La conférence de presse que le gouvernement a tenue ce jour ressemblait vraiment à de l’autojustification. Édouard Philippe explique même qu’il ne laissera personne expliquer que le gouvernement n’avait pas pris toutes les mesures appropriées. Pourquoi une telle sortie aujourd’hui ? Peut-être car on apprenait mercredi qu’il commençait à s’inquiéter de devoir rendre des comptes sur sa gestion de la crise sanitaire. L’annonce d’une création, à l’automne, d’une commission d’enquête parlementaire constituait déjà une menace pour l’exécutif. Mais les plaintes déposées par des collectifs de médecins ou des patients devant la Cour de Justice de la République ont accentué la pression sur le gouvernement. Même, si cette institution à la fois politique et juridique ne permet pas de juger à sa juste mesure l’action des Ministres, et que l’enquête menée par le Procureur Mollins dont les pouvoirs sont plus étendus que ceux d’une commission parlementaire risque de se heurter à l’absence d’indépendance du Parquet dans notre pays.
Il faudra rendre des comptes devant le Peuple
Bien sûr, ce n’est pas devant la justice que le gouvernement devra rendre des comptes, mais devant le Peuple. Nous soutenons donc la proposition de création d’une commission d’enquête. Nous mettrons tout en œuvre au sein de celle-ci pour faire la lumière sur la gestion déplorable de cette crise sanitaire. Toutefois, force est de reconnaître que dans une telle période et face à la surdité du gouvernement, la justice apparaît pour les citoyens comme le seul moyen de faire valoir leurs droits et entendre leur voix. Aussi comprenons-nous ces démarches individuelles ou collectives. Mais notre devoir de représentants de la Nation est de tirer les leçons de cette crise de façon politique. Le gouvernement aura des comptes à rendre lorsque la crise sera passée. Mais au-delà du contrôle de l’action de l’exécutif afin de contraindre ses membres à assumer leur responsabilité politique, nous proposons dès maintenant une alternative au système capitaliste qui, après avoir aggravé la crise sanitaire, nous mène vers une crise économique d’ampleur.
Des poursuites judiciaires légitimes
La justice n’a pas à se substituer aux pouvoirs exécutifs et législatifs dans la conduite de la politique de la Nation. Ce n’est pas aux juges de fixer les orientations gouvernementales en matière de gestion d’une crise sanitaire comme celle que nous traversons. Toutefois, l’affaiblissement du pouvoir du Parlement dans la 5e République pousse les citoyens à se tourner vers le pouvoir judiciaire pour obtenir du gouvernement qu’il prenne les mesures qui s’imposent dans une telle situation.
Les juges défendent le gouvernement
Le 4 mars dernier, 3 médecins ont tenté d’obtenir du Tribunal administratif de Paris qu’il enjoigne le gouvernement de leur fournir des masques FFP2 dont ont besoin les soignants pour pouvoir s’occuper des malades contaminés par le covid-19 sans être infectés ni contaminer les autres patients. Sans succès. Les juges administratifs semblent plus enclins à réduire les libertés individuelles qu’à protéger le droit à la vie des patients en contraignant le gouvernement à leur donner les moyens de remplir leurs missions en toute sécurité. Un collectif de 600 médecins s’est alors constitué autour d’eux afin de déposer plainte auprès de la Cour de Justice de la République contre Edouard Philippe et Agnès Buzyn pour « s’être abstenus de prendre à temps les mesures pour endiguer l’épidémie ».
Détruire des lits d’hôpitaux est criminel
Cette plainte est venue s’ajouter à celle d’un patient, déposée quelques jours plus tôt, pour entrave aux mesures d’assistance. Cette personne atteinte par le covid-19 avait été refusée d’un hôpital du fait du manque de lits. Son état s’était alors gravement détérioré à son retour chez lui. Elle a donc décidé d’engager la responsabilité pénale du Premier Ministre et de l’ancienne ministre de la santé au motif que leur politique de réduction des effectifs et les lits dans les hôpitaux publics avait conduit à son refus d’hospitalisation.
Les plaintes se multiplient
Depuis, 5 nouvelles plaintes ont été déposées devant la Cour de Justice de la République contre Édouard Philippe, Agnès Buzyn et Olivier Véran. Les fondements sont multiples : mise en danger de la vie d’autrui, homicide involontaire, non-assistance à personne en danger ou encore abstention fautive. Toutes ces incriminations renvoient à une seule et même source de la responsabilité du gouvernement : un déni face à la gravité de la crise sanitaire. Et, de cette insouciance coupable découlerait l’ensemble des erreurs, retards, mensonges et autres manquements dans la prévention de la propagation du virus.
Le choix de la voie judiciaire
Face au refus du gouvernement de prendre les mesures qui s’imposent dans une telle situation sanitaire, les citoyens ont donc choisi la voie judiciaire. Ils espèrent, par cette démarche, obtenir la condamnation des autorités politiques qui ont manqué à leur obligation de protection de la population. Cette demande de justice est légitime. Les personnels soignants sont en danger et des morts aurait pu être évitées si le principe de précaution avait été respecté. Cependant, en démocratie, les fautes politiques doivent être sanctionnées politiquement.
Une enquête parlementaire indispensable
Le gouvernement affirme que l’état d’urgence sanitaire doit permettre au pouvoir de prendre toutes les mesures qu’imposent la lutte contre l’épidémie. C’est toujours la même rhétorique des régimes d’exception qui opèrent un transfert du pouvoir législatif à l’exécutif afin de soi-disant garantir une réaction rapide des autorités face à la situation d’urgence. Cependant, le régime d’état d’urgence sanitaire nouvellement créé attribue des pouvoirs particulièrement étendus au gouvernement et permet l’instauration de mesures particulièrement attentatoires aux droits humains. Il s’inscrit dans une logique passéiste de gestion des situations de crise selon une méthode autoritaire.
La Démocratie ne doit pas être une victime de la crise
La démocratie n’a pas à pâtir des situations de crise. Le Parlement doit être associé à la prise décision et pouvoir exercer sa mission de contrôle de l’action du gouvernement. Car le Parlement est le lieu du débat démocratique où la collégialité et la publicité de ses débats permet de prendre des décisions éclairées et publiques. Nous avons donc proposé la mise en place d’un Comité parlementaire de suivi permanent lors de l’adoption de la loi instituant l’état d’urgence sanitaire. Mais le gouvernement a refusé. Il n’a accepté que l’ouverture d’une mission d’informations sans réel pouvoir et a posteriori de la crise. Et poussant à l’extrême cette logique autoritaire, il a repoussé la consultation des Assemblées sur la prolongation de l’état d’urgence sanitaire à 2 mois, contre 12 jours pour l’état d’urgence classique (loi du 3 avril 1955).
Nous avons besoin d’une 6e République
Cette confiscation du pouvoir de délibération et de contrôle du Parlement ne peut durer éternellement. Le mise en œuvre de régimes d’exception ne peut conduire à saper les fondements démocratiques de la République. Plus que jamais, le passage à la 6e République permettrait de remédier au déficit de légitimité des décisions politiques et à impliquer le peuple dans leur adoption. Mais il convient dans l’immédiat de tirer les leçons de cette crise et de l’impréparation du gouvernement.
Révoquer nos élus
La création d’une Commission d’enquête à l’automne pour faire la lumière sur l’ensemble des dysfonctionnements qui ont conduit à la crise sanitaire que nous connaissons aujourd’hui est indispensable. Chaque jour apporte son lot de révélations et interroge sur les manquements du gouvernement. Ils ne peuvent rester sans réponse politique. Les plaintes déposées auprès de la Cour de Justice de la République par les professionnels de santé et les patients se multiplient. Ils témoignent d’une perte de confiance dans les institutions de la 5e République. D’une désillusion face à la possibilité pour le législatif de contrôler l’exécutif. Cette dérive résulte donc du déficit démocratique de notre République. L’irresponsabilité politique des gouvernants conduit le peuple à recourir à la responsabilité pénale. Or, ce n’est pas à la justice de gouverner mais au peuple de reprendre le pouvoir. C’est à lui d’obtenir la démission du gouvernement s’il a failli dans sa gestion de la crise sanitaire. La Commission d’enquête parlementaire qui sera constituée à l’automne ne doit donc constituer que la phase d’instruction dans la procédure d’engagement de la responsabilité du gouvernement. Il appartiendra ensuite au peuple de juger et de le sanctionner politiquement. Plus que jamais la possibilité de révoquer des élus n’a été d’actualité. Pour l’obtenir, une constituante doit être convoquée.