Le gouvernement a déposé hier matin au Sénat un amendement de dernière minute sur le projet de loi relatif à l’élection présidentielle. Ce texte soi-disant technique devait simplement revenir sur les évolutions du code électoral depuis 2017.
En fait, il pourrait apporter une évolution majeure dans les modalités de scrutin :
– la possibilité d’un vote par anticipation une semaine avant la date du scrutin
– uniquement sur les chefs lieu de département
– uniquement sur des machines à voter
C’est une évolution majeure du mode de scrutin qui n’a fait l’objet d’aucun débat, d’aucune étude d’impact. Le texte présenté en janvier à l’Assemblée nationale ne comportait pas cette évolution, il n’en a jamais été question.
Or, les cyberattaques sur des hôpitaux français ces derniers jours montrent la vulnérabilité de nos systèmes informatiques, y compris pour des institutions aussi essentielles à la réponse à la pandémie actuelle
.La généralisation de ce mode de scrutin fait craindre la possibilité de frauder par une intrusion dans les systèmes.Il faut un débat public approfondi sur les modalités du scrutin : une telle évolution ne peut se décider à la dernière minute.
Je m’oppose résolument à la généralisation des machines à voter, parce que leur sécurité ne peut pas être garantie, et que leur utilisation fait peser les soupçons de fraude sur le résultat de l’élection présidentielle.
Seul le vote papier permet un dépouillement public, et un contrôle populaire sur le résultat du scrutin.
Lire le texte du discours :
Madame la Présidente, Madame la Ministre, Mes chers collègues,
Les élections régionales et départementales vont donc être reportées à un temps que l’on espère plus serein pour la délibération démocratique, avec une situation sanitaire permettant de faire une campagne politique. Car, et on ne le répétera jamais assez, une élection ne se résume pas au jour du scrutin ! Il faut un affrontement programmatique des candidats, et la présentation aux citoyens qui s’apprêtent à voter des différents choix qui s’offrent à eux. Ainsi, puissent trancher de manière véritablement libre et éclairée.
Sans campagne, un scrutin ne peut pas être sincère, car les citoyens ne peuvent pas véritablement connaître les intentions des différents candidats.
Nous espérons qu’en juin les conditions pour mener une campagne seront meilleures qu’actuellement. Toutefois, je m’inquiète du respect du rapport Debré, qui affirmait que « la sincérité des scrutins suppose que la campagne qui les précède se tienne, pour quelques mois, en dehors d’une loi d’état d’urgence sanitaire votée par le Parlement ».
Or, nous venons de voter le prolongement de l’état d’urgence sanitaire jusqu’au 1er juin ! Donc la campagne pour les élections régionales se déroulera tout au plus sur deux semaines hors de l’urgence sanitaire.
La loi prévoit un rapport sur la généralisation des machines à voter : nous sommes totalement opposés à cette idée. Le vote doit être protégé, et le résultat du scrutin pouvoir être garanti sincère. Le vote est, et doit rester personnel, et protégé de toute influence.
C’est tout l’objet du rituel du vote, de l’isoloir, de l’urne qui est protégée par plusieurs assesseurs, et de la publicité du dépouillement. Avec une machine à voter, rien de tout ça ! Des résultats s’affichent et on est priés de les croire.
Mais à quoi va servir ce rapport ? Car la loi demande un rapport sur les machines à voter, mais ce matin même le gouvernement a déposé un amendement au Sénat pour ouvrir la possibilité d’un vote par anticipation sur des machines à voter aux élections présidentielles ! Pendant une semaine avant le scrutin !
Et cette idée sortie du chapeau du gouvernement à la dernière minute n’a été délibérée nulle part ! Par personne ! Devant notre assemblée, le sujet n’a même pas été évoqué. On nous a parlé d’un simple texte technique pour reprendre les évolutions du code électoral depuis 2017, mais qu’il n’était pas question de toucher aux éléments généraux du scrutin. Sur cette hypothèse, nos amendements ont même été écartés sans débat, sous prétexte qu’ils seraient hors sujet.
J’alerte sur un scandale démocratique à venir !
En une semaine, deux de nos hôpitaux ont été hackés, paralysant notre système de santé, freinant la campagne de vaccination.
Nous ne sommes même pas capables de protéger des institutions aussi essentielles en temps de pandémie contre les intrusions. Mais on va nous expliquer que nous serons capables de protéger l’ensemble des machines à voter dans ce pays ! On nous rebat les oreilles avec la peur de l’ingérence russe dans les élections, mais on remet volontairement à disposition le résultat de nos scrutins à l’habileté des hackeurs ! C’est ridicule ! Les bulletins papier et les urnes, le dépouillement public, ce n’est pas du temps et de l’argent perdu, c’est un gage du contrôle populaire sur la sincérité du scrutin.
Y renoncer, c’est renoncer encore un peu plus à la possibilité pour les citoyens d’avoir confiance dans le système institutionnel – confiance presque déjà perdue.
L’élection présidentielle serait ainsi aux mains des hackeurs ! Votre projet est la destruction méthodique de ce qui reste de la démocratie. Ce qui retient le peuple français loin des urnes, ce n’est pas l’impossibilité matérielle de s’y rendre. C’est la certitude profonde, confirmée d’année en année, élection après élection, que tout ceci n’est qu’une mascarade à l’apparence démocratique, mais qui a pour unique but d’entériner des décisions qui ne changeront rien. Notre démocratie est malade. Notre démocratie est profondément abîmée. Depuis la forfaiture du traité de Lisbonne, rejeté par référendum, mais imposé quelques années plus tard par un vote du Parlement bafouant la souveraineté populaire, comment avoir confiance ?
Au lieu d’aggraver le mal, il faut le résoudre. La France insoumise propose depuis des années la convocation d’une Assemblée nationale Constituante, qui travaillerait en parallèle des institutions, pour donner une nouvelle Constitution à notre pays.
Une Constitution écrite par et pour le peuple, au lieu de cette Constitution vermoulue, rafistolée, aux institutions désertées par le peuple. En raison de l’action du gouvernement ce matin sur le projet de loi organique sur l’élection présidentielle au Sénat ce matin, notre groupe votera contre ce texte.