Il es primordial pour la prévention des noyades que les enfants puissent apprendre à nager à l’école. Pourtant, en Seine-Saint-Denis, un élève sur deux entre au collège sans savoir nager. C’est la conséquence du manque d’infrastructures dans le département, qui ne permet pas aux écoles de faire toutes les séances d’apprentissage de la nage pourtant prévues par les programmes.
Ce sont les enfants des classes populaires qui ne peuvent bénéficier de cette politique publique, alors que ce sont ceux qui ont le plus besoin d’apprendre à nager à l’école.
Le nombre de noyades accidentelles est en augmentation nette chez les enfants. Il est urgent d’apprendre à tous les enfants à nager.
Question au gouvernement posée le 21/09/2021 :
M. Bastien Lachaud interroge M. le Ministre de l’Éducation nationale, de la Jeunesse et des Sports sur l’apprentissage de la natation à l’école.
L’enquête sur les noyades de Santé Publique France publiée en juin 2021 a conclu à une augmentation du nombre de noyades accidentelles (1266 en 2015 et 1649 en 2018), cette augmentation est observée essentiellement chez les moins de 13 ans, et chez les enfants de moins de 6 ans, la hausse est de 96 %. À ce point que la noyade accidentelle est la première cause de mortalité par accident de la vie courante pour les moins de 25 ans.
Pourtant, l’apprentissage de la natation est décrit comme une priorité nationale, et est inscrit dans les programmes d’éducation physique et sportive de l’école primaire comme du second degré.
Vous-même, alors Directeur Général de l’Enseignement Scolaire sous la présidence de Nicolas Sarkozy, écriviez en 2010 dans une lettre adressée aux recteurs qu’« apprendre à nager à tous les élèves est une priorité nationale, inscrite dans le socle commun de connaissances et de compétences. »
En avril 2019, l’alors ministre des Sports déclarait dans le Parisien : « Les chiffres sont alarmants. L’an dernier, 332 noyades accidentelles ont été recensées chez les moins de 6 ans. C’est 85 % de plus qu’en 2015. Aujourd’hui, l’apprentissage de la natation commence au CP, c’est trop tard ! (…) Résultat, la moitié des collégiens, en fin de 6e, ne savent pas bien nager. Ce n’est pas acceptable. On va donc proposer un changement de méthode. »
Les déclarations de bonnes intentions se succèdent, mais la pratique de la natation en milieu scolaire n’évolue guère.
En effet, trop souvent les conditions matérielles empêchent un apprentissage réel de la natation à l’école, du fait de l’absence de bassins à proximité de nombre d’établissements scolaires.
Par exemple, l’association les Libres Nageurs a organisé le 1er mars 2021 une baignade revendicative et solidairedans le bassin du Mucem à Marseille. Par cette action, elle demande l’aménagement d’une piscine publique et dénonce le manque d’infrastructures sportives pour les habitants des quartiers Nord. Cela a des conséquences : 40 à 45 % des élèves de sixième à Marseille ne savent pas nager. Un comble, et un danger sérieux pour une métropole située au bord de la mer. Les écoliers marseillais ne bénéficient souvent que d’un seul cycle de natation, au cours de leur CE2, au lieu des trois prévus par l’Éducation nationale.
La Seine–Saint-Denis est le département le plus mal loti, avec 36 bassins pour ses 1,5 million d’habitants. Ainsi, de nombreuses écoles doivent renoncer à apprendre à nager aux élèves, faute d’infrastructures, ou doivent faire de longs trajets, temps de trajet qui n’est plus disponible pour d’autres apprentissages. Des élèves d’Aubervilliers, dans la circonscription de M. Bastien Lachaud, doivent aller à Villepinte pour apprendre à nager. Ainsi, ce sont les enfants des familles les plus défavorisées pour lesquels l’Education nationale fait le moins pour leur apprendre à nager, alors que ce sont ceux qui en ont le plus besoin. Au total, près d’un enfant sur deux dans le département ne sait pas nager à son entrée en 6e.
Il manque 250 000 m2 de piscines couvertes en France, selon la Fédération française de natation (FFN). La moitié des piscines publiques est découverte, elles ne permettent donc pas une pratique toute l’année. Les bassins de proximité ont souvent été fermés au profit de complexes sportifs situés plus loin, et plus onéreux, devant difficilement accessibles pour nombre de familles. Cela est valable pour nombre de ville de taille moyenne, mais aussi à la campagne. Au lieu d’être le lieu d’un apprentissage régulier, la piscine finit par être une sortie ludique rare, car coûteuse et lointaine. Or l’apprentissage de la nage demande une pratique régulière.
La piscine qui doit être construite à Aubervilliers, dans le cadre des JO2024 n’échappe pas à cette règle. Le complexe sportif pourra servir en partie à l’apprentissage scolaire de la natation. Mais les tarifs d’un complexe de loisir comprenant un espace de fitness, un hammam et un solarium dont la gestion a été confiée au privé seront, pour assurer la rentabilité de l’ensemble, inaccessible aux familles populaires qui habitent à proximité de la piscine. À titre de comparaison, dans une ville proche un centre aquatique similaire propose une entrée à 4,80 € pour l’entrée pour les plus de 12 ans, contre 3,50 € pour la piscine municipale du centre-ville d’Aubervilliers. Aubervilliers comptera donc une piscine dont l’usage n’est pas prévu pour ses habitants, et pour la construction de laquelle des jardins ouvriers centenaires ont été détruits.
Ce projet est symbolique des errances de la politique publique en matière d’infrastructures pour l’apprentissage de la natation.
Aussi, M. Bastien Lachaud souhaite apprendre du ministre combien d’élèves ne peuvent bénéficier des cycles de natation prévus par les programmes, et à combien on peut estimer le nombre d’élèves entrant en 6e sans savoir nager, ainsi que leur répartition géographique.
Il souhaite également savoir ce qu’il compte faire pour mettre en œuvre un plan national d’urgence de construction et de rénovation des équipements sportifs, notamment des piscines, afin que tous les élèves scolarisés en France puissent apprendre à nager.
Image par Tania Van den Berghen de Pixabay