Alors que la « deuxième vague » prend de l’ampleur en France, l’incapacité manifeste du gouvernement à gérer la crise sanitaire est une catastrophe à tout point de vue. D’abord pour les malades et leurs proches, ensuite pour la crise économique et sociale que la crise sanitaire engendre, et fait plonger des milliers de personnes dans la pauvreté. Mais aussi pour le fondement même des structures politiques, qui est le consentement à la loi, et à l’autorité de l’Etat.
Ce consentement au système politique est déjà considérablement atteint, et il se voit à chaque élection avec les niveaux record d’abstention. Le peuple s’en détourne massivement, ne se sent pas concerné par les institutions politique. Mais la pagaille actuelle, conséquence de l’action désorganisée du gouvernement, aggrave considérablement le problème.
Le gouvernement se contredit et sème la confusion
D’une indifférence exaspérée, on peut passer à des manifestations de refus et d’hostilité de plus en plus partagées. Les décisions incohérentes, les mensonges éhontés, sapent chaque fois un peu plus le consentement du peuple aux institutions.
Quand la porte-parole du gouvernement affirmait pendant le confinement que le masque est inutile, contre toute évidence, puis, début septembre, le ministre de la santé a osé prétendre que ce n’est pas parce qu’il y avait une pénurie qu’on a tenté de dissuader les français de porter le masque, personne ne peut raisonnablement le croire.
Quand la politique de test est claironnée à coup de million de tests par semaine, alors que chacun constate que c’est impossible d’avoir un rendez-vous, et que le résultat est donné après qu’il ait perdu toute utilité, personne ne peut comprendre.
Quand on interdit ou limite les réunions familiales et amicales, les bars, les restaurants, mais qu’on autorise les métros bondés, la présence au bureau, les écoles et amphithéâtres des universités, les avions, les supermarchés, les lieux de culte, personne ne comprend la cohérence sanitaire.
Quand le protocole sanitaire a été assoupli dans les écoles pour éviter de fermer les classes, donc éviter que les parents n’aient à trouver une solution de garde, pas parce qu’il est démontré qu’il y a moins de risque de contamination.
Quand il faut plus de 24h au gouvernement pour actualiser son site internet pour informer les citoyens sur ce qu’ils peuvent faire et ne pas faire.
Quand Olivier Véran ne parle pas des piscines dans sa conférence de presse, mais que le lendemain on annonce qu’elles seront fermées dans les départements en zone d’alerte renforcée et zone d’alerte maximale… mais que le surlendemain on annonce que finalement elles seront ouvertes pour les enfants inscrits dans des associations sportives.
Là-dessus le Premier ministre veut « responsabiliser » les français, parce que d’après lui ils ne respecteraient pas assez les règles. Mais laquelle respecter quand elles se contredisent ?
L’instrumentalisation des mesures sanitaires alimente le doute sur leurs véritables motivations
Tout est fait pour que tout ce qui est plaisant, et fait la joie de la vie, soit interdit, alors que tout ce qui relève du travail, et qui n’expose pas moins, voire davantage, au virus, soit autorisé. Que le vieux rêve du patronat de contrôler tout le temps de vie des travailleurs est en train d’advenir, sous prétexte sanitaire. Que le contrôle que la société exerce sur le temps et les corps est achevé : la vie n’est plus que travail et sommeil.
La crise sanitaire est réelle, mais en profitant de la situation pour faire passer des reculs sociaux, un contrôle accru de la population par des techniques invasives, le gouvernement sabote sa propre action sanitaire. Il crée la confusion entre le sanitaire, et sa politique autoritaire. En suscitant l’opposition légitime à son autoritarisme, il crée une opposition aux politiques sanitaires. Elles ne sont plus perçues que comme un volet de l’arsenal répressif, un simple prétexte au contrôle des libertés, et pas comme une mesure nécessaire pour enrayer l’épidémie.
Le gouvernement encourage le complotisme en alternant entre minimisation du risque, et infantilisation de ceux qui le prendraient trop à la légère
En ayant cherché initialement à minimiser la crise, parce que les élections municipales arrivaient, les autorités ont très tôt créé les conditions de la confusion. On se souvient de Agnès Buzyn disant qu’il y avait très peu de chances que l’épidémie arrive en France, avant d’abandonner son poste pour être candidate… avant de dire au lendemain du premier tour qu’elle savait depuis janvier que le « tsunami » allait frapper très durement la France, et qu’elle en avait avisé le Président et le Premier ministre.
On se souvient que début mars, le Président de la République encourageait les français à aller au théâtre et à sortir, en donnant l’exemple, alors qu’il a déclaré le confinement une dizaine de jours plus tard.
On se met à craindre qu’il ne recommence, récemment il encourageait les français à participer aux journées du patrimoine malgré tout. Et moins d’une semaine après, des départements sont classés en alerte renforcée. Des restaurants sommés de fermer séance tenante, alors que ceux-ci ont des stocks de denrées périssables qu’ils risquent de perdre. La fermeture abrupte en mars a déjà occasionné des pertes considérables pour les restaurateurs.
Difficile, au juste, de se faire une idée précise sur l’état de l’épidémie, dans ces conditions. Légitimement, tout le monde se pose des questions, et la saturation d’avis contradictoires des experts sur les médias n’aident pas comprendre. On craint d’être naïf, comme d’être trop vigilant. A force de confusion, personne ne peut plus faire confiance aux autorités.
Des mouvements se lèvent contre le port du masque, arguant que l’épidémie serait une fiction. Comment s’en étonner, alors que le gouvernement a dit tantôt qu’ils étaient inutiles voire dangereux, tantôt qu’ils sont obligatoires ?
Le gouvernement a été incapable de profiter du répit de l’été pour anticiper et préparer l’arrivée de la deuxième vague
Le consentement à l’autorité de l’Etat est d’autant plus érodé que persiste une impression très nette d’improvisation et de cafouillage. Encore peut-on admettre que la vitesse et l’ampleur de la pandémie aient pu surprendre en février-mars, quoi que le rôle des services de l’Etat est aussi d’anticiper les menaces.
Mais que quelques jours avant la rentrée scolaire, il n’y ait toujours pas de nouveau protocole sanitaire est impensable. Que l’été n’ait pas été mis à profit pour s’organiser incroyable. Que près de 6 mois après l’arrivée du virus, on en soit encore à commencer à envisager une priorisation et organisation des tests. Que le masque soit obligatoire, mais toujours pas gratuit. Qu’aucune question qui se posait lors du déconfinement n’a été réglée.
Le court répit de l’été aurait pu être mis à profit pour organiser la vie concrète et matérielle du pays, et se préparer à une reprise de l’épidémie annoncée partout. Au mieux, la préparation n’aurait pas servi, ou servi ultérieurement, si une telle reprise n’advenait pas. Mais cela aurait en tout cas permis d’éviter une nouvelle improvisation.
Car, on l’a vu, les mesures qui ralentissent la propagation de l’épidémie demandent une grosse organisation sociale. Elles ne peuvent reposer angéliquement sur les « gestes individuels » : les causes sociales de la maladie se voient nettement sur les cartes de la contamination. Non seulement il est criminel d’exposer les gens à la maladie, mais il est en plus insultant de faire reposer sur eux la responsabilité de la contamination.
L’organisation de notre société suppose les concentrations de personnes. Déconcentrer implique une planification sérieuse : organiser du télétravail, et prévoir les modalités de roulement de celles et ceux qui ne le peuvent pas, organiser des roulements dans les écoles, embaucher du personnel supplémentaire pour réduire les groupes d’enfants, développer l’offre de transport public, organiser l’utilisation des bâtiments vides comme les gymnases, etc.
La réponse sanitaire demande également à être planifiée et préparée : embaucher du personnel, rouvrir des lits dans les hôpitaux, reconstituer les stocks.
Au lieu de ça, ils ont multiplié les a-coups, les changements de protocoles et Ils n’ont pensé qu’aux chiffres, à la reprise de l’économie, dans l’espoir vain que la pandémie soit derrière nous. Je l’ai dénoncé très clairement aux questions au gouvernement le 29 septembre, et tout ce que le gouvernement trouve à me répondre est que tout est très clair. Ah bon ?
Comment faire confiance à un gouvernement qui démontre jour après jour qu’il est incapable de planifier ou d’organiser quoi que ce soit ?
Les institutions s’opposent entre elles, ajoutant à la confusion
Dans ce contexte, il n’est pas étonnant qu’il y ait de vastes mouvements d’opinion qui n’acceptent pas les décisions du gouvernement. La crise de l’autorité de l’Etat est telle que les institutions s’opposent entre elles.
Ainsi, les élus de la région PACA refusent la décision de l’Etat de fermer, sans aucune concertation, les bars et restaurants de la métropole d’Aix-Marseille. Ils ont intenté un référé contre l’Etat. C’est donc à la justice de trancher un litige sur les mesures sanitaires, comme sur l’autorité de l’Etat.
Autorité elle-même menacée, puisque certains restaurants, bravant l’interdiction, ont ouvert leurs portes.
Laissons de côté les fadaises qui consistent à opposer une décision « prise de Paris » et « prise dans les territoires » pour justifier l’opposition. Car ce n’est pas la spécificité de la région qui est en cause, pas plus que le centralisme. Ce qui est en cause, c’est l’impréparation totale des mesures, l’incapacité à se concerter même minimalement avec les élus locaux, la tendance à confondre tous les rôles, à faire des maires des sortes d’exécutants des décisions des Préfets suivant par là les directives du gouvernement.
Nous en sommes à un tel état de délabrement de l’Etat, que plus personne ne sait qui doit faire quoi. Pendant le confinement, nous avons déjà assisté à des pagailles engendrées par l’incapacité de l’échelon national à organiser la riposte sanitaire. Lassées d’attendre, des régions ont commandé des masques pour leurs hôpitaux. Mais celles-ci ont été réquisitionnées par l’Etat pour les affecter aux régions prioritaires, creusant l’incompréhension.
Plutôt que de proposer une réponse concertée et organisée à cette nouvelle crise sanitaire, les initiatives disparates, contradictoires, changeant rapidement, continuent à semer la confusion.
La confusion est à son comble quand des recours sont faits contre certaines mesures. Les salles de sport de Rennes pourront donc ouvrir par décision du juge des référés, contre l’arrêté de la préfète d’Ille-et-Vilaine. À quelques heures d’intervalle pourtant, le tribunal administratif de Lille a lui rejeté la demande. Dans le même esprit, les tribunaux de Bordeaux, Nice et Rouen ont aussi confirmé la fermeture des salles de sport. Voilà la différenciation territoriale appliquée selon l’appréciation des juges des référés ! Les professionnels avancent que dans une salle de sport, on a le nom et le contact de tous les adhérents, contrairement aux bars, qui sont autorisés, et n’ont pas de registres de présence.
Enfin, on assiste à des pratiques féodales d’un genre nouveau, où les élus locaux vont plaider leur cause auprès des ministres, pour éviter le passage en zone d’alerte maximale. Ainsi, Martine Aubry, la maire de Lille a obtenu lors de la réunion à Matignon avec le Premier ministre un sursis de dix jours, le temps d’évaluer l’évolution de la situation sanitaire.
La crise sanitaire peut se transformer rapidement en crise des institutions
Les conséquences de ce travail de sape qu’organise le gouvernement contre sa propre autorité pourraient être terribles. La crise sanitaire s’est déjà transformée en crise économique, puis en crise sociale. La suite pourrait être une crise politique sans précédent depuis le début de la Ve République.
On aurait tort de se réjouir trop vite, en tant qu’opposants politique, de la déconfiture de son adversaire politique, et de la perte de confiance en lui. Car le gouvernement ne sabote pas seulement sa propre autorité. Il sabote surtout l’idée de toute autorité politique. Après avoir promis un monde nouveau, qui ressemble furieusement à l’ancien, comment croire à quoi que ce soit ? Des pans entiers du peuple ne font plus confiance à rien ni à personne. Comment reconstruire une société politique sur un tel sentiment de défiance ?
La France insoumise propose une sortie par le haut. Les institutions de la Ve République ont démontré qu’elles étaient rigoureusement incapables de répondre à la crise démocratique. Nous proposons une Constituante pour une 6e République, afin que le peuple lui-même refonde les institutions et l’équilibre du pouvoir.