Ouvrons les préfectures !

A l’appel de nombreuses associations, des rassemblements ont eu lieu aujourd’hui devant le Tribunal administratif de Montreuil, devant les préfectures de Bobigny, Créteil et Nanterre. Les manifestants dénoncent l’impossibilité d’obtenir un rendez-vous en préfecture pour les personnes étrangères qui souhaitent demander ou renouveler un titre de séjour. Ils demandent que

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A l’appel de nombreuses associations, des rassemblements ont eu lieu aujourd’hui devant le Tribunal administratif de Montreuil, devant les préfectures de Bobigny, Créteil et Nanterre. Les manifestants dénoncent l’impossibilité d’obtenir un rendez-vous en préfecture pour les personnes étrangères qui souhaitent demander ou renouveler un titre de séjour. Ils demandent que les préfectures ouvrent enfin leurs portes à celles et ceux qui demandent simplement d’accéder à leurs droits. Quoique l’agenda parlementaire m’empêche de me rendre sur place, je tiens à leur dire ici tout mon soutien.

Les préfectures d’Ile-de-France ont dématérialisé leurs services : pour obtenir un rendez-vous, les personnes souhaitant un titre de séjour sont contraintes de passer par internet. Or, ce service en ligne dysfonctionne de façon continue. Ainsi, en Seine-Saint-Denis, des milliers de personnes se trouvent bloquées, sans pouvoir accéder à la préfecture de Bobigny. Certains usagers cliquent chaque jour sur leur ordinateur, pendant des mois, espérant en vain d’obtenir un rendez-vous. Ceux qui en ont les moyens achètent un rendez-vous au marché noir auprès d’intermédiaires criminels, pour des prix allant jusqu’à plusieurs centaines d’euros. Si le dévouement des agents du service public n’est pas en cause, la question du manque de moyens et d’une politique restrictive est posée.

Cette situation, particulièrement ressentie en Seine-Saint-Denis, est indigne de la France ! Elle créé une rupture d’égalité entre les citoyens et les territoires. Elle prive les usagers de leur droit le plus élémentaire à accéder au service public. Elle a pour effet de rendre invisible et d’exclure encore davantage les personnes étrangères, souvent déjà précarisées.

Nous n’acceptons pas ce scandale, qui rajoute encore plus à la stigmatisation obscène des personnes étrangères, à l’heure où la majorité gouvernementale et la droite débattent du prétendu « problème de l’immigration ». S’il y a un vrai problème, c’est bien plutôt le déni de droit dont les personnes étrangères font l’objet. Depuis le début de mon mandat de député, je sollicite les autorités préfectorales à chaque fois – presque chaque semaine ! – que des personnes se présentent dans mes permanences parlementaires, désespérées de ne pouvoir obtenir un rendez-vous en préfecture de Bobigny, et je n’ai cessé d’alerter les préfets successifs sur les dysfonctionnements permanents de l’accueil. J’ai interrogé par deux fois le gouvernement par le biais des questions écrites. Aujourd’hui, avec l’ensemble des parlementaires du groupe de La France insoumise, nous avons demandé une commission d’enquête parlementaire, que les Préfectures accueillent enfin toutes celles et ceux qui souhaitent accomplir des démarches.

Que cesse le déni de droit ! Ouvrons les préfectures !

Retrouvez ici la demande de commission d’enquête parlementaire déposée par le groupe de La France insoumise  : http://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/dossiers/marches_paralleles_prise_rendez-vous_prefecture

Voici la lettre que j’ai adressée au Préfet de la Seine-Saint-Denis en juin dernier :

 

Monsieur le Préfet,

Je me permets de vous écrire pour vous alerter sur les difficultés que rencontrent notamment les habitant·es de ma circonscription pour accéder aux services de la Préfecture, en particulier pour les ressortissant·es étranger·es souhaitant modifier ou renouveler leurs titres de séjour, ou encore déposer une demande de naturalisation en vue d’acquérir la nationalité française, et qui se trouvent confronté·es aux dysfonctionnements continus de la plateforme internet prévue à cet effet.

Le sentiment d’urgence qui anime aujourd’hui ma démarche est d’autant plus vif que, depuis le début de mon mandat de Député, j’ai déjà eu l’occasion d’alerter à de nombreuses reprises les services préfectoraux sur ce problème. J’avais attiré une première fois l’attention de votre prédécesseur, M. P.-A. Durand, sur cette question, à travers un courrier daté du 09/10/2017 et co-signé par plusieurs de mes collègues député·es de la Seine-Saint-Denis, M. Eric Coquerel, M. Alexis Corbière et Mme Sabine Rubin. Ne constatant aucune amélioration, bien au contraire, je l’ai fait à nouveau, par un courrier en date du 19/02/2019. J’ai également interrogé à deux reprises le gouvernement sur ce sujet, à travers deux questions écrites (15ème législature, Questions N° 2492 et N° 17594). En l’absence d’une réponse satisfaisante et confronté à la récurrence de faits qui sont presque quotidiennement portées à ma connaissance, je n’ai eu d’autre choix que de solliciter régulièrement les services préfectoraux, au cas par cas, en les alertant sur les nombreuses situations où les habitant·es d’Aubervilliers et de Pantin sont confronté·es à des difficultés considérables, voire à l’impossibilité d’accéder normalement aux services de la Préfecture via la procédure dédiée en ligne. J’ai eu une dernière fois l’occasion de vous faire part de ces problèmes, en personne, à l’occasion de notre entretien du 05/06/2019 à l’Assemblée Nationale.

J’ajouterai encore que le caractère inacceptable de la situation actuelle a été mis en lumière et amplement documenté au cours des dernières années par le travail de nombreuses associations, telle la CIMADE – celle-ci avait par exemple constaté, en février 2018, que 100% des tentatives d’obtention de rendez-vous via le site internet de la Préfecture de la Seine-Saint-Denis se soldaient par un échec. La justice elle-même a confirmé la gravité des faits, et le préjudice qui en résulte pour les habitant·es : une ordonnance du 20 février 2018 du Tribunal Administratif de Montreuil, saisi pour statuer sur la situation d’une personne en cours de régularisation, qui ne parvenait pas à obtenir un rendez-vous en Préfecture par le biais de la procédure dématérialisée depuis de nombreux mois, a ainsi condamné la Préfecture à accorder sous quinzaine un rendez-vous et à verser des dommages et intérêts au requérant.

Malgré cette accumulation de signaux d’alarmes, force est de constater que rien ne change. Voire que les faits s’aggravent. Ayant à nouveau sollicité vos services à propos de différentes situations qui m’avaient été soumises par des habitant·es qui se trouvent dans l’impossibilité d’obtenir un rendez-vous via le site internet de la Préfecture, je me vois répondre qu’il est impossible « de déroger au système de dépôt (…) en accordant des rendez-vous en dehors de la procédure prévue à cet effet, au risque de créer une voie dérogatoire, source de rupture d’égalité entre les usagers ». En conséquence, les personnes concernées se voient « invitées à se connecter régulièrement sur le site internet de la préfecture (…), aux heures et jours ouvrables » – c’est-à-dire, renvoyé·es au point de départ, leur démarche étant précisément motivée par l’impossibilité de se connecter sur la plateforme en question. Monsieur le Préfet, je ne puis vous cacher qu’une telle réponse ne saurait être considérée comme satisfaisante. Au-delà même du caractère kafkaïen d’une réponse qui consiste à renvoyer vers le site internet de la préfecture celles et ceux qui sont justement victimes de l’impossibilité d’y accéder, je ne puis accepter que cette démarche soit considérée comme une volonté de porter atteinte à l’égalité républicaine en cherchant à créer une voie dérogatoire pour certain·es citoyen·nes. Sachez qu’il s’agit tout au contraire de vous alerter ainsi que vos services sur le déni de droit et la rupture d’égalité extrêmement grave qui résulte de leurs propres dysfonctionnements.

Rupture de la continuité du service public et d’égalité entre les citoyen·nes habitant·es différents territoires de la République, dès lors que les dysfonctionnements dont est victime la population de la Seine-Saint-Denis n’affectent pas dans les mêmes proportions d’autres territoires. Rupture d’égalité entre les usager·es qui cliquent chaque jour sur leur ordinateur, pendant des mois, sans obtenir un rendez-vous et celles et ceux qui auront les moyens matériels d’acheter un rendez-vous au marché noir auprès d’intermédiaires criminels, business de notoriété publique – la presse va jusqu’à publier le prix à payer pour un rendez-vous, entre 120€ et 200€ – digne d’un Etat failli, et dont on se demande quand il y sera enfin mis un terme.

Je pourrai multiplier ici les exemples issus des récits qui parviennent chaque semaine à ma permanence parlementaire, et qui illustrent les drames humains qu’implique pour les habitant·es d’Aubervilliers, de Pantin et de tout le département, l’impossibilité d’obtenir un rendez-vous à la Préfecture.

Je ne souhaite à personne, Monsieur le Préfet, d’avoir à connaître l’angoisse qui anime celles et ceux qui renouvèlent chaque jour leurs démarches, se relayant avec leurs proches pour cliquer sur le site de la Préfecture, sans recevoir de réponse, et attendent dans l’incertitude. Ni de devoir reconstituer plusieurs fois un dossier, en multipliant les procédures couteuses en argent et en temps, auprès des administrations d’un pays d’origine, parce que la validité des documents initialement réunis a expiré avant d’avoir pu présenter le dossier à l’administration préfectorale. Moins encore de vivre dans la peur de perdre un emploi, de ne pas pouvoir poursuivre des études, d’être privé de la possibilité de travailler et de vivre dignement faute d’avoir pu régulariser une situation, et cela du seul fait de la faillite d’une administration. J’espère enfin qu’il soit épargné à toute personne d’avoir à rogner sur les dépenses quotidiennes d’une famille ou sur de maigres économies pour réunir la somme nécessaire pour acheter au marché noir un rendez-vous en préfecture, faute d’avoir pu exercer le droit élémentaire à accéder au service public.

Loin de moi l’intention, Monsieur le Préfet, d’imputer ces dysfonctionnements aux personnels de la Préfecture ou de mettre en doute leur professionnalisme. Je ne sais que trop les difficultés auxquelles font face les fonctionnaires et agents de l’Etat, qui assurent bien souvent par leur seul dévouement le bon fonctionnement de services exsangues – une situation que le rapport d’information parlementaire « Sur l’évaluation de l’action de l’État dans l’exercice de ses missions régaliennes en Seine-Saint-Denis » remis en mai 2018 par les députés François Cornut-Gentille et Rodrigue Kokouendo a d’ailleurs bien mise en évidence, en soulignant l’ampleur et la spécificité des problèmes structurels de longue haleine qui affectent l’action publique dans le département. C’est d’une véritable refondation dont ont besoin les services de l’État, qui commencerait par l’allocation des moyens nécessaires, qui font trop souvent défaut.

La politique de dématérialisation systématique des services publics devrait elle aussi être interrogée, en particulier dans un département où la fracture sociale et numérique pèse lourdement, menaçant d’exclure mécaniquement de nombreux·ses habitant·es abandonné·es devant les démarches à accomplir. Elle a été mise en place notamment pour en finir avec les queues interminables devant les préfectures, qui engendraient d’innombrables problèmes, de santé en cas de fortes chaleurs, mais aussi, déjà, de trafics de places de personnes qui faisaient la queue et vendaient leur place à d’autres. Cette situation n’était pas acceptable. Mais la dématérialisation, a renvoyé chez elles, invisibles, les personnes en attente d’un rendez-vous que la matérialisation de la file d’attente rendait trop criante aux yeux du grand public. Mais le problème n’est pas pour autant réglé, et il n’en reste pas moins, Monsieur le Préfet, que les conditions d’accueil actuelles des citoyen·nes, et en particulier des étrangers, en Préfecture, sont problématiques. Une telle situation, qui brise chaque jour des vies et porte atteinte au principe constitutionnel d’égal accès au service public, ne saurait perdurer en l’attente d’une refondation plus large.

C’est pourquoi je me permets de m’adresser à vous, Monsieur le Préfet, afin de vous alerter à nouveau sur ce problème. Ne pouvant accepter la situation actuelle, je persisterai à soumettre à vos services toutes les situations individuelles frappant des citoyen·nes empêché·es d’accéder aux services préfectoraux et de prendre un rendez-vous, non pas pour créer une « voie dérogatoire », mais bien pour rétablir autant que possible l’égalité bafouée. Plus largement, je vous demande une nouvelle fois de prendre toutes les dispositions nécessaires afin de résoudre le problème récurrent que pose l’accueil des personnes de nationalité étrangère et le système de prise de rendez-vous en Préfecture, de telle sorte que les usager·es n’aient pas à subir des délais administratifs anormalement longs, ni à se voir livrées aux mains d’intermédiaires criminels commercialisant l’accès aux services de l’Etat, ou encore privées de l’exercice de leurs droits du fait de dysfonctionnement dont ils et elles ne sont en aucun cas responsables. L’obligation de déclarer le numéro de demande de la personne qui prend rendez-vous, pourrait, par exemple, empêcher dans une certaine mesure à des intermédiaires de s’accaparer les rendez-vous pour les revendre ensuite, ou encore, la mise en place d’outils informatiques permettrait peut-être d’empêcher à des robots de prendre automatiquement tous les rendez-vous pour ensuite les revendre.

Dans l’attente d’apprendre les mesures que vous mettrez en œuvre, je vous prie de croire, Monsieur le Préfet, dans l’assurance de ma très haute considération républicaine.

Bastien Lachaud

 

 

 

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