Le 4 février, Bastien Lachaud interpelait une énième fois le gouvernement sur la situation préoccupante des établissements scolaires en Seine-Saint-Denis. Malgré les alertes répétées, rien n’est réellement fait par les autorités compétentes pour que la vie des élèves, des enseignants et des personnels s’améliorent, et la République avec eux.
Question orale au gouvernement, posée le 04/02/2020 :
M. Bastien Lachaud interroge M. le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse sur la situation des établissements scolaires dans le département de la Seine-Saint-Denis. C’est un cri d’alarme qu’il lui adresse aujourd’hui. Une fois de plus ! Car les appels au secours se succèdent. Parlementaires, élus locaux, syndicats, personnels, enseignants, parents d’élèves : tous ne cessent de tirer la sonnette d’alarme sur la situation des établissements scolaires de Seine-Saint-Denis. Et rien ne change. Et tout empire. Des personnels de l’éducation nationale, des élèves de ces établissements meurent aujourd’hui en Seine-Saint-Denis, dans sa circonscription, à Aubervilliers et à Pantin.
Il le répète, tant cette réalité est effrayante, inconcevable, inacceptable : ils meurent ! M. le député pense à Mme Christine Renon, directrice de l’école maternelle Méhul à Pantin ; Mme Christine Renon qui s’est donné la mort dans les locaux de son école en septembre 2019, parce qu’elle n’en pouvait plus. Il pense à Kewi Yikilmaz et Djadje Traoré, élèves au lycée d’Alembert à Aubervilliers, morts des suites de deux agressions, en octobre et novembre 2019. Trois morts en trois mois !
Loin d’être des épisodes singuliers, isolés, ces drames indicibles sont les conséquences d’une situation d’urgence aigüe, quotidienne, qui touche un grand nombre d’établissements du département. Car tout craque. Quand les bâtiments sont délabrés, ou que l’on manque de locaux pour accueillir les élèves : il pense par exemple au cinquième lycée dont Aubervilliers aurait tant besoin. Quand les moyens matériels sont dramatiquement insuffisants : le moins bien doté des établissements parisiens est plus doté que le mieux doté des établissements de Seine-Saint-Denis.
Quand les enseignants et les personnels administratifs, CPE, médecins scolaires, ne sont pas assez nombreux : chaque élève de collège du département perd trois semaines entières de cours par an du fait des absences de professeurs, non remplacés du fait du manque d’enseignants. Quand les réformes de M. le ministre, menées à marche forcée, ont désorganisé le travail des personnels et la scolarité des élèves !
Le dévouement admirable des enseignants, personnels, parents d’élèves ne suffit plus. Les moyens manquent à tous les niveaux, dans un département qui est négligé alors qu’il devrait être prioritaire. Et les responsables en haut lieu font la sourde oreille. Mme Christine Renon le disait dans la bouleversante lettre publique qu’elle a laissée avant de mettre fin à ses jours : « Je n’ai pas confiance dans le soutien et la protection que devrait nous apporter notre institution ». Le rectorat de Créteil est aux abonnés absents.
M. le député lui a adressé plus d’une dizaine de courriers au cours de l’année 2019, en vain. Aucune solution concrète n’est apportée. On ne répond même pas à sa demande de disposer d’un état des lieux chiffré sur les établissements de sa circonscription. Les demandes des enseignants se heurtent à la même loi du silence de la part de responsables qui ne veulent surtout « pas faire de vagues », comme l’écrivait Christine Renon.
Et quand le Premier ministre annonce des moyens supplémentaires pour réaliser les travaux indispensables pour dédoubler réellement les classes, ce sont vingt millions d’euros sur dix ans ! À peine le coût d’un seul collège ! De qui se moque-t-on ? Sa question est donc simple : il lui demande quand il va réellement agir pour répondre aux appels des communautés éducatives de la Seine-Saint-Denis et quand il débloquera enfin les moyens nécessaires à un grand plan d’urgence pour l’éducation dans le département.
Lire la réponse :
M. Gabriel Attal, secrétaire d’État auprès du ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse. Je vous prie à nouveau d’excuser l’absence de Jean-Michel Blanquer, qui, retenu à la conférence nationale du handicap, m’a chargé de vous répondre.
S’agissant tout d’abord du suicide de Mme Renon, cet événement tragique a bouleversé l’ensemble de la communauté éducative et, au-delà, l’institution de l’éducation nationale dans son ensemble. Nous avons pris des mesures d’urgence pour alléger et faciliter le quotidien des directeurs d’école, en particulier des jours de décharge supplémentaires ainsi qu’un moratoire sur les questionnaires et enquêtes qui leur sont demandés. Nous comptons aller plus loin à l’issue de la consultation de l’ensemble des directeurs d’école qui ont été 64 % à répondre à OpinionWay sur les mesures qui pourraient faciliter leur quotidien et répondre aux problèmes soulevés par Mme Renon.
Il semble par ailleurs que la demande que vous avez adressée au rectorat d’évaluer certains établissements soit restée sans réponse. Ce n’est pas acceptable. Tout élu de la République, tout parlementaire qui demande des informations au rectorat doit les recevoir. Je relaierai donc votre message.
Nos opinions politiques divergent et nous ne sommes pas toujours d’accord, mais nous sommes d’accord pour déplorer le retard inacceptable des établissements de Seine-Saint-Denis par rapport à ceux d’autres territoires. En revanche, c’est le point sur lequel nous divergeons, le Gouvernement fait tout pour résorber ce retard en prenant des mesures fortes et ambitieuses, dont je mentionnerai quelques exemples.
Pour lutter contre les inégalités dans le premier degré, nous avons abaissé l’âge de l’instruction obligatoire à trois ans. Par ailleurs, 300 000 élèves ont intégré des classes à effectifs dédoublés et nous avons ouvert 2 325 postes de professeur alors que les écoles accueillent 46 500 élèves en moins. Pour cette seule rentrée, 284 postes ont été créés en Seine-Saint-Denis. Pas moins de 12 % de l’ensemble des créations de postes en France sont destinées à la Seine-Saint-Denis.
Depuis 2015, l’accompagnement de la démographie dans le département s’est traduit par l’ouverture de cinquante-trois nouvelles écoles et de cinq nouveaux collèges. Pour cette seule année scolaire, nous dénombrons dix nouvelles écoles et deux collèges. Ce rythme soutenu se poursuivra dans les prochaines années au bénéfice du second degré. L’ouverture de deux nouveaux collèges est déjà programmée à Gagny et à Saint-Denis pour la rentrée 2020 ; celle d’un collège à la Courneuve pour 400 élèves est prévue pour la rentrée 2021. Ont enfin été décidées la restructuration et la construction de deux lycées, qui ouvriront respectivement en 2022 et en 2023 à Neuilly-sur-Marne et sur le secteur de Pierrefitte-Villetaneuse.
Pour ce qui est de l’écoute de la communauté éducative et de la prise en compte de ses préoccupations, le Premier ministre a annoncé que 20 millions d’euros supplémentaires…
M. le président. Merci…
M. Gabriel Attal, secrétaire d’État . …seraient consacrés à la dotation de soutien à l’investissement public local alimenté à hauteur de 2 millions d’euros par an pendant dix ans pour financer l’investissement immobilier et les cités éducatives. Nous agissons pour rattraper notre retard.
M. le président. Je vous rappelle que le temps de parole est limité à six minutes pour chaque question, et vous remercie donc de vous y tenir.