur maternité a freiné leur carrière, contre 18 % des pères. 

La mécanique est bien huilée : les femmes, absorbées par la charge mentale liée à la maternité, vont avoir tendance à s’investir moins le soir et le week‑end, adaptent leur emploi du temps professionnel à leur maternité. Elles sollicitent moins d’opportunités professionnelles, voire décident de baisser leur quotité horaire. Le supérieur commence à confier moins de responsabilités, anticipant, à tort ou à raison, l’arrivée d’un 2e enfant. Le cercle vicieux se met en place, et le plafond de verre professionnel des femmes avec. Aussi, le principal frein à la maternité pour les femmes qui ont un désir d’enfant et ambitionnent une carrière professionnelle, c’est la certitude que leur maternité affecterait considérablement le développement de leur carrière professionnelle. Cela n’est pas le cas pour les pères.

2. Le congé maternité obligatoire vise à la protection de la mère et de l’enfant, le congé paternité vise à soutenir la mère et accueillir l’enfant

L’instauration d’un congé maternité obligatoire pour les salariées a pour but la protection de la santé de la mère et de l’enfant. Son caractère obligatoire est protecteur, car il empêche les employeurs de chercher à persuader leurs salariées de le réduire pour des motifs professionnels, et met les mères à l’abri d’un rapport de force défavorable sur leur lieu de travail.

a) Le congé maternité prénatal des salariées permet de protéger la santé de la mère, de l’enfant, mais aussi de préparer son accueil au sein de la famille ; l’absence de congé paternité prénatal ne permet pas de partager cette préparation

Le congé maternité avant la naissance permet aux mères d’éviter de s’exposer aux difficultés du travail, aux transports, dans le but de se reposer et de limiter autant que possible les risques d’accouchement prématuré.

Il commence six semaines avant la date de la naissance présumée pour le premier et le deuxième enfant, il est porté à huit semaines si la mère a déjà deux enfants à charge, douze semaines en cas de naissance gémellaire, et vingt‑quatre semaines si la mère attend trois enfants et davantage. A la demande de la salariée et sur avis médical, une période de trois semaines maximum du congé prénatal peut être déplacée après la naissance. En cas de grossesse « pathologique », un congé supplémentaire d’au maximum deux semaines peut être prescrit.

Outre la préservation de la santé de la mère et de l’enfant à naître, le congé prénatal permet de finir les préparatifs à l’accueil de l’enfant, tout particulièrement s’il s’agit du premier.

Les futures mères peuvent assister à sept séances de préparation à la naissance et à la parentalité, entièrement remboursées par la sécurité sociale. Celles‑ci vont leur permettre d’apprendre comment se passe un accouchement mais aussi les éléments essentiels liés au soin de l’enfant une fois né. Ces séances sont particulièrement utiles pour bien préparer la naissance, affiner le projet de naissance s’il y en a un, avoir des connaissances sur son corps, désamorcer autant que faire se peut les angoisses possibles liées à l’accouchement, poser toutes les questions que les futures mères se posent. Plus les femmes sont informées de ce qui peut les attendre, plus elles seront susceptibles de faire des choix éclairés et moins elles seront surprises, voire choquées ou même traumatisées, par certains aspects de l’accouchement auxquelles elles ne seraient pas préparées sinon. 

Un congé prénatal pour le père ou la conjointe de la mère permettrait entre autres d’assister à ces séances de préparations qui interviennent à la fin de la grossesse. Une autorisation d’absence pour le père, conjoint ou conjointe de la mère, est à tout le moins nécessaire pour pouvoir y assister.

Car ce n’est pas seulement la mère qui accouche qui se prépare à la naissance et à la parentalité, mais la famille. Plus la personne qui accompagne la parturiente est informée de comment aider cette dernière pendant la naissance, plus la femme qui accouche pourra être soutenue adéquatement par elle pendant ce moment à tous le moins éprouvant. Elle sera mieux aidée à supporter la douleur, mieux accompagnée pour échanger avec l’équipe médicale, mieux entourée dans les éventuelles complications. Concernant les séances consacrées au retour à la maison, elles sont décisives, tout particulièrement pour le père, comme nous aurons l’occasion d’y revenir. Personne ne sait spontanément comment être parent, ni la mère, ni le père, et tous deux ont besoin d’être informés pour comprendre comment prendre soin de leur nouveau‑né.

Matériellement, enfin, le soutien du conjoint ou de la conjointe peut être décisif dans la période de la fin de la grossesse. Le troisième trimestre se caractérise souvent par une fatigue intense, une prise de poids accrue, des difficultés de plus en plus grandes à se déplacer, des douleurs diverses, au dos, au bassin, au ventre. Pour certaines femmes, l’alitement est prescrit en raison du risque de naissance prématurée. Pour d’autres, leur état physique les empêche tout bonnement d’aller bien loin. De nombreuses mères ont d’ores et déjà besoin de soutien matériel quand arrive le congé maternité, surtout si un congé pathologique leur est prescrit. Les préparatifs de la naissance, achats divers et organisation du logement pour l’adapter à la naissance, peuvent nécessiter de l’aide parce que la mère ne doit et souvent ne peut de toute façon rien porter d’autre que son bébé. 

b) Le congé maternité postnatal des salariées est au minimum de six semaines, tandis que le congé « paternité » est au minimum d’une semaine et au maximum de vingthuit jours

Après la naissance, le congé maternité est de dix semaines pour les deux premiers enfants. Il est porté à dix‑huit semaines quand la mère a déjà deux enfants à charge, et à vingt‑deux semaines en cas de naissances multiples. Lorsqu’un état pathologique résulte de l’accouchement, un congé supplémentaire de quatre semaines peut être prescrit.

Il est possible de renoncer à une partie du congé maternité, mais il est obligatoire de cesser de travailler au moins huit semaines, dont six après l’accouchement. En 2023, les statistiques du ministère de la santé établissent que 93 % des mères prennent la totalité de leur congé maternité, pour seulement 71 % pour l’autre parent. 

La suspension du contrat de travail, indemnisée par la sécurité sociale, permet donc aux salariées de s’occuper de leur enfant à temps plein pendant la durée du congé maternité.

Depuis 2021, le congé dit « paternité » des salariés a été allongé, et est passé de quatorze jours à vingt‑huit jours. 

Il se décompose en un congé de naissance de trois jours ouvrables qui est obligatoire et est rémunéré comme s’il avait été travaillé. Il se poursuit par une période obligatoire du congé de paternité et d’accueil de l’enfant de quatre jours calendaires. La seconde période de vingt‑et‑un jours calendaires peut être fractionnée en deux périodes au plus, qui doivent faire au moins cinq jours et elle n’est pas obligatoire.

Le congé « paternité » ne bénéficie pas seulement au père, entendu comme le géniteur et la personne qui reconnaît l’enfant comme le sien. En effet, le congé « paternité » peut bénéficier au père de l’enfant, ou à la personne vivant en couple avec la personne qui accouche (personne liée par un mariage, un PACS, ou vivant maritalement avec la mère), qu’elle soit ou non le père de l’enfant, que cette personne soit un homme ou une femme. 

Il semble urgent, au demeurant, de renommer le congé dit « paternité », car cette locution ne correspond plus depuis longtemps à la diversité des familles. Le cadre le plus commun des naissances reste le couple hétérosexuel, où le père de l’enfant vit avec la mère qui met au monde l’enfant du couple. Même dans un cadre hétérosexuel, la personne qui vit avec la mère et qui accueille l’enfant n’est pas nécessairement son père au sens biologique et au sens juridique du terme. Des familles se recomposent pendant la grossesse, quand par exemple le géniteur n’assume pas sa paternité, ou n’est pas informé par la mère de la grossesse. La personne vivant avec la mère qui va accueillir l’enfant et l’élever ne sera pas nécessairement son père. 

Néanmoins, la réalité des familles est loin de se réduire à ce schéma hétéronormé. En effet, les familles homoparentales existent depuis bien avant l’encadrement juridique de la loi. Il est enfin possible depuis 2021 aux couples de femmes, et aux femmes seules, de recourir à la procréation médicalement assistée en France. Il est donc particulièrement incongru, quand il y a deux mères, que l’une d’entre elles ait un congé dénommé de « paternité et d’accueil de l’enfant ».

3. Des inégalités financières entre les pères et les mères sont directement causées par le congé maternité

Le congé maternité est indemnisé par la Sécurité sociale, mais cette indemnité ne remplace pas la totalité des revenus. Cet écart occasionne pour les mères une baisse de revenus qui est plus importante que celle des pères, en raison de l’écart de durée entre les deux congés.

L’indemnisation journalière des congés maternité/paternité des salariés est plafonnée à près de 90 euros, et à près de 60 euros pour les indépendants. Pour ces dernières, elles bénéficient en plus d’une allocation de repos maternel versée en deux temps d’environ 3 600 euros. Cette période est particulièrement difficile pour les indépendants, qui ont des charges fixes, et pour lesquelles la période de congé maternité signifie souvent une difficulté financière conséquente.

Une étude de la Fondation des femmes[4] estime la perte de salaires, pour une mère salariée au SMIC, de l’ordre de 5,2 % soit 263 euros sur l’ensemble des seize semaines de congé maternité. En revanche, pour un père au SMIC, la perte de revenus est estimée à 59 euros. Dans cette étude, Elsa Foucraut, membre du bureau de l’association Parents et Féministes, analyse : « pour les plus bas salaires (…) il faudrait tenir compte de la perte des avantages en nature qui peuvent représenter une part non négligeable de la rémunération (indemnités repas, remboursement des frais de transport). Qui plus est, pour les femmes exerçant des métiers pénibles, les indemnités de congés maternité sont calculées à partir des derniers mois de salaire, lesquels peuvent être inférieurs aux salaires habituels lorsque les conditions de travail ont dû être adaptées (moins d’heures supplémentaires, travail de nuit, etc.) »

Outre les pertes de revenus liées directement à l’indemnisation du congé maternité, les femmes sont touchées par des frais liés à leur grossesse que ne supportent pas les futurs pères, par exemple : les frais de santé liés à la grossesse qui ne sont pas pris en charge par la sécurité sociale (dépassements d’honoraires, ostéopathie, acupuncture, traitement préventif des vergetures, vitamines, etc.), les achats de vêtements adaptés (pantalons et vêtements de grossesse, sous‑vêtements adaptés, accessoires d’allaitement), les achats de documentation liée à la grossesse et à la parentalité (livres, application de suivi de grossesse, etc.). Ces frais peuvent être partagés au sein du couple, mais concernent au premier chef la femme enceinte, qui souvent les prend en charge. De même que les frais liés au choix d’une chambre individuelle en maternité, au lit pour le deuxième parent, sont facturés initialement à la femme qui accouche.

Les mères vont donc payer une somme en lien direct avec leur maternité beaucoup plus importante que les pères, ce qui participe aux inégalités financières au sein des couples. 

4. Avec l’arrivée d’un enfant, les mères ont tendance à s’appauvrir, les pères à s’enrichir

On observe que tendanciellement les femmes vont réduire leur temps de travail pour s’occuper de leurs enfants, alors que les pères vont au contraire l’augmenter. Les inégalités de revenus au sein des couples hétérosexuels vont exploser avec l’arrivée d’un enfant.

Selon un sondage de 2019, 47 % des mères ont réduit ou arrêté leur activité professionnelle, contre 6 % des pères, ce qui a pour conséquence une perte de revenus qui pèse principalement sur les femmes. Celles‑ci vont davantage prendre des congés pour enfant malade et s’adapter professionnellement en cas d’aléa du mode de garde. 59 % des mères prennent régulièrement ces congés, contre 25 % des pères. 

Les femmes vont davantage adapter leur activité professionnelle suite à la maternité, quitte à prendre un emploi moins rémunérateur, ou à renoncer à des opportunités professionnelles qu’elles auraient autrement acceptées, pour s’occuper de leur famille, comme le montre une enquête de l’INED de 2020. Parmi les femmes ayant eu un enfant entre 2013 et 2016, 23 % travaillaient à temps partiel avant la naissance en 2013, et 45 % après la naissance en 2016. Pour les pères sur la même période, les chiffres sont de 4 % et 6 %. Ce sont donc les femmes qui en diminuant leur temps de travail, font la variable d’ajustement au sein du couple. L’ensemble de ces phénomènes a des conséquences à court, moyen et long terme dans les inégalités de revenus et de carrière entre les hommes et les femmes. Les femmes sacrifient plus leurs carrières, progressent moins professionnellement, et arrivent à l’âge de la retraite avec des pensions rabotées par des années de sacrifice familial non rémunéré. Ainsi, la retraite des femmes est en moyenne inférieure de 40 % à celle des hommes.

Au contraire, les pères vont davantage augmenter leur temps de travail, notamment le soir et le week‑end, comme le montre une enquête de l’INSEE et de la DARES de 2022, ce qui conduit à une augmentation de leur rémunération. Ainsi, les inégalités de revenu, déjà existantes dans le couple avant l’arrivée d’un enfant, vont s’accentuer en défaveur des femmes.

5. Un congé d’accueil de l’enfant égalitaire permettrait de diminuer les inégalités professionnelles et financières entre les femmes et les hommes

Pour toutes ces raisons, il serait utile de créer un congé d’accueil de l’enfant égalitaire, qui donne le même temps d’accueil de l’enfant aux deux parents. 

Ainsi, dans les recrutements, les jeunes hommes seraient au même titre que les jeunes femmes « soupçonnés » de pouvoir avoir un enfant et donc prendre congé d’accueil de l’enfant. La raison de la discrimination cesserait avec une égalité de traitement entre les deux parents.

Les inégalités professionnelles et financières ne seraient pas effacées pour autant, mais une des causes serait supprimée. Cela participerait à remettre en cause la représentation patriarcale selon laquelle c’est aux femmes de s’occuper des enfants, que celles‑ci ont un salaire « d’appoint », sacrifiable au besoin, alors que c’est aux hommes d’apporter au foyer le revenu principal, et qui s’occuperait de ses enfants en appoint. Cela permettrait aussi aux hommes de pouvoir consacrer plus de temps à leurs enfants, comme nombre d’entre eux le souhaitent et sont empêchés pour des raisons professionnelles et de représentation patriarcale du travail.

Les pertes de revenus différentes liées aux durées différentes des congés maternité et paternité seraient, de fait, supprimées par un congé d’accueil de l’enfant égalitaire et de même durée. 

Mais les inégalités au sein des couples, et singulièrement des couples hétérosexuels, ne sont pas seulement professionnelles et financières. Celles‑ci sont prolongées par des inégalités dans les tâches parentales et domestiques, qui se mettent en place pendant le congé maternité, et aussi à cause de la différence de temps accordé aux pères et aux mères. Dans un cercle vicieux, ces inégalités dans les tâches parentales vont avoir des conséquences professionnelles, et amplifier les inégalités professionnelles et financières préexistantes à l’arrivée d’un enfant. 

C. La différence de temps passé en congé maternité et paternité crée une inégalité parentale qui se pérennise

La différence importante de temps entre le congé maternité et paternité, respectivement de 2,5 et de un mois, en cas de naissance unique sans autres enfants à charge, conduit assez vite à une spécialisation des tâches parentales. Même si les effets de l’allongement du congé paternité de quatorze à vingt‑huit jours en 2021 ne peuvent encore être pleinement mesurés, cette réduction de l’écart ne permet vraisemblablement pas de supprimer les effets de spécialisation, même si cela contribue certainement à les atténuer.

La période de congé obligatoire pour les mères et pour les pères est très différente, puisque le congé obligatoire pour les pères est d’à peine une semaine (trois jours ouvrables + quatre jours calendaires). Les salariés qui subissent le plus un rapport de force dégradé au travail voient le temps passé avec leur enfant réduit à presque rien. Le différentiel de temps passé avec l’enfant est donc très important. 

Même si le père prend l’ensemble de son congé paternité immédiatement après la naissance, dans le cas d’une naissance unique, il passera un mois avec la mère et l’enfant, puis la mère passera 1,5 mois seule avec son enfant si celle‑ci va au bout de son congé maternité, et 2,5 mois si celle‑ci se voit prescrire le maximum du congé « pathologique ».

1. Les mères deviennent le « parent principal » pendant le congé maternité

a) Les pères ont moins de temps que les mères pour apprendre les soins liés à l’enfant à cause d’un congé plus court

Si on se place dans le cadre d’un couple hétérosexuel qui accueille un premier enfant, et où le père prend l’entièreté de son congé paternité, passé le premier mois de vie de l’enfant, où le père et la mère s’occupent ensemble de l’enfant, c’est la mère qui va assumer seule les soins de l’enfant, pendant que le père repart travailler. Ainsi, la durée différente des deux congés instaure un « parent principal », la mère qui a accouché, qui reste avec l’enfant, et un parent « secondaire » ou « auxiliaire », le père ou le conjoint ou la conjointe de la mère. Cette situation crée aussi une inégalité entre les deux mères dans les couples de femmes qui accueillent un enfant.

Si le père ne prend que le congé obligatoire, à peine plus d’une semaine, il n’aura que très peu de temps pour faire cet apprentissage. S’il prend les vingt‑huit jours, il aura un peu plus de temps, mais toujours beaucoup moins que la mère. Même si celui‑ci entend s’occuper de son enfant et est volontaire pour le faire, son apprentissage de la parentalité sera freiné par un temps moindre pour s’occuper de l’enfant. Dans les situations difficiles, telles que les pleurs des enfants, il est plus aisé de laisser la tâche complexe au parent qui sait le mieux faire, donc la mère. Or, à partir du deuxième mois, c’est‑à‑dire le moment de la reprise du travail après un congé paternité, de nombreux enfants ont des épisodes de « pleurs du soir » à partir de 18 heures, ce qui correspond fréquemment au moment du retour du travail. 

La mère qui a accouché a donc plus de temps pour apprendre comment s’occuper de l’enfant. Elle va ainsi savoir s’occuper seule de la vie quotidienne de l’enfant, du changement de couches aux repas, particulièrement en cas d’allaitement, mais aussi pour les biberons le cas échéant, les horaires des siestes, la façon de calmer ou d’endormir l’enfant, la gestion du linge et l’évolution de la taille de vêtements de l’enfant, etc. Le père, lui, aura moins de temps, et souvent très peu de moments pour s’occuper seul de l’enfant. 

b) Les représentations patriarcales préparent les filles à assumer la charge d’enfants, et laissent les garçons sans apprentissage des soins liés à un enfant

La répartition des rôles et des tâches au sein du couple n’est pas uniquement une affaire de choix de familles. On observe que la répartition genrée des tâches dans les couples hétérosexuels émane de représentations patriarcales de la société.

Il est très fréquent que les filles, dès leur plus jeune âge, soit « préparées » à un futur rôle de mère qui s’occupe d’enfants au travers de jeux, d’histoires, de récits et de représentations, ou simplement de l’exemple de sa propre famille, ce qui n’est pas le cas des garçons. Les enfants de l’entourage vont plus facilement être confiés aux jeunes filles qu’aux jeunes garçons, celles‑ci vont plus couramment prendre des petits boulots de garde d’enfants le soir. Aussi, quand les femmes décident d’être mères elles‑mêmes, elles ont, pour nombre d’entre elles, déjà fait un apprentissage plus ou moins complet des tâches liées à la parentalité.

Alors que les garçons sont beaucoup moins incités par la société à s’intéresser à ces sujets, nombre d’entre eux se sentent, quand ils deviennent pères, particulièrement démunis parce que rien ne les a vraiment préparés à prendre soin d’un enfant. Même si la société évolue, et que de plus en plus de pères veulent prendre une part égale à celle des mères dans l’éducation de leurs enfants, ces derniers n’arrivent souvent pas au même niveau de connaissance à la naissance de l’enfant. 

La différence de temps passé en congé auprès de l’enfant contribue à amplifier et conforter le différentiel initial. Même si les situations personnelles des futurs parents sont très diverses, on observe que de nombreux pères, étant peu informés et peu expérimentés, sous‑estiment leurs compétences parentales, et comme ils ont peu de temps avec leur enfant, ne parviennent pas à prendre confiance en eux. Au contraire de nombreuses mères, même si dans les faits elles n’ont pas beaucoup d’expérience ou de connaissance liées à la parentalité, sont incitées à la fois par les représentations patriarcales, et par le temps supplémentaire qui leur est accordé, à faire comme si elles savaient toujours ce qu’il faut faire pour leur enfant.

Cet état de la société qui crée un différentiel important de compétence et de sentiment de compétence entre les femmes et les hommes, aurait dû logiquement conduire, si on se donne comme objectif l’égalité entre eux, à donner davantage de temps aux pères pour apprendre à s’occuper de leur enfant. Or, malgré une augmentation récente du congé « paternité », le différentiel reste significatif. La présente proposition de loi vise donc à supprimer ce différentiel pour laisser le temps aux pères de faire leur apprentissage parental, et de prendre confiance en eux.

A l’heure actuelle, la mère devient fréquemment au cours de son congé maternité le parent « principal », celui qui sait et qui fait, celui qui sera contacté en cas d’urgence, celui auquel s’adressera préférentiellement le corps médical, l’institution scolaire. Le père, du fait de la reprise du travail, devient le parent « auxiliaire », qui aide la mère, et suit ses instructions. La charge mentale liée à l’enfant se met en place, et va fréquemment se pérenniser, par choix ou par inertie.

Toutes les dynamiques de couples parentaux existent, et tous les enfants ont plus ou moins de difficultés de santé, de sommeil, d’alimentation, etc. Mais cette diversité des cas et des organisations au sein des couples ne relève pas seulement de l’intime, des décisions personnelles et des choix de famille. Car quand la société décide qu’à un mois de vie de l’enfant, le parent qui n’a pas accouché doit reprendre le travail, laissant la mère seule avec son enfant la journée, c’est un choix politique qui a des conséquences sur la vie des familles. 

2. La charge médicale des mères s’instaure dès le congé maternité

La mise en place de la charge mentale et financière liée aux soins de santé est emblématique de ce qui se joue pendant le congé maternité.

Puisque la mère est en congé maternité plus longtemps que le père, c’est elle qui va prendre l’habitude de prendre les rendez‑vous médicaux pour l’enfant, et l’y emmener. Il y a plusieurs rendez‑vous obligatoires de suivi de la santé de l’enfant qui doivent être pris pendant la période de congé maternité. C’est donc la mère qui va devoir identifier et choisir le médecin qui va faire le suivi, et apprendre les éléments en lien avec la santé de l’enfant lors des rendez‑vous. Le père, qui sort de congé paternité, va plus difficilement pouvoir ou vouloir s’absenter de son travail et s’y rendre quand il s’agit de rendez‑vous en journée.

La charge mentale liée au suivi médical, assumée par la mère, s’instaure dès le congé maternité, puis a tendance à se pérenniser. 

La plateforme de rendez‑vous médicaux Doctolib a estimé en 2021 que 81 % des rendez‑vous médicaux pris pour un enfant mineur par son intermédiaire a été pris par une femme, contre 19 % par des hommes. Une enquête d’Opinionna de 2022 a montré que 67 % des mères estiment qu’elles sont le « parent principal » qui s’occupe de toutes les tâches relatives au suivi médical des enfants. Ce phénomène est plus marqué pour les CSP+ où il s’agit de 82 % des femmes. Le coût du suivi médical des enfants incombe souvent, de ce fait, aux mères, ce qui participe des inégalités financières au sein du couple. En effet, selon le même sondage, 12 % des femmes consacrent plus de 100€ par mois pour les dépenses de santé, contre 9 % chez les hommes.

Ainsi, dans la répartition des dépenses au sein du couple, on observe que les femmes vont prendre en charge des dépenses qui ne permettent pas d’accumuler du capital (comme par exemple les dépenses médicales des enfants), alors que les hommes vont davantage prendre en charge des dépenses qui permettent d’accumuler du capital (emprunt lié à une voiture ou à une maison par exemple). En conséquence, la charge médicale qui commence pendant le congé maternité alors que le père a repris le travail, va avoir tendance à se pérenniser en charge mentale durable pour les femmes, et en charge financière « à perte ».

3. Avec l’arrivée d’un enfant, les mères vont prendre en charge davantage de travail domestique et parental, les pères en prendre moins en charge

Concernant le travail domestique et parental, toutes les études montrent une explosion des inégalités au sein des couples hétérosexuels avec l’arrivée d’un enfant, même dans les couples où initialement le partage des tâches était relativement équilibré.

Ainsi, une étude de l’INSEE de 2010 a montré que le temps moyen de travail domestique des mères augmente de 5h avec l’arrivée d’un enfant, pour passer à 34h hebdomadaires, au contraire, les hommes vont en moyenne travailler 2h de moins pour le foyer, pour une moyenne de 18h. La même étude montre que plus les pères ont d’enfants, moins ils se consacrent aux tâches domestiques et parentales, alors que les femmes voient leur temps consacré à ces tâches décupler. Ainsi, les hommes sans enfant consacrent 116 minutes quotidiennes en moyenne aux tâches domestiques, pour 170 pour les femmes sans enfant. Pour les hommes qui ont un enfant, ils consacrent 147 minutes en travail domestique et parental, contre 264 pour les femmes dans la même situation. Pour les hommes qui ont trois enfants et plus, ils consacrent en moyenne 139 minutes au travail domestique et parental, contre 325 pour les femmes. Cette quantification moyenne ne tient pas compte de la nature des tâches, puisqu’il est également établi que les hommes participent davantage aux tâches valorisantes (bricolage par exemple) qu’aux tâches dévalorisantes (linge, vaisselle, ménage par exemple).

C’est autant de travail gratuit qui est assumé par les femmes, ce qui renforce les inégalités au sein du couple. Ainsi, si la quantité de travail total au sein du couple augmente avec l’arrivée d’un enfant, tandis que les hommes ont une tendance légère à augmenter le travail rémunéré, les femmes ont, elles, une tendance nette à augmenter le travail gratuit et invisible et à diminuer le travail rémunéré.

4. La création d’un congé d’accueil de l’enfant égalitaire contribuerait à l’égalité au sein de la famille

Pour toutes ces raisons, il serait particulièrement utile d’instaurer un congé d’accueil de l’enfant égalitaire pour les deux parents. Avoir un temps égal permet aux deux parents de faire le même apprentissage en même temps, et contribue à éviter l’apparition d’un parent principal et d’un parent auxiliaire. C’est d’autant plus important pour les hommes qui sont moins préparés que les femmes à la réalité concrète d’une possible paternité, notamment du fait des stéréotypes sociaux et éducatifs. 

Cette égalité de traitement des parents contribuerait certainement à réduire les stéréotypes de genre dans la société, tout particulièrement pour les enfants élevés ainsi par leurs deux parents, dans le cadre d’un couple hétérosexuel, qui trouveront parfaitement normal qu’un père change la couche de son enfant, ou lui prépare à manger, ou qu’une mère rentre plus tard le soir parce qu’elle a une réunion professionnelle et que le père s’occupe seul de l’enfant en son absence.

Le congé d’accueil de l’enfant égalitaire permettrait une meilleure répartition de la charge domestique et parentale au sein des couples, que cela soit en termes quantitatifs (le temps consacré), et en termes qualitatifs (la nature des tâches accomplies). Il participerait à la réduction des inégalités de répartition de la charge mentale liée aux enfants, puisque les deux parents sauraient en même temps de quoi ils doivent se soucier pour leur enfant.

Cette meilleure répartition des tâches au sein de la famille, facilitée par le congé d’accueil de l’enfant égalitaire, contribuerait, en outre, à la réduction des inégalités professionnelles et financières entre les hommes et les femmes. En effet, les pères trouveraient plus facilement normal de prendre les congés enfant malade, s’ils se sentent plus capables de s’occuper seuls de leur enfant, et assumeraient davantage les aléas liés à la garde. Les mères pourraient donc ne plus avoir à prendre en charge la quasi‑totalité de ces aléas de garde, ce qui pèserait moins sur leur développement professionnel, et leur permettrait davantage de rechercher des opportunités et promotions qui les intéressent, en étant moins entravées par leur maternité.

Les hommes, plus conscients de ce qui est nécessaire à leur enfant, plus investis dans leur éducation seraient plus portés à prendre en charge financièrement ce qui concerne leur enfant, et ces dépenses, qui n’accumulent pas de capital, seraient mieux réparties au sein du couple : achat de vêtements, de jouets, règlement des frais de santé, etc. 

Les siècles de représentations genrées des rôles familiaux ne pourront pas être effacés par cette seule mesure, mais elle donnerait l’opportunité à tous les couples d’accueillir mieux leur enfant, et contribuerait à créer une représentation plus égalitaire des rôles parentaux. Ainsi, la famille et la société ont tout à gagner de la création d’un congé d’accueil de l’enfant égalitaire, qui permette aux deux parents d’être auprès de leur enfant. 

Les mères ont beaucoup à gagner à la création de ce congé égalitaire. Donner des droits égaux aux pères et aux mères est une mesure féministe, puisqu’elle décharge les mères d’une partie de ce qui sinon reposerait entièrement sur elle. Et la période du postpartum est un moment où les mères ont tout particulièrement besoin d’être déchargées et soutenues, pour se remettre de leur grossesse et de leur accouchement.

D. La mère a besoin de soutien pour se remettre de sa grossesse et de son accouchement pendant son congé maternité

Après la naissance de leur enfant, de nombreuses femmes constatent que si pendant la période de leur grossesse elles bénéficiaient d’un suivi médical et d’une attention accrue de la part des proches et de la société, cela a tendance à cesser, ou du moins à s’amoindrir, après la naissance. Comme le résume bien la formule suivante : « bonjour bébé, au revoir maman ».

Pourtant, les mères peuvent garder des séquelles de leur grossesse et de leur accouchement, et tout n’est pas « terminé » à la naissance. Le congé maternité n’a pas uniquement pour but de permettre à la mère de s’occuper de l’enfant. Il a aussi pour but de permettre à la mère de se remettre de cette période à tout le moins marquante, et parfois traumatisante. 

En effet, les femmes ne sont pas égales face à la naissance et à la période du postpartum. Certaines vont se remettre assez vite d’une grossesse et d’un accouchement sans difficulté. D’autres vont vivre pendant longtemps avec les conséquences physiques et ou psychiques de cette période. 

1. Un accouchement peut avoir des conséquences importantes pour la santé de la mère

Toutes les femmes vont connaître des conséquences physiques normales liées à leur accouchement, même lorsque celui‑ci s’est déroulé sans difficulté particulière, et la plupart vont connaître des désagréments (cicatrice douloureuse, hémorroïdes, etc.) qui vont plus ou moins affecter leur bien‑être. Face à cela, il est important de pouvoir avoir de l’aide afin de surmonter ces désagréments au mieux. 

La « délivrance » (l’expulsion du placenta) est la fin de l’accouchement à proprement parler. Mais tout n’est pas terminé pour la mère, qui va connaître des « tranchées », des contractions de l’utérus pour reprendre sa taille d’avant la grossesse, qui peuvent durer une semaine. Ces contractions peuvent être très douloureuses, et ont tendance à être plus fortes pour les mères qui ont déjà accouché précédemment. Certaines femmes les ressentiront pendant 2 à 3 semaines. Les femmes sont inégales face à ces douleurs, certaines ne les ressentiront qu’à peine, pour d’autres elles seront très vives et handicapantes. 

Il peut arriver des complications pendant la période de suites de couches, qui nécessiteront un suivi médical, comme une infection de l’utérus après l’accouchement, ou une thrombose veineuse par exemple. En cas de complications, il est donc particulièrement important que l’autre parent puisse s’occuper de l’enfant, surtout si ces complications sont graves et nécessitent une hospitalisation de la mère. 

Certains accouchements sont particulièrement difficiles, longs, éprouvants, et vont laisser des blessures physiques importantes : déchirures, épisiotomie, césarienne, hémorragie de la délivrance par exemple.

Certaines femmes vont avoir des difficultés et des douleurs considérables pour s’asseoir pendant les semaines suivant leur accouchement. Celles qui ont accouché par césarienne vont devoir avoir une vigilance accrue liée à la cicatrice, avec souvent des douleurs. Celles qui ont perdu beaucoup de sang vont être affaiblies considérablement.

Pour de nombreuses femmes, les jours voire les semaines suivant l’accouchement peuvent être particulièrement difficiles d’un point de vue physique, où le moindre geste de la vie quotidienne, y compris se mettre debout, marcher quelques pas ou s’asseoir, est difficile, fatiguant et douloureux. Dans ces conditions, s’occuper d’un nouveau‑né qui a besoin d’une attention de tous les instants n’est pas chose aisée. Aussi, une reprise précoce du travail du second parent est particulièrement difficile pour les mères qui ont des suites de couches complexes et douloureuses. 

A court et moyen terme, de nombreuses femmes vont être concernées par des problèmes de santé liés à l’accouchement, tels que des lombalgies, des cas d’incontinence urinaire ou anale, douleurs du périnée. Une étude du Lancet de 2023 montre qu’un tiers des femmes ont un problème de santé après un accouchement. D’après l’enquête nationale périnatale de 2021, un quart des femmes déclarent à deux mois présenter encore des douleurs physiques liées à l’accouchement, c’est‑à‑dire longtemps après la reprise du travail de l’autre parent.

2. De nombreuses femmes souffrent de difficultés psychiques après l’accouchement

a) La plupart des mères passent par un babyblues

Entre 50 % et 80 % des femmes ayant accouché vont être concernées par le « baby‑blues ». Cet état émotionnel se caractérise par une irritabilité, des sautes d’humeur, de l’anxiété, des pleurs incontrôlés. Cet état est normalement transitoire et passe en deux semaines. Il est lié à la chute brutale des hormones de la grossesse, à la fatigue résultant de l’accouchement et des premiers jours de vie de l’enfant mais aussi à la complexité émotionnelle que ressent la mère face à l’arrivée de son enfant.

La plupart des mères parviennent à sortir de cet état sans traitement particulier, grâce à un entourage présent et valorisant les compétences maternelles.

b) Un tiers des mères jugent leur accouchement traumatisant

L’accouchement lui‑même peut être vécu comme un traumatisme, même quand d’un point de vue médical tout s’est bien passé. Ce traumatisme peut aussi être lié à un accouchement particulièrement difficile, long, douloureux, ayant nécessité une intervention instrumentale, voire une césarienne en urgence. Selon une étude de 2020, les éléments de nature traumatisante seraient dans « 27 % des cas liés au bébé (complications néonatales, séparation), dans 36 % des cas liés aux événements obstétricaux (douleur, manœuvres obstétricales) et, enfin, dans 36 % des cas liés aux relations interpersonnelles (sentiment d’être ignorée, mise sous pression, abandonnée) ».

Ce traumatisme est parfois lié à une mauvaise prise en charge de la douleur, l’impression de perdre complètement le contrôle, parfois aussi à un manque ou une communication difficile avec l’équipe médicale. Ainsi, des gestes pratiqués sans explication ni le consentement de la personne, comme une épisiotomie, peuvent aussi être particulièrement traumatisants, en plus du fait que ces pratiques soient illégales. Les violences obstétricales participent à nombre de traumatismes liés à l’accouchement.

De 3 à 6 % des mères souffriraient même de troubles du stress post‑traumatique. Ce trouble post‑traumatique peut également affecter le ou la conjointe ayant assisté à l’accouchement. Environ 30 % des mères auraient au moins un des symptômes du stress post‑traumatique lié à l’accouchement.

Ce traumatisme peut avoir des répercussions sur le lien avec l’enfant. Des parents peuvent avoir des comportements d’évitement avec l’enfant, dont la présence rappelle le traumatisme, souffrir de détachement émotionnel, ou au contraire d’hypervigilance. Des études ont montré que les enfants dont un parent souffre de stress post traumatique lié à l’accouchement sont plus susceptibles d’avoir des difficultés socioaffectives, ou encore des problèmes de sommeil, à l’âge de deux ans.

c) Un cinquième des mères souffre de dépression postpartum

Quand les difficultés psychiques du babyblues se pérennisent, on parle de dépression post‑partum. 10 à 20 % des mères seraient concernées. D’après l’enquête nationale périnatale de 2021, 17 % des femmes ont estimé que la période entre la naissance et les deux mois après l’accouchement a été perçue comme difficile ou très difficile. 

Le site de la Sécurité sociale Ameli.fr précise que « ce trouble associe une tristesse intense et inexpliquée, une labilité émotionnelle, des troubles du sommeil, des croyances négatives avec un sentiment de culpabilité, une perte d’intérêt pour le nourrisson, une dépréciation de ses compétences maternelles, voire des idées suicidaires. » Il précise également les difficultés de diagnostic puisque celle‑ci peut prendre des formes « atypiques, la [personne] pouvant se retrancher derrière le « j’ai tout pour être heureuse ». »

Les facteurs favorisant la dépression postpartum sont par exemple des conditions de vie difficiles (solitude, conflits conjugaux, soutien conjugal insuffisant ou inadéquat), des difficultés lors de l’accouchement, des problèmes de santé de la mère, ou encore une séparation mère‑enfant lorsque le bébé présente des problèmes de santé (enfant hospitalisé, etc.) toujours selon les informations données par le site de la Sécurité sociale. 

d) La prévention de la dépression postpartum nécessite que la mère ne soit pas seule à s’occuper de l’enfant

Face à cela, il est conseillé notamment de préserver le sommeil, d’avoir une bonne implication du conjoint, de la conjointe ou d’un proche pour la gestion des nuits, d’éviter l’isolement, d’avoir un bon équilibre alimentaire, ou encore d’avoir une pratique régulière d’une activité physique adaptée.

Toutefois ces mesures qui ont l’air simple, sont particulièrement difficiles à mettre en œuvre pour une jeune mère en congé maternité, et dont le conjoint ou la conjointe a repris le travail. Comment celui‑ci pourrait‑il s’impliquer davantage, s’il est contraint de reprendre le travail ? Comment préserver son sommeil, quand on a un nourrisson à prendre en charge et qui, sauf exception, ne va pas « faire ses nuits » pendant la durée du congé maternité ? Comment avoir un bon équilibre alimentaire, quand même sortir faire des courses est compliqué avec un nourrisson, tout particulièrement en période hivernale ou caniculaire, sans parler de se ménager le temps de faire la cuisine ? Comment avoir une activité physique quelconque, quand on n’a personne à qui confier son nourrisson, et que les rares répits permis par les siestes du bébé, quand celui‑ci a un sommeil régulier, sont déjà consacrés à la gestion du quotidien, à l’hygiène de base, aux tâches ménagères essentielles ou au repos nécessaire pour compenser les nuits courtes ?

Face à ces difficultés inhérentes aux débuts de la vie d’un enfant, les mères ne sont pas égales. Celles qui bénéficient d’un entourage proche géographiquement et aidant vont pouvoir être soulagées de certaines tâches du quotidien. Celles qui ont des moyens financiers conséquents vont pouvoir être aidées en payant une personne pour les aider à faire le ménage ou la lessive, ou encore faire garder leur enfant quelques heures de façon à avoir un peu de répit. Certaines familles vont avoir l’opportunité de rémunérer une « nounou de nuit » afin d’être soulagées de temps en temps des nuits difficiles d’un nourrisson. Mais celles qui sont isolées géographiquement et sans moyens financiers suffisants vont devoir affronter seules les difficultés matérielles et leur difficulté psychique personnelle du postpartum

Le risque de suicide des jeunes mères n’est pas à négliger : celui‑ci est la première cause de mortalité du postpartum constatée dans une étude portant sur la période 2013‑2015 (13,4 % des décès). D’après une étude de 2022, « Les différents facteurs de risque retrouvés en France [sont] notamment : la précarité, l’isolement, des évènements de vie douloureux, des antécédents psychiatriques et des complications pendant la grossesse ou l’accouchement. Les données nationales et internationales montrent également qu’une grande part de ces décès serait évitable ». L’enquête nationale périnatale de 2021 indique que parmi les femmes ayant accouché deux mois plus tôtenviron 1 sur 20 a des idées suicidaires.

Aussi la création d’un congé d’accueil de l’enfant égalitaire permettrait au conjoint ou à la conjointe de participer de la même manière que la mère aux charges matérielles liées à l’arrivée d’un enfant. Cela éviterait que tout repose sur une même personne, déjà possiblement fragilisée par une grossesse et/ou un accouchement difficile. En s’assurant de la présence de deux parents aux côtés du nourrisson, il serait beaucoup plus aisé pour les mères de respecter l’hygiène de vie conseillée qui permet de prévenir autant que possible l’apparition de la dépression postpartum.

e) La prise en charge de la dépression postpartum a un coût financier

Si la dépression postpartum nécessite un suivi psychologique, depuis avril 2022, les personnes peuvent bénéficier du dispositif Mon soutien psy : il s’agit de séances avec un psychologue conventionné, remboursées par l’Assurance Maladie, dans le cadre d’un parcours de soins sur adressage d’un médecin. Il faut d’abord consulter un médecin, qui adresse à un psychologue qui fait un entretien d’évaluation. Celui‑ci est remboursé à hauteur de 40€. Ensuite, 7 séances de suivi peuvent être prises en charge par l’Assurance maladie à hauteur de 30€ / séance par année civile. Le taux de remboursement est de 60 %, les 40 % restants pouvant être pris en charge par une mutuelle, ou par la patiente.

Toutefois, la prise en charge nécessite un parcours de soin qui peut relever du parcours du combattant pour une mère avec un nourrisson à charge exclusive, qui plus est en souffrance psychique. Par ailleurs, pour les mères vivant dans des déserts médicaux, les délais d’attente pour consulter un médecin puis prendre rendez‑vous chez un psychologue conventionné peuvent être conséquents, ou occasionner des difficultés matérielles pour se déplacer avec un nourrisson. Il convient ainsi de noter que le nombre de psychologues conventionnés dans le cadre du dispositif Mon Soutien Psy reste très faible : seuls 2 250 psychologues libéraux (soit 7 %) ont adhéré au dispositif. Le reste à charge pour les personnes sans mutuelle et avec des moyens limités peut être exorbitant. Pour l’accès direct à des séances de psychothérapie, sans passer par ce parcours, le coût des séances est supporté par les mères, à l’exception de ce qui est pris en charge par la mutuelle si celle‑ci en dispose. Il en résulte un coût thérapeutique conséquent à la charge des mères. 

Les personnes souffrant de dépression post‑partum peuvent en outre se tourner vers les centres médico‑psychologiques (CMP) pour une prise ambulatoire en charge des troubles psychiques. Néanmoins, le manque criant de moyens, encouragé par les politiques néolibérales des gouvernements successifs, entraîne des délais considérables d’accès à ces dispositifs. En 2020, l’Inspection générale des affaires sociales relevait ainsi que les personnes pouvaient attendre jusqu’à un mois pour obtenir un premier rendez‑vous en CMP, puis jusqu’à trois mois entre ce premier rendez‑vous et le rendez‑vous médical. La tendance s’est aggravée depuis la crise du Covid‑19 avec la hausse des troubles psychiques.

f) Le conjoint ou la conjointe peuvent aussi être affectés par un épisode dépressif lié à la naissance

Il est à noter que dans 10 % des cas, le conjoint ou la conjointe de la personne qui accouche peut également souffrir d’une dépression après la naissance de leur enfant. Selon les informations données par le site de la caisse d’Allocations familiales, cette difficulté apparaît souvent plus tardivement que pour les mères, avec un pic dans les trois à six mois après la naissance. « Cependant, les symptômes dépressifs sont généralement moins apparents chez les pères que chez les mères, explique le docteur Florence Gressier, psychiatre responsable de l’unité de psychiatrie périnatale du service de psychiatrie à l’hôpital Bicêtre, cité par la CAF. Les pères peuvent manifester un retrait social, une indécision, une peur et une irritabilité plus importante. » Le site précise que la consommation d’alcool, de drogues, l’augmentation des conflits conjugaux sont d’autres symptômes qui peuvent alerter.

La dépression postpartum de la mère est un des facteurs de risques de l’apparition d’une dépression paternelle. Aussi, la prévention de la dépression post‑partum maternelle participe de la prévention de l’apparition de la dépression chez son conjoint ou sa conjointe. La prise en charge de ce trouble est d’autant plus difficile que le sujet est peu connu, presque tabou, et que si l’accompagnement des mères peine à se mettre en place, celui des pères est encore plus méconnu. Ceux‑ci peuvent se tourner vers les PMI, les centres de Protection Maternelle et Infantile, mais cela est d’autant moins intuitif que même dans leur dénomination, ils ne semblent s’adresser qu’aux mères. 

La prévention, et le cas échéant le traitement, de la dépression intervenant à la suite de la naissance, que ce soit chez la mère ou le père est de première importance non seulement pour les personnes concernées, mais aussi pour les enfants. En effet, une telle dépression peut avoir des conséquences importantes sur la mise en place de la relation entre le parent et son enfant, et affecter le développement psychoaffectif du bébé, ainsi que sur son développement moteur. 

Ainsi, les raisons pour lesquelles une mère a besoin de temps et de soins pour se remettre de sa grossesse et de son accouchement sont nombreuses. Qu’elles soient physiques ou psychiques, les conséquences de la grossesse et de l’accouchement sont plus difficiles à vivre et à soigner quand la mère est rapidement seule pour s’occuper de son nouveau‑né. Pour pouvoir se préoccuper d’elle‑même, encore faut‑il pouvoir cesser de se préoccuper un instant du bébé et avoir une autre personne qui peut s’en occuper. La création d’un congé d’accueil de l’enfant égalitaire permettrait donc de garantir aux mères de pouvoir compter sur leur conjoint ou leur conjointe, pour s’occuper d’elles et du bébé. Cela est d’autant plus vrai s’il y a d’autres enfants vivant dans le foyer qui ont eux aussi besoin de leurs parents. Avoir un congé égal pour les deux parents, c’est aussi donner du temps et l’opportunité aux mères de se soigner, de se faire prendre en charge, d’aller à des rendez‑vous médicaux pour elles et pas seulement pour leurs enfants. Cela est donc bénéfique non seulement pour elles, mais aussi pour les enfants qui ont une mère en meilleure santé physique et/ou psychique, et donc pour toute la famille.

E. La création de congés d’accueil de l’enfant égalitaires bénéficierait aux enfants, aux familles et à la société

Les raisons sont nombreuses pour que les congés liés à la naissance d’un enfant soient de même durée pour les deux parents. Par ailleurs, il est bien entendu qu’une personne qui choisit, ou qui se retrouve en situation d’élever seule un enfant peut parfaitement créer un cadre sécurisant et adéquat pour permettre le bon développement d’un enfant ; le pourra d’autant plus facilement si la société lui donne la possibilité de disposer de plus de temps pour le faire ou d’être accompagnée pendant la grossesse et l’arrivée de l’enfant. 

Il est enfin une raison principale qui justifie la création de ces congés de même durée, qui est le bien‑être de l’enfant lui‑même. En effet, les enfants ont tout à gagner à avoir deux parents disponibles, qui se sentent confiants dans leurs compétences parentales, et qui sont en meilleure santé physique et psychique.

Passer plus de temps avec ses parents est bénéfique pour l’enfant qui va créer précocement des liens affectifs forts et sécures avec eux. L’enfant a tout à gagner à ce que le couple parental soit égalitaire et également disponible physiquement et psychiquement. C’est dans sa relation aux personnes qui s’occupent de lui que l’enfant va trouver les éléments de son bien‑être et de son sentiment de sécurité.

Cette présence va contribuer à créer un cadre de vie stable et sécurisant pour l’enfant, faciliter la réponse à ses besoins physiologiques et émotionnels, et participer à son développement comme personne. A partir de cet attachement précoce, va pouvoir se nouer une relation de confiance avec ses parents, puis progressivement prendre confiance en lui et être capable de faire confiance aux autres. L’enfant qui se sent aimé et entouré va développer une bonne estime de lui‑même. Les parents plus disponibles vont pouvoir plus facilement interagir avec leur enfant, ce qui est nécessaire pour ses apprentissages et son bon développement, par le jeu, le chant, la parole des parents. La présence parentale va permettre aussi le développement émotionnel et affectif de l’enfant, ce qui sera le socle de ses apprentissages sociaux en dehors de la famille.

Ce qui se noue pendant les premiers mois de la vie de l’enfant va importer pour son développement futur. Aussi, il semble déterminant pour le bien‑être du bébé de protéger ses premiers mois de vie en garantissant la présence de ses parents auprès de lui ou d’une personne de confiance pour accompagner le parent isolé dans l’accueil de l’enfant.

L’article premier vise à créer une égalité dans le couple de parents en modifiant le code du travail. L’autorisation d’absence est étendue à tous les examens médicaux obligatoires pour l’autre parent, alors que celle‑ci était limitée à trois au maximum jusqu’à présent. Il est créé un congé d’accueil de l’enfant permettant au père salarié ou la personne salariée étant conjointe, concubine ou vivant maritalement avec la mère ou la personne salariée liée à elle par un pacte civil de solidarité de bénéficier d’un congé de même durée que celui de la mère. Ces deux congés sont concomitants. Leur durée minimale obligatoire est identique ainsi que leurs conditions de rémunération. En cas de naissances multiples, lorsque, avant l’accouchement, le foyer assume déjà la charge de deux enfants et lorsque l’accouchement intervient avant la date présumée, les conditions spécifiques du congé maternité s’appliquent au congé d’accueil de l’enfant.

L’article 2 tire les conséquences sémantiques et légistiques au sein du code de la sécurité sociale.

L’article 3 applique ces mêmes dispositions au sein du code général de la fonction publique.

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PROPOSITION DE LOI

Article 1er

Le code du travail est ainsi modifié :

1° L’avant‑dernier alinéa de l’article L. 1225‑16 est ainsi modifié :

a) Les mots : « à trois de ces » sont remplacés par les mots : « à tous ces » ;

b) À la fin, les mots : « au maximum » sont supprimés ;

2° À l’intitulé de la section 2 du chapitre V du titre II du livre II de la première partie, les mots : « de paternité et » sont supprimés ;

3° L’article L. 1225‑35 est ainsi modifié : 

a) Les quatre premiers alinéas sont remplacés par trois alinéas ainsi rédigés :

« Le père salarié ou la personne salariée étant conjointe, concubine ou vivant maritalement avec la mère ou la personne salariée liée à elle par un pacte civil de solidarité bénéficie d’un congé d’accueil de l’enfant. 

« Ce congé d’accueil de l’enfant est accordé au salarié en même temps et pour une durée équivalente au congé maternité de la mère mentionné à l’article L. 1225‑17.

« Le congé d’accueil de l’enfant entraîne la suspension du contrat de travail. Le salarié avertit l’employeur du motif de son absence et de la date à laquelle il entend y mettre fin. » ;

b) Au dernier alinéa, le mot : « quatre » est remplacé par le mot : « trois » ;

4° L’article L.1225‑35‑1 est ainsi modifié :

a) Le premier alinéa est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :

« Il est interdit d’employer le salarié pendant une période de huit semaines au total avant et après l’accouchement de la mère. 

« Il est interdit d’employer le salarié dans les six semaines qui suivent l’accouchement de la mère. » ;

b) Au dernier alinéa, le mot : « troisième » est remplacé par le mot : « deuxième » ;

5° Après l’article L. 1225‑35‑1, il est inséré un article L. 1225‑35‑1‑1 ainsi rédigé :

« Art. L.12253511. – Lorsque des naissances multiples sont prévues, les dispositions prévues à l’article L. 1225‑18 s’appliquent au congé d’accueil de l’enfant.

« Lorsque, avant l’accouchement, le foyer assume déjà la charge de deux enfants, les dispositions prévues à l’article L. 1225‑19 s’appliquent au congé d’accueil de l’enfant.

« Lorsque l’accouchement intervient avant la date présumée, le congé d’accueil de l’enfant peut être prolongé jusqu’au terme, selon le cas, des seize, vingt‑six, trente‑quatre ou quarante‑six semaines de suspension du contrat auxquelles le salarié a droit, en application des articles L. 1225‑35 et L. 1225‑35‑1. » 

6° Au premier alinéa de l’article L. 1225‑35‑2, les mots : « de paternité et » sont supprimés ;

7° L’article L. 1225‑36 est ainsi modifié :

a) Les mots : « de paternité et » sont supprimés.

b) Sont ajoutés deux alinéas ainsi rédigés :

« En l’absence d’accord collectif de branche ou d’entreprise déterminant des garanties d’évolution de la rémunération des salariés pendant le congé d’accueil de l’enfant au moins aussi favorables que celles mentionnées à l’article L.1225‑26, ces dispositions s’appliquent.

« Le salarié qui reprend son activité à l’issue d’un congé d’accueil de l’enfant a droit à l’entretien professionnel mentionné au I de l’article L. 6315‑1. » ;

8° Le 3° des articles L. 3142‑1 et L. 3142‑4 est abrogé.

Article 2

Le titre III du code de la sécurité sociale est ainsi modifié :

1° Le livre III est ainsi modifié :

a) À l’intitulé, les mots : « de paternité et » sont supprimés ; 

b) À l’intitulé du chapitre 1er, les mots : « de paternité et » sont supprimés ;

c) L’intitulé de la section 4 du même chapitre 1er est ainsi rédigé : « Congé d’accueil de l’enfant » ;

2° L’article L. 331‑8 est ainsi modifié :

a) Les deux premiers alinéas sont remplacés par un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsqu’il exerce son droit à congé prévu à l’article L. 1225‑35 du code du travail, l’assuré reçoit, pour une période commençant simultanément à celle du congé maternité de la mère, l’indemnité journalière mentionnée à l’article L. 331‑3 du présent code dans les mêmes conditions d’ouverture de droit, de liquidation et de service, sous réserve de cesser toute activité salariée ou assimilée durant la période d’indemnisation et au moins pendant huit semaines. » ;

b) Au troisième alinéa, les mots : « de paternité et » sont supprimés ;

2° Après le même article L. 331‑8, sont insérés des articles L. 331‑8‑1 à L. 331‑8‑3 ainsi rédigés :

« Art. L. 33181. – Lorsque des naissances multiples sont prévues, les dispositions relatives à la durée d’indemnisation prévues à l’article L. 331‑3 s’appliquent au bénéficiaire du congé d’accueil de l’enfant.

« Quand l’accouchement a lieu avant la date présumée, la période d’indemnisation de seize ou de trente‑quatre semaines, quarante‑six semaines en cas de naissance de plus de deux enfants n’est pas réduite de ce fait. 

« Quand l’accouchement intervient plus de six semaines avant la date initialement prévue et exige l’hospitalisation postnatale de l’enfant, la période pendant laquelle l’intéressé perçoit l’indemnité journalière de repos est augmentée du nombre de jours courant de la date effective de l’accouchement au début de la période de repos mentionnée aux alinéas précédents et à l’article L. 331‑8‑2.

« Art. L. 33182. – Lorsque le ménage assume déjà la charge d’au moins deux enfants dans les conditions prévues aux premier et quatrième alinéas de l’article L. 521‑2, les dispositions établies à l’article L. 331‑4 concernant la période d’indemnisation s’appliquent au bénéficiaire du congé d’accueil de l’enfant.

« Art. L.33183. – Dans le cas où l’enfant est resté hospitalisé jusqu’à l’expiration de la sixième semaine suivant l’accouchement, l’assuré peut demander le report, à la date de la fin de l’hospitalisation de l’enfant, de tout ou partie de la période d’indemnisation à laquelle il peut encore prétendre en application de l’article L. 331‑8. 

« Toutefois, lorsque l’assuré bénéficie de la période supplémentaire mentionnée à l’article L. 331‑8‑1, la possibilité de report prévu au premier alinéa ne peut lui être ouverte qu’à l’issue de ladite période. »

Article 3

Le chapitre Ier du titre III du livre VI du code général de la fonction publique est ainsi modifié :

1° À l’article L. 631‑5, les mots : « et L.631‑4 » sont remplacés par les mots : « , L. 631‑4 et L. 631‑9 » ;

2° L’article L. 631‑6 est abrogé ;

3° À l’intitulé de la section 6, les mots : « paternité et » sont supprimés ;

4° La première phrase de l’article L.631‑9 est ainsi modifiée :

a) Les mots : « de paternité et » sont supprimés ;

b) Les mots : « à l’article L. 1225‑35 » sont remplacés par les mots : « aux articles L. 1225‑35 et L. 1225‑35‑2 ».

Article 4

I. – La charge pour l’État est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ierdu livre III du code des impositions sur les biens et services.

II. – La charge pour les collectivités territoriales est compensée à due concurrence par la majoration de la dotation globale de fonctionnement et, corrélativement pour l’État, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

III. – La charge pour les organismes de sécurité sociale est compensée à due concurrence par la majoration de l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.


([1])  PEYTAVIN L. et QUILLET L., Le coût d’être mère, Observatoire de l’émancipation économique des femmes de La Fondation des Femmes, 6 juin 2023

([2])  PEYTAVIN L. et QUILLET L., Le coût d’être mère, Observatoire de l’émancipation économique des femmes de La Fondation des Femmes, 6 juin 2023

([3])  PEYTAVIN L. et QUILLET L., Le coût d’être mère, Observatoire de l’émancipation économique des femmes de La Fondation des Femmes, 6 juin 2023

([4])  PEYTAVIN L. et QUILLET L., Le coût d’être mère, Observatoire de l’émancipation économique des femmes de La Fondation des Femmes, 6 juin 2023