Linky : de nombreux citoyens s’opposent à l’installation forcée de ces compteurs chez eux. des mairies prennent des arrêtés pour interdire la pose forcée. Mais de tels refus manquent de sécurité juridique. Le 16 mai 2018, Bastien Lachaud a déposé une proposition de loi visant à permettre aux maires et aux consommateur·trices de s’opposer à l’installation de compteurs électriques Linky.
Celle-ci devrait aider les citoyen·nes qui luttent contre la prolifération des compteurs Linky dont les dangers sont nombreux : atteinte à la vie privée et aux libertés individuelles, risques d’incendie, production d’ondes électromagnétiques probablement cancérigènes…
Ces constats ont été appuyés par de sérieuses études scientifiques et la nocivité du Linky a notamment été dénoncée par UFC-Que choisir.
Pour toutes ces raisons, de nombreux citoyens et quelques municipalités ont refusé la pose du Linky, en vain car la justice a fini par ne pas leur donner raison.
La loi doit donc prendre en compte cette inquiétude et protéger toutes celles et ceux qui s’engagent contre les compteurs électriques Linky.
Bastien Lachaud a également tenu une réunion publique à Pantin à ce sujet.
PROPOSITION DE LOI
tendant à permettre aux consommateurs et aux maires de s’opposer à l’installation de compteursélectriques dits intelligents,
(Renvoyée à la commission des affaires économiques, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)
présentée par Mesdames et Messieurs
Bastien LACHAUD, Loïc PRUD’HOMME, Jean-Luc MÉLENCHON, Mathilde PANOT, Michel LARIVE, Caroline FIAT, Éric COQUEREL, Clémentine AUTAIN, Alexis CORBIÈRE, Ugo BERNALICIS, Danièle OBONO, Jean-Hugues RATENON, Muriel RESSIGUIER, François RUFFIN, Sabine RUBIN, Bénédicte TAURINE, Hubert WULFRANC, M’jid EL GUERRAB,
députés.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Partout en France, la colère monte à l’égard des compteurs d’électricité dits intelligents. Les collectifs « Stop Linky » se multiplient. Plus de 500 communes ont voté des délibérations tendant à arrêter l’installation des compteurs, annulées par la justice lorsqu’elles sont attaquées.
Ces nouveaux compteurs électriques, promus par Enedis (ex-ERDF), capte la consommation électrique de l’habitation (sur un laps de temps pouvant être réduit à 10 minutes (1)) et envoient ensuite cette information à un concentrateur électrique situé dans le quartier. Ce concentrateur peut lui aussi envoyer des informations au compteur individuel Linky. Tous ces échanges d’information utilisent le courant porteur en ligne (CPL). Le CPL consiste en un signal électrique d’une plus haute fréquence qui vient se superposer au courant électrique dans les câbles existants. Cette innovation doit permettre de mesurer la consommation réelle, sans intervention de relève par le technicien, et d’obtenir une facture plus précise que celle calculée à partir de simples estimations. Elle permet également de couper l’électricité d’un compteur à distance et doit permettre de commander à distance l’arrêt de certains appareils (2).
Aujourd’hui, 7,3 millions de compteurs ont été installés dans 4 200 communes. En décembre 2017, Enedis affirmait que 28 000 compteurs étaient posés chaque jour par 3 000 installateurs sur le terrain. Ses objectifs sont les suivants : 16 millions de compteurs installés d’ici la fin de l’année 2018, 39 millions d’ici 2021.
Les arguments des consommateurs et des collectivités opposées à ces compteurs sont de plusieurs ordres.
Premièrement, ils peuvent affecter considérablement la vie des personnes électrosensibles. À Grenoble fin 2016, une iséroise a d’ailleurs obtenu de la justice le retrait d’un compteur d’eau à radiofréquences. Le tribunal a également interdit la pose d’un compteur à radiofréquence Linky chez elle. L’ONG Robin des toits estime que le nombre de personnes atteintes d’électro sensibilité en France est sans doute comparable aux proportions évaluées en Suède, soit « environ 4 % d’EHS déclarés et 10 % si on ajoute ceux qui s’ignorent ». Cette proportion semble « en croissance permanente en raison de la généralisation des émissions ». Il s’agit donc d’un problème de santé publique.
Ensuite, les craintes relatives à la protection de la vie privée sont majeures. Le fonctionnement intrinsèque de ces compteurs implique le traitement de données à caractère personnel. Le fait que les consommateurs ne puissent s’opposer à l’installation de tels boîtiers, qui enregistrent des données personnelles, semble en contradiction avec le règlement (UE 2016/679) du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des données physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données. Ce texte communautaire consacre le principe selon lequel le consentement des personnes au traitement de leurs données personnelles doit être donné de façon libre, manifeste, spécifique, éclairée et univoque. Aucun traitement de données à caractère personnel ne peut être réalisé par défaut, même s’il est accompagné d’une option de sortie. C’est pourtant bien ce qui se passe dans cette affaire de compteurs « intelligents ». Le 27 mars 2016, la CNIL a d’ailleurs estimé que le consentement demandé aux clients pour la collecte de leurs données de consommation toutes les demi-heures n’était pas « libre, éclairé et spécifique ». Elle a mis en demeure la société Direct Énergie en raison d’une absence de consentement à la collecte des données de consommation issues du compteur communicant Linky, en lui demandant de se conformer à la loi dans un délai de trois mois.
Par ailleurs, ce nouveau système permet de couper l’électricité à distance. Légalement et pour l’instant, les cas autorisant le gestionnaire du réseau à couper l’électricité à distance sont limités : appartement inoccupé en cas de départ d’un consommateur sans remplacement, pour délester le réseau suite à des problèmes d’approvisionnement sur une zone localisée et enfin à la demande de l’occupant. Néanmoins, si Enedis ne peut pour le moment couper l’électricité à distance en cas d’impayé (la commission de régulation de l’énergie impose à Enedis de faire se déplacer un technicien), cette technologie permettrait de le réaliser à l’avenir.
L’UFC-que choisir dénonce le manque d’intérêt économique que présente le déploiement de ces compteurs. Elle a alerté sur les risques d’augmentation de la facture des consommateurs. Selon une étude réalisée pour le compte de la CRE, la mise en œuvre des compteurs intelligents devrait permettre l’amélioration du réseau. Le gestionnaire de réseau pourrait faire d’importantes économies, qui doivent en principe compenser le coût d’installation des nouveaux compteurs, estimé à près de six milliards d’euros. On peut douter d’une telle compensation. Surtout, les personnes chez qui le compteur Linky a été installé se plaignent de surfacturations, de dysfonctionnement, et de destructions d’appareils électroménagers. Plus encore, la Cour des comptes (3) pointe une augmentation des tarifs liés au comptage dès 2021 et ce jusqu’à 2029 avec un surcoût comparativement à une situation où le programme Linky n’aurait pas été mis en place.
Lorsque les conseils municipaux se sont inquiétés de ces questions, leurs délibérations ont systématiquement été annulées par le juge administratif, saisi par Enedis, pour défaut de compétences notamment. Lorsque les citoyens s’opposent à l’installation de ces compteurs chez eux, Enedis leur oppose une fin de non-recevoir. Refuser Linky est théoriquement possible, mais juridiquement particulièrement ardu pour le consommateur.
Pour toutes ces raisons, il nous semble urgent que la loi autorise les citoyens et les municipalités à refuser l’installation de cette nouveauté technologique. C’est le sens de l’article unique de la présente proposition de loi.
PROPOSITION DE LOI
Article unique
Après le deuxième alinéa de l’article L. 341-4 du code de l’énergie sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :
« Il ne peut être procédé à une installation des dispositifs prévus à l’alinéa précédent sans le consentement exprès et écrit du consommateur. Toute installation réalisée sans ce consentement est constitutive d’un délit d’atteinte à la vie privée tel que prévu à l’article 226-4 du code pénal.
« Les municipalités, par délibération du conseil municipal, peuvent s’opposer à l’installation de tels dispositifs. »
« Tous les dispositifs de ce type sont échangés contre un dispositif classique sur simple demande du consommateur. »