Mission des services civiques

Dans le cadre des questions écrites au gouvernement, j’ai posé une question à la ministre du travail concernant l’usage des services civiques. En effet, il est inquiétant de voir que ces missions sont détournées de leur objet principal dans certaines occasions, poussant des jeunes à remplir un travail s’apparentant à celui d’employés. Voici la question :

M. Bastien Lachaud interroge Mme la ministre du travail sur la nature des missions confiées aux personnes faisant un service civique, notamment en ce qui concerne le risque que leur soient confiées des missions qui relèvent d’emplois pérennes dans l’administration, les écoles et Pôle emploi. Il faut rappeler que le service civique, créé en 2010, permet à des jeunes entre 16 et 25 ans, sur la base du volontariat, d’effectuer une mission d’intérêt public sur une période allant de 6 à 12 mois, dans une association (deux tiers des engagés), un service d’État (17 % des volontaires) ou encore un établissement public (10 % des jeunes). Son financement est assuré par l’État, qui indemnise les volontaires entre 580 euros et 680 euros par mois. Entre 2013 et 2017, le nombre des engagés a bondi de 35 000 à 135 000 jeunes par an. Ainsi, le phénomène n’est pas anodin, il est donc primordial de se pencher sur le cadre de mise en œuvre de ces services civiques. Le site www.service-civique.gouv.fr déclare « une mission pour chacun au service de tous ». Or il semble que les missions confiées aux volontaires s’apparentent de trop nombreuses fois à des missions qui devraient relever de salariés. De nombreux articles de presse alertent sur cette dérive. D’après Mediapart, dans un article « L’école remplace ses emplois aidés par des services civiques », en date du 8 janvier 2018, l’éducation nationale auraient remplacé petit à petit ses contrats aidés par des services civiques. Plus récemment, Le Monde diplomatique faisait état en août 2019 dans un article « Peut-on vivre sans internet ? » de ses jeunes recrutés en service civique à Pôle emploi « pour un demi-smic, vingt-huit heures par semaine, avec pour seule tâche de diriger les demandeurs d’emploi vers les écrans ». En 2018, 2 800 engagés auraient ainsi travaillé dans ces conditions. Enfin, l’administration n’est pas en reste. Le ministère du travail lui-même informe de l’utilisation de ces services civiques, main-d’œuvre peu coûteuse, dans les préfectures, via un compte-rendu du Conseil des ministres du 6 septembre 2017 : « la ministre du travail a rappelé que les préfets […] disposent désormais d’une souplesse de gestion accrue dans l’utilisation des crédits : adaptabilité des taux de prise en charge et des durées, fongibilité, mobilisation du service civique ». M. le député demande une vigilance toute particulière à Mme la ministre. Les personnes en service civique ne doivent pas avoir pour vocation à remplacer des emplois pérennes, comme cela semble être le cas à Pôle emploi par exemple. Pareillement, les écoles ou l’administration doivent pouvoir continuer à fonctionner sans ces services civiques. Ce glissement d’attribution de postes de salariés à des services civiques pose des problèmes en terme de formation des engagés. En effet, ils ne sont pas aptes, à raison d’une formation de 2 jours, à répondre aux tâches normalement dévolues à un salarié qualifié, ce qui rend impossible d’assurer un service public de qualité. Cela n’est une bonne chose ni pour les personnes, qui se voient confier des missions soit pénibles et répétitives, soit qui demanderaient une réelle formation et qu’ils peinent à faire, ni pour la qualité du service public. Cela fait complètement perdre le sens de l’engagement au service du bien commun. Ensuite, la précarité des jeunes est renforcée, voire institutionnalisée, en les faisant travailler à temps plein pour un demi-Smic, alors que plus de 48 % des engagés sont initialement des demandeurs d’emploi. Il ne faudrait pas que le service civique devienne pour les administrations un moyen commode d’avoir, en réalité, une main-d’œuvre sous-payée, mal formée, corvéable à merci, variable d’ajustement des services, perdant ainsi complètement le sens de l’engagement au service du bien commun qu’il devrait être. Le service civique ne peut pas être le seul pis-aller offert aux jeunes, qui n’ont pas encore le droit au RSA, qui ne parviennent pas à trouver d’emploi, et qui doivent se résoudre à faire un service civique pour avoir au moins quelques revenus. C’est d’autant plus scandaleux si, en fait, ils occupent des postes d’emploi salariés, mais qu’ils ne peuvent briguer car ils ont, de fait, été remplacés par des services civiques. Ainsi, il souhaite savoir quelles dispositions elle entend prendre afin de veiller à ce que ne s’opère pas une systématisation du recours au service public pour des missions pérennes qui devraient être attribuées à des salariés.