En finir vraiment avec les LGBTQI phobies

Dimanche, j’ai participé au rassemblement contre les LGBTphobies, à l’appel de SOS Homophobie et l’interLGBT, place de la République, où plusieurs milliers de personnes se sont rassemblées. Le climat LGBTQIphobe de ces derniers mois est réellement inquiétant, et fait craindre une augmentation de ce type de violences à mesure que se prolonge et est instrumentalisé le débat sur l’ouverture de la PMA à tou·te·s.

Depuis septembre 2018, la liste des agressions LGBTQIphobes des déjà bien longue et très inquiétante. Le 17 octobre, Guillaume Mélanie, président de l’association « urgence homophobie » a été roué de coup en sortant d’un restaurant. Son association a justement pour but de venir en aide aux personnes victimes de discriminations LGBTQIphobes dans leur pays.
Dimanche 14 octobre, un couple d’hommes a été agressé par le chauffeur du VTC qu’ils avaient commandé. Samedi 13 octobre au soir, un jeune homme tabassé dans la rue parce que maquillé, le 8 octobre, deux femmes ont été agressées place de la République à Paris, un homme témoigne avoir été menacé et reçu des crachats dans le métro alors qu’il avait fait signe à son ami qui descendait du métro, à Dunkerque, un homme a été frappé alors qu’il sortait de boite de nuit avec des amis dimanche 7 octobre à Lyon un jeune homme est agressé et traité de « sale pédé », prévenue par la victime qui a eu 3 jours d’ITT, la police n’intervient pas, le 6 octobre à Paris, deux hommes sont roués de coups après les avoir insultés alors qu’ils s’embrassaient, l’homme a écopé en comparution immédiate d’un an de prison pour « violence aggravée, en réunion et en raison de l’orientation sexuelle ». La liste pourrait être beaucoup plus longue, on compte en moyenne 3 agressions LGBTQIphobes par jour.

Vers une fin du tabou sur les LGBTQIphobies ?

Quoique l’augmentation des signalements n’implique pas nécessairement une augmentation des faits, qui ont très longtemps fait l’objet d’un tabou et d’un taux de plainte particulièrement bas. Cette augmentation des actes médiatisés pourrait, très paradoxalement, être une note d’espoir dans la mesure où les personnes qui en sont victimes peuvent enfin le faire savoir, commencer un processus de réparation d’eux/elles-mêmes et la sanction des coupables. De même que pour les violences faites aux femmes, les violences sexistes et sexuelles sont beaucoup plus visibles et beaucoup moins tolérées depuis le mouvement #MeToo, cette libération de la parole est salutaire.

Salutaire parce que le grand public « non concerné » est sensibilisé à la question, à sa récurrence (tous les jours), sa gravité (violences verbales et physiques), ce qui donne du courage aux autres victimes pour se signaler. Il est terrifiant qu’en 2018, on en soit toujours là, avec les victimes terrifiées par la honte, osant rarement porter plainte, et leurs agresseurs pouvant se pavaner dans la rue, aller parfois jusqu’à revendiquer
leurs délits.

Les mobilisations contribuent à l’amélioration de la visibilité des agressions LGBTQIphobes, longtemps reléguées à un tabou, contribuant largement à minimiser l’ampleur du phénomène. Evidemment, cela n’aide pas les personnes qui en sont victimes à parler, à porter plainte. De façon comparable à ce qu’il se passe pour les violences faites aux femmes, les victimes étaient peu nombreuses à se rendre au commissariat, d’abord parce que c’est éprouvant, indépendamment de ce dont on a été victime, de devoir raconter la scène, la revivre. Ensuite, parce que les victimes peuvent souvent craindre d’être mal reçues, mal comprises, par les personnes en charge de recueillir la plainte.

Un constat alarmant

Le rapport annuel de l’association SOS homophobie en dresse un constat consternant. En 2017, il y a eu 4,8 % de témoignages de LGBTphobies de plus, avec une augmentation de 15 % d’agressions physiques. Les premières semaines de 2018 ont vu une recrudescence des agressions : couple de lesbiennes agressé, un couple d’homosexuel insulté et menacé, des personnes trans frappées à Paris par une brigade « Anti trav ». Les actes visant les personnes bisexuelles ont vu une augmentation de 154 % dans leur signalement, et de 54% visant les personnes trans.

L’association signale une augmentation de 37% des appels sur la liste de SOS homophobie en septembre 2018 par rapport à septembre 2017. Le taux de suicide chez les jeunes LGBT est de 3 à 7 fois plus élevé par rapport au reste de la population du même âge.

Les campagnes de prévention sont insuffisantes

A l’école, un plan de lutte contre l’homophobie et les LGBTQI phobies a été annoncé le 17 mai dernier, mais à l’heure actuelle n’est toujours pas mise en place, alors que les besoins sont criants. PD est une des premières insultes au collège, un jeune homme a dû quitter son collège suite au harcèlement de ses camarades. L’éducation est un moment clé pour lutter contre les LGBTQIphobies, apprendre aux enfants à respecter les autres dans leurs différences. Mais il s’agit aussi de sensibiliser le personnel éducatif afin qu’il puisse réagir de façon appropriée, détecter au mieux les cas de harcèlement lié à l’orientation sexuelle, et être des personnes ressource pour aider les jeunes qui en sont victimes.

Responsabilité politique dans la libération de la parole LGBTQIphobe

Mais il ne s’agit pas seulement d’actes individuels. Les personnes sont responsables de leurs actes et ce sont elles qui doivent répondre devant les tribunaux des faits dont elles sont coupables. Mais cela ne doit pas permettre de passer sous silences les responsabilités politiques.

Je rappelle l’instrumentalisation coupable et irresponsables du gouvernement Ayrault pendant la loi Taubira, qui a sciemment laissé traiter les débats, monter la contestation de la dite Manif pour tous, afin de faire passer discrètement de terribles régressions sociales sur le code du travail. L’enflammation du débat public sur le mariage pour tous a donné lieu à une explosion des paroles et des actes homophobes en 2012-2013, avec une libération de la parole homophobe et LGBTQI phobe délirante. Les responsables de cette situation déplorable sont celles et ceux qui ont décidé de laisser trainer les débats, plutôt que de les tenir dans un temps raisonnable et suffisant.

Non à l’instrumentalisation des débats sur la PMA

A cet égard, le feuilleton autour de la PMA (Procréation Médicalement Assistée), dont le candidat Macron avait promis l’ouverture à toutes les personnes en faisant la demande, et pas seulement les couples hétérosexuels, est inquiétante. Car au début il s’agissait d’attendre le rapport du conseil national d’éthique. Celui-ci rendu, favorable à l’ouverture de la PMA, de nouvelles tergiversations sont inventées avec un nouveau groupe de travail, en vue de la révision de la loi bioéthique. Ces atermoiements sont dangereux pour le débat public. Loin de la légitime expression démocratique des opposants, qui a largement eu le temps de faire valoir ses arguments, déjà, il faut prendre une décision.  

A l’heure où près de la moitié des homosexuel·le·s renoncent à tenir la main de leur conjoint·e dans la rue, il est plus que temps de faire cesser, pour commencer, les discriminations légales.

Pour la fin des discriminations sur le don du sang

Le gouvernement et la majorité LREM ont pourtant raté une belle occasion de ne pas encore passer pour sectaires. Jeudi soir, était un débattue sur la journée réservée au groupe LR une proposition de loi sur le don du sang. Après avoir été presque entièrement réduit à néant, le travail en commission avait adopté un amendement permettant de faire cesser les discriminations des hommes ayant des relations sexuelles avec les hommes relativement au don du sang. En effet, ils ne peuvent donner leur sang qu’après un an d’abstinence, alors que, toutes choses égales par ailleurs, on demande aux autres donneurs·euses seulement une stabilité dans leur partenaire pendant 4 mois précédent le don. Ainsi, pour les autres donneurs·euses, seules les pratiques à risques sont ciblées, alors que pour les hommes homosexuels, c’est l’orientation sexuelle qui est excluante, même si ces personnes n’ont aucune pratique à risque et pourraient parfaitement donner leur sang si elles n’étaient pas homosexuelles.

Le débat a été animé, notamment parce que le gouvernement a donné un avis défavorable à un amendement qui était passé en commission, alors que de nombreuses voix se sont élevées pour garder cet article, y compris venant de la majorité. J’avais moi-même posé une question écrite au gouvernement, suite à une audition de SOS Homophobie que j’avais menée en tant que président du groupe d’études sur les discriminations et LGBTQIphobies dans le monde, et j’ai défendu cet article en séance. En vain, le vote a été serré, mais perdu, et à l’heure où les messages concernant la pénurie de sang sont récurrents et que l’AFS recherche toujours de nouveaux·elles donneurs·euses pour combler les besoins, et que donner son sang est présenté partout comme un acte de civisme en ayant le pouvoir de sauver des vies, des milliers de personnes sont encore exclues de ce don du seul fait de leur orientation sexuelle.

Nous devons commencer par faire cesser les discriminations légales

Samedi 13 octobre, j’ai participé à la marche Existrans, dont le mot d’ordre rappelle que la France continue à autoriser les mutilations des enfants intersexe, au nom d’une assignation dans un genre donné, alors que ces variations saines du vivant ne présentent aucun caractère pathologique ou ne menaçant aucunement le développement normal des enfants. Là encore, il serait grand temps d’en finir.