Question écrite sur la situation des forces françaises en Syrie suite au retrait des États-Unis

M. Bastien Lachaud a interpellé la Ministre des armées sur la situation des forces françaises déployées sur le théâtre syro-irakien.

Question écrite posée le 01/01/2019 :

M. Bastien Lachaud interroge Mme la ministre des armées sur la situation des forces françaises déployées sur le théâtre syro-irakien. En effet, le 19 décembre 2018, Donald Trump a fait connaître sa décision de rappeler l’essentiel du contingent des soldats « étasuniens » présents en Syrie. Cette décision intervient alors que de très nombreux observateurs rappellent que l’organisation dite « État islamique » n’est pas entièrement défaite.

Or le danger qu’elle représente pour la sécurité de la France a, jusqu’à présent, justifié la présence des forces françaises dans la région. Ainsi, l’opération Chammal s’inscrivait dans l’action d’une large coalition internationale mobilisée depuis 2014 dont les États-Unis formaient l’épine dorsale. Sur le terrain, cette coalition et les soldats français en particuliers avaient aussi bénéficié du concours décisif des forces kurdes. Or le retrait décidé par Donald Trump revient aux yeux de la majorité des observateurs à laisser libre cours à une très probable agression des armées turques, entrées sur le territoire syrien il y a déjà plusieurs semaines.

Outre son caractère illégal et inhumain cette confrontation entre armées turque et forces kurdes affaiblirait substantiellement la lutte contre l’organisation « État islamique » et représente une véritable menace pour les soldats français sur le terrain.

C’est pourquoi, il souhaite apprendre de Mme la ministre comment elle compte garantir aux forces française les moyens de mener à terme la mission que le Gouvernement leur assigne, et ce dans les meilleures conditions de sécurité possibles.

Réponse, publiée le 16/02/2021 :

Dans son dernier rapport, la commission d’enquête internationale sur la Syrie a alerté sur la gravité des violations du droit international humanitaire commises dans les régions d’Afrine et de Ras el-Aïn et imputées aux groupes supplétifs pro-turcs. Ces actes pourraient être constitutifs de crimes de guerre. Ce rapport fait état notamment de violations graves ciblant les communautés kurdes et yézidies.

Les forces armées turques sont présentes dans ces régions depuis les opérations unilatérales de janvier 2018 et d’octobre 2019. La France a condamné ces violations, comme les opérations turques dans le nord-est syrien. Au conseil des droits de l’Homme des Nations unies, la France a salué ce rapport de la commission d’enquête et marqué la profonde inquiétude que suscitent ses conclusions quant aux agissements des groupes de supplétifs syriens pro-turcs. Les allégations de déplacements forcés de population à des fins d’ingénierie démographique sont particulièrement inquiétantes.

La Turquie doit pleinement respecter, et faire respecter aux groupes sous son contrôle, le droit international humanitaire. La France est fermement engagée dans la lutte contre l’impunité des crimes commis par tous les acteurs du conflit syrien. C’est une question de justice, et c’est la condition d’une paix durable. À cet égard, elle soutient les travaux de la commission d’enquête internationale sur la Syrie, établie par le conseil des droits de l’Homme, et ceux du Mécanisme d’enquête international, impartial et indépendant, dont les travaux de collecte de preuves sont indispensables pour préparer de futures poursuites contre les responsables des crimes les plus graves.

Les juridictions nationales y contribuent également. Le recrutement par la Turquie de mercenaires syriens envoyés pour combattre sur d’autres théâtres de guerre représente un autre motif de grave préoccupation. Le ministre de l’Europe et des affaires étrangères s’est exprimé plusieurs fois à ce sujet, en particulier sur les conséquences d’une « syrianisation » du conflit libyen, qui a également touché le Haut-Karabagh.

Ces recrutements sont inacceptables et ne font qu’alimenter la poursuite et l’internationalisation de ces conflits. Ils modifient la nature de ces conflits et rendent ainsi leur résolution plus complexe. La France a été la première à dénoncer, avec la plus grande fermeté, les risques sécuritaires de long terme que de tels agissements comportent, et à y sensibiliser ses principaux partenaires, notamment européens.

Le chaos syrien et l’internationalisation de ce conflit appellent une action résolue en faveur d’un cessez-le-feu national et d’un processus politique crédible, conforme à la résolution 2254 du Conseil de sécurité. La France est pleinement engagée en faveur d’une solution juste et durable à ce conflit, qui protège les droits des Syriens issus des minorités et qui veille à ce que les auteurs des crimes les plus graves ne restent pas impunis.