Question écrite sur l’emploi illégal des services civiques

Plusieurs articles de presse ont document des emplois illégaux des services civiques. Ces jeunes sont censés s’engager pour une mission d’intérêt général. Mais trop souvent, et de plus en plus systématiquement, ils remplacent en fait des emplois aidés, et font office de main d’œuvre bon marché, corvéable à merci. En

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Plusieurs articles de presse ont document des emplois illégaux des services civiques. Ces jeunes sont censés s’engager pour une mission d’intérêt général. Mais trop souvent, et de plus en plus systématiquement, ils remplacent en fait des emplois aidés, et font office de main d’œuvre bon marché, corvéable à merci.

En décembre 2020, une nouvelle enquête confirme que d’innombrables services civiques font des missions qui devraient être alloués à des travailleurs à temps plein, voire à des fonctionnaires.

Question écrite au gouvernement, publiée le 01/10/2019 :

M. Bastien Lachaud interroge Mme la ministre du travail sur la nature des missions confiées aux personnes faisant un service civique, notamment en ce qui concerne le risque que leur soient confiées des missions qui relèvent d’emplois pérennes dans l’administration, les écoles et Pôle emploi. Il faut rappeler que le service civique, créé en 2010, permet à des jeunes entre 16 et 25 ans, sur la base du volontariat, d’effectuer une mission d’intérêt public sur une période allant de 6 à 12 mois, dans une association (deux tiers des engagés), un service d’État (17 % des volontaires) ou encore un établissement public (10 % des jeunes).

Son financement est assuré par l’État, qui indemnise les volontaires entre 580 euros et 680 euros par mois. Entre 2013 et 2017, le nombre des engagés a bondi de 35 000 à 135 000 jeunes par an. Ainsi, le phénomène n’est pas anodin, il est donc primordial de se pencher sur le cadre de mise en œuvre de ces services civiques.

Le site www.service-civique.gouv.fr déclare « une mission pour chacun au service de tous ». Or il semble que les missions confiées aux volontaires s’apparentent de trop nombreuses fois à des missions qui devraient relever de salariés. De nombreux articles de presse alertent sur cette dérive.

D’après Mediapart, dans un article « L’école remplace ses emplois aidés par des services civiques », en date du 8 janvier 2018, l’éducation nationale auraient remplacé petit à petit ses contrats aidés par des services civiques. Plus récemment, Le Monde diplomatique faisait état en août 2019 dans un article « Peut-on vivre sans internet ? » de ses jeunes recrutés en service civique à Pôle emploi « pour un demi-smic, vingt-huit heures par semaine, avec pour seule tâche de diriger les demandeurs d’emploi vers les écrans ».

En 2018, 2 800 engagés auraient ainsi travaillé dans ces conditions. Enfin, l’administration n’est pas en reste. Le ministère du travail lui-même informe de l’utilisation de ces services civiques, main-d’œuvre peu coûteuse, dans les préfectures, via un compte-rendu du Conseil des ministres du 6 septembre 2017 : « la ministre du travail a rappelé que les préfets […] disposent désormais d’une souplesse de gestion accrue dans l’utilisation des crédits : adaptabilité des taux de prise en charge et des durées, fongibilité, mobilisation du service civique ». M. le député demande une vigilance toute particulière à Mme la ministre.

Les personnes en service civique ne doivent pas avoir pour vocation à remplacer des emplois pérennes, comme cela semble être le cas à Pôle emploi par exemple. Pareillement, les écoles ou l’administration doivent pouvoir continuer à fonctionner sans ces services civiques. Ce glissement d’attribution de postes de salariés à des services civiques pose des problèmes en terme de formation des engagés. En effet, ils ne sont pas aptes, à raison d’une formation de 2 jours, à répondre aux tâches normalement dévolues à un salarié qualifié, ce qui rend impossible d’assurer un service public de qualité.

Cela n’est une bonne chose ni pour les personnes, qui se voient confier des missions soit pénibles et répétitives, soit qui demanderaient une réelle formation et qu’ils peinent à faire, ni pour la qualité du service public. Cela fait complètement perdre le sens de l’engagement au service du bien commun. Ensuite, la précarité des jeunes est renforcée, voire institutionnalisée, en les faisant travailler à temps plein pour un demi-Smic, alors que plus de 48 % des engagés sont initialement des demandeurs d’emploi.

Il ne faudrait pas que le service civique devienne pour les administrations un moyen commode d’avoir, en réalité, une main-d’œuvre sous-payée, mal formée, corvéable à merci, variable d’ajustement des services, perdant ainsi complètement le sens de l’engagement au service du bien commun qu’il devrait être.

Le service civique ne peut pas être le seul pis-aller offert aux jeunes, qui n’ont pas encore le droit au RSA, qui ne parviennent pas à trouver d’emploi, et qui doivent se résoudre à faire un service civique pour avoir au moins quelques revenus. C’est d’autant plus scandaleux si, en fait, ils occupent des postes d’emploi salariés, mais qu’ils ne peuvent briguer car ils ont, de fait, été remplacés par des services civiques.

Ainsi, il souhaite savoir quelles dispositions elle entend prendre afin de veiller à ce que ne s’opère pas une systématisation du recours au service public pour des missions pérennes qui devraient être attribuées à des salariés.

Lire la réponse du gouvernement, publiée le 03/03/2020 :

Le rapport du Président du Sénat « La nation française, un héritage en partage », remis le 15 avril 2015 au Président de la République, avait mis en perspective les points de vulnérabilité de la cohésion nationale qui fragilisent et remettent en cause le sentiment d’appartenance à la République. Ces valeurs qui ont longtemps été perçues comme des leviers de progrès social et politique doivent aujourd’hui être réaffirmées au service d’un projet collectif partagé par tous.

A la suite des évènements dramatiques que la France a connus, les citoyens l’ont montré, la République doit s’incarner autour de moments collectifs. Ils ont fait état de leur envie profonde d’être utiles et de servir le bien commun. Par ailleurs, toutes les études sur le fait bénévole et les volontariats démontrent que l’engagement au service de l’intérêt général renforce le sentiment d’utilité des personnes engagées et contribue à conforter l’estime de soi.

Dans ce cadre, le renforcement de la cohésion nationale qui doit s’appuyer sur l’expérience de la mixité sociale et territoriale comme sur la valorisation des territoires, le développement d’une culture de l’engagement ainsi que l’accompagnement de l’insertion sociale et professionnelle, s’appuient sur le service civique. Pour 2020, les moyens dédiés au dispositif sont une nouvelle fois renforcés dans le cadre de la loi de finances.

Avec une hausse de 13 millions d’euros par rapport à l’année 2019, les moyens de l’Agence du service civique atteignent 508 millions d’euros. Le service civique poursuit ainsi son développement dont la montée en charge doit s’accompagner d’un renforcement de la qualité de l’accompagnement des engagés et des organismes d’accueil.

Le Gouvernement est attentif à ce que les jeunes en service civique bénéficient de missions épanouissantes et qui, conformément au garde-fou mentionné à l’article L.120-9 du code du service national, ne permettent pas de remplacer un salarié ou un agent public même si les tâches concernent le projet d’intérêt général de l’organisme d’accueil.

Pour ce faire, un programme de contrôle est mis en œuvre par l’Agence du service civique et ses délégués territoriaux. Plus de 10% des structures d’accueil sont contrôlées chaque année et, de même, plus de 10% des jeunes en mission sont accompagnés dans le cadre du suivi de la qualité des missions et du respect de la réglementation.

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