Le 5 avril, Gabriel Attal, le secrétaire d’État en charge de la mise en place du Service national universel (SNU) voulu par Emmanuel Macron a affirmé que la session d’expérimentation prévue pour l’été aurait bien lieu.
Le bilan de celle menée l’an dernier, le contexte sanitaire et les importantes difficultés rencontrées par les élèves de l’Éducation nationale faisaient penser que l’urgence n’était pas d’envoyer en caserne une poignée d’adolescents grisés à l’idée de porter l’uniforme et de saluer le drapeau…
Une approche dogmatique et dangereuse
Pourtant, Gabriel Attal est formel, notre pays « a plus que jamais besoin d’engagement ». Il sous-entend explicitement que ce SNU auquel ses services travaillent doit permettre de lutter contre l’épidémie que nous traversons ou, à tout le moins, contre le même genre d’épidémie.
Cette posture est opportuniste et dangereuse puisque la partie obligatoire du SNU concerne des adolescents de seize ans ! Qui donc peut prétendre faire peser sur d’aussi jeunes gens la responsabilité de lutter directement ou indirectement contre le covid-19 ou une quelconque épidémie ?
En l’espèce, les conditions du déconfinement sont encore inconnues. L’impréparation des services de l’État face à la crise est devenue évidente. Il est complètement illusoire de penser ajouter au travail des agents de l’État, tout service confondu, le devoir d’instruire, ou plutôt d’occuper, des jeunes — même de bonne volonté.
Un projet mal pensé
En réalité, la situation critique que nous vivons fait ressortir combien le projet du gouvernement était mal pensé et inutile.
Que peut bien gagner la collectivité au casernement obligatoire durant deux semaines d’été des jeunes de seize ans ? Si l’on vise le brassage social, pourquoi ne pas assurer le financement de colonies de vacances pour garantir un droit effectif aux vacances ?
Si l’on veut un cours d’instruction civique alors c’est à l’Éducation nationale qu’il faut donner les moyens d’accomplir sa tâche.
En réalité, l’idée d’Emmanuel Macron, sortie comme un lapin du chapeau durant la campagne présidentielle de 2017, n’était qu’une énième version de l’antienne réactionnaire d’après laquelle : « ma bonne dame, une bonne guerre, ça leur apprendrait la vie ». Mythifiant l’ordre militaire, rêvant d’obtenir le silence dans les rangs, pénétré de l’idée qu’il est le chef, Emmanuel Macron s’offrait avec le SNU un joujou bien accordé avec le virage autoritaire que la répression des gilets jaunes a rendu évident à quiconque a des yeux pour voir.
Un autre service national est possible
Pourtant, en 2017 également, le programme de la France insoumise, l’Avenir en commun mettait sur la table une proposition radicalement différente : un service citoyen mixte et obligatoire pour les jeunes adultes. Trois ans plus tard, je regrette que sa mise en œuvre n’ait pu avoir lieu.
D’où vient cette proposition ? Quels sont nos objectifs en la défendant ?
D’abord, il s’agit pour nous d’une question de principe : dans une 6e République authentiquement démocratique, il ne peut y avoir de sujet dont le peuple soit tenu à l’écart. La protection du territoire, de la population et l’usage de la force sont des sujets, par excellence, qui doivent faire l’objet d’un véritable débat. Or la fin du service militaire, plus exactement la suspension de la conscription, décidée par Jacques Chirac, éloigne le peuple de ces questions pourtant fondamentales. Elles sont abandonnées à quelques personnes, plus ou moins expertes qui au bout d’une ou deux générations pourraient bien avoir tendance à oublier dans l’intérêt de qui elles servent : le peuple lui-même.
La résilience est dans le peuple
Ensuite, il s’agissait de savoir à quel genre de menaces nous devrions éventuellement faire face dans les années à venir. Quand certains n’évoquaient que le risque d’attentat, nous avions pointé le besoin de nous protéger contre toutes sortes de catastrophes : inondations, incendies, accidents nucléaires, marées noires, épidémies, mais aussi conflits « traditionnels » ou attaques informatiques massives…
Bien sûr l’apport de spécialistes pour traverser ce genre d’épreuve est irremplaçable. Mais pour soutenir un choc, la société doit pouvoir en « diluer » les effets. C’est cela la « résilience » dont se gargarise vainement l’exécutif aujourd’hui. Par exemple, si un réseau informatique ou autre est saturé par malveillance, la meilleure option, et même la seule à court terme, c’est de délester vers d’autres voies du réseau le message ou la marchandise à transférer…
Du point de vue de la sûreté d’un pays, cela implique de disposer de nombreuses personnes capables de faire ce que telles autres ne pourront pas, empêchées par la maladie ou mobilisées par des tâches plus techniques : par exemple, des tâches administratives standard dans l’accueil de centres de dépistage…
Le réalisme, c’est la planification
D’une façon quelque peu irrationnelle, certains semblent croire que d’évoquer ces risques les fait désirer ou que de n’en rien dire empêche qu’ils se réalisent. Bien entendu, il n’en est rien, et l’on voit bien au contraire qu’y faire face suppose une préparation et une planification rigoureuse : la population toute entière doit être consciente de l’enjeu et des bons réflexes à adopter.
Face aux risques de séismes, les Japonais font depuis longtemps des exercices : ils ne le font pas de gaieté de cœur, mais ils ont raison de le faire. Il ne s’agit pas de nourrir la panique, il s’agit au contraire d’élever le niveau général de conscience et de prévenir la débandade.
Aujourd’hui, on voit bien ce qu’aurait apporté la mise en œuvre d’un service citoyen comme celui que nous proposons. Des services publics aux effectifs renforcés, une cohésion plus grande de la société dont le plus grand nombre saurait clairement ce qu’il peut ou doit faire, une conscience plus nette des enjeux et donc une autodiscipline plus grande si nécessaire…
Il est toujours temps de travailler à l’instaurer pour le bien de tous, dans le monde d’après.