Dans la continuité de son travail sur la question de la souffrance animale, et suite à l’interpellation de l‘association zoopolis, Bastien Lachaud a rédigé une question écrite au ministre de l’agriculture sur la question spécifique des poissons. Souvent ignorés des questions animales, parce qu’ils sont « muets comme des carpes » selon l’expression consacrée, des débats existent même parmi les scientifiques pour savoir si les poissons sont, ou non susceptibles de ressentir de la douleur. Ils ne poussent aucun cri, ce qui semble autoriser une plus grande maltraitance. Il semble pourtant difficile de douter de la détresse des poissons sortis de l’eau en train de s’asphyxier. Certains élevages de pisciculture sont effrayants, notamment en termes de concentration des poissons dans des bassins.
M. Bastien Lachaud appelle l’attention de Monsieur le ministre d’État, ministre de l’Agriculture, sur la question de la souffrance des poissons. Longtemps, les hommes ont cru que les poissons étaient incapables de sensibilités, et notamment insensibles à la douleur. Jusque dans les années 1980 environ, il était communément admis que les poissons se comportaient comme des machines, selon l’ancienne théorie de René Descartes remontant au XVIIe siècle, et ne réagissaient à leur environnement que de façon réflexe. En 2003, des chercheurs écossais avaient testé de façon expérimentale la capacité des poissons à souffrir. Mais en 2012, ces résultats ont été contestés par plusieurs équipes, affirmant que les poissons ne peuvent pas sentir quoi que ce soit pour la raison qu’ils ne possèdent pas les structures nerveuses adéquates. Les réactions observées par l’équipe écossaise relèveraient non pas de la douleur, mais de la nociception (perception inconsciente), c’est-à-dire des réflexes. En 2014, en Suisse, la Commission fédérale d’éthique pour la biotechnologie dans le domaine non humain (CENH), estime dans un rapport qu’il n’existe « aucune bonne raison de conclure que les poissons seraient insensibles » à la douleur.
En France, des associations de protection animale se mobilisent pour lutter contre la souffrance des poissons (tribune publiée le 9 mars 2018 dans Sciences et Avenir ).
il est nécessaire résoudre une incohérence. Par arrêté préfectoral, il est interdit de consommer et de commercialiser les poissons pêchés dans certains départements français pour des raisons de santé publique, en raison de la pollution des cours d’eau et de la contamination des poissons. Pour autant, la pêche n’y est pas interdite. Il est donc autorisé de pêcher des poissons qu’il sera interdit de consommer. Il s’agit d’un acte purement gratuit, qui n’est même pas à des fins d’alimentation. Pourtant, les pratiques de pêche consistant à relâcher ensuite les poissons, sans les tuer immédiatement, font grandement souffrir les animaux. Ils subissent la peur et le stress de la capture. Ils sont, certes, ensuite relâchés dans l’eau, mais ont souvent été blessés dans l’opération par l’hameçon, ont suffoqué. Une étude montre que, pour certaines espèces, jusqu’à 90% des poissons relâchés après avoir été pêchés meurent du fait des séquelles. Aussi, il souhaiterait savoir quand le Ministre agira pour mettre en cohérence l’interdiction de consommation avec une interdiction de pêche sur les départements concernés afin de lutter contre la souffrance de ces animaux ; plus avant, il souhaite apprendre les mesures que le Ministre compte prendre concernant la lutte contre la souffrance des poissons, dans le domaine de la pêche industrielle, de la pêche dite de loisir, et de la pisciculture.
Question écrite publiée le 17/07/2018 (MAJ le 18/09/2018)
Les réglementations communautaire et nationale s’attachent à protéger les poissons, au même titre que l’ensemble des animaux de rente terrestres. Plus précisément, au sein de l’Union européenne : la directive 98/58/CE du conseil définit des normes minimales relatives à la protection des animaux dans les élevages, y compris pour les poissons. Le transport, est quant à lui couvert par le règlement (CE) no 1/2005 relatif à la protection des animaux en cours de transport. En revanche, les recommandations relatives aux poissons d’élevage n’ont pas été incluses dans le règlement (CE) no 1099/2009 sur la protection des animaux au moment de leur mise à mort. Cependant, le considérant (11) précise que « les dispositions applicables aux poissons devraient pour le moment se limiter aux principes clés. » Ainsi, les prescriptions énoncées à l’article 3, paragraphe 1, s’appliquent : « Toute douleur, détresse ou souffrance évitable est épargnée aux animaux lors de la mise à mort et des opérations annexes. » D’autres organisations internationales ont également émis des recommandations et défini des lignes directrices concernant le bien-être des poissons : – en 2005, le conseil de l’Europe a adopté une recommandation concernant le bien-être des poissons d’élevage ; – en 2008, l’organisation mondiale de la santé animale (OIE) a adopté des lignes directrices sur le bien-être des poissons, qui précisent des exigences en matière de transport, d’étourdissement et de méthodes d’abattage. Ces recommandations sont regroupées au sein du titre 7 du code aquatique de l’OIE. Les divers acteurs, professionnels, scientifiques, gestionnaires et consommateurs s’intéressent de plus en plus aux pratiques d’élevage et de pêche utilisées ainsi qu’aux risques relatifs au bien-être qui y sont liés. Par exemple, la réflexion sur la souffrance des poissons en pisciculture a débuté et fait l’objet de discussions et d’échanges notamment au niveau communautaire. Deux rapports ont ainsi été publiés par la Commission européenne : le premier en septembre 2017, « Bien-être des poissons d’élevage : pratiques courantes de transport et d’abattage » et le deuxième en mars 2018, « Rapport de la Commission au Parlement européen et au Conseil sur la possibilité d’introduire certaines prescriptions relatives à la protection des poissons au moment de leur mise à mort ». La Commission européenne a également institué en 2017 une plateforme d’échange sur le bien-être animal, à laquelle participe la France. Le bien-être des poissons pendant les phases d’élevage, de transport et d’abattage ont ainsi fait l’objet d’échanges au sein de cette instance le 21 juin 2018. Depuis les années 2010, la profession piscicole française s’est engagée dans une démarche responsable qui s’est traduite notamment par des engagements sur les conditions d’élevage, les installations et les conditions d’abattage, garantissant le respect du bien-être des poissons, à travers l’élaboration d’un cahier des charges unique, élaboré par la commission « durabilité » de l’interprofession piscicole, incluant l’ensemble des parties prenantes (dont WWF). En outre, à la suite des états généraux de l’alimentation, la filière travaille actuellement à l’élaboration d’un plan de filière dans lequel le bien-être sera bien pleinement pris en compte. Ce plan de filière est attendu pour le mois de septembre 2018.