Question écrite : chargement du Bahri Yanbu à Cherbourg le 6 février 2020

Le 25 février 2020, Bastien Lachaud interrogeait le ministère de l’Europe et des affaires étrangères sur l’accostage d’un bateau transportant du matériel militaire, a priori destiné à l’Arabie Saoudite, dans un port français.

M. Bastien Lachaud interroge M. le ministre de l’Europe et des affaires étrangères sur la complicité de la France dans le désastre humanitaire qui se déroule actuellement au Yémen. Dans la nuit du 6 au 7 février 2020, la Bahri Yanbu a accosté à Cherbourg pour embarquer un chargement dont le contenu reste à l’heure actuelle inconnu. Il s’agit sûrement de matériel militaire comme l’a indiqué le PDG de De Keyer Thornton à la télévision locale flamande. Ce navire saoudien est d’ailleurs bien connu des associations de défense des droits humains car il participe régulièrement au ravitaillement de l’Arabie saoudite en armes et matériel de guerre. En mai 2019, il avait été empêché par des manifestations et des actions en justice de charger des armes dans la mesure où celles-ci sont utilisées dans le massacre des populations civiles yéménites. Cependant, en dépit de l’interpellation de nombreuses associations de protection des droits humains et de promotion du droit international humanitaire, le Gouvernement ne s’est pas opposé à l’entrée et au chargement de ce navire dans le port de Cherbourg le 6 février 2020. Pire, il y a fort à parier que la France ait autorisé le chargement d’armes ou de matériel de guerre à destination de l’Arabie saoudite en violation du traité sur le commerce des armes. Par cette action, le Gouvernement se rend complice de crimes de guerre. En effet, de nombreux rapports ont fait état de la situation de crise humanitaire qui se produit au Yémen. Le massacre des civils, la destruction de leurs biens et des biens culturels sont autant de crimes de guerre qui ont été documentés et condamnés notamment par les Nations unies. Un collectif d’associations a d’ailleurs saisi la procureure près la Cour pénale internationale afin de faire condamner pour crimes de guerre les industriels et les autorités politiques impliquées dans la vente et l’exportation d’armes à destination de l’Arabie saoudite. Toutefois, malgré les appels des associations, de responsables politiques, d’institutions internationales ou la condamnation de tels actes par certains partenaires européens de la France, le gouvernement continue de soutenir la coalition menée par l’Arabie saoudite dans son opération d’anéantissement des populations yéménites. Cette situation ne peut perdurer. Le pouvoir de contrôle par le Parlement de l’action gouvernementale implique que M. le ministre communique les éléments nécessaires à l’appréciation du respect par la France de ses engagements internationaux. Aussi, il souhaite savoir quand le Gouvernement cessera de se rendre complice de crimes de guerre. Il souhaite également savoir la nature de la cargaison chargée le 6 février 2020 à Cherbourg, et notamment si celle-ci contient des armements de quelconque nature.

Le 28 avril, le ministère répondait :

La France exerce une vigilance renforcée sur ses exportations de matériels de défense vers l’Arabie saoudite et les pays engagés dans la coalition au Yémen. La France applique une politique de contrôle reposant sur une analyse rigoureuse et au cas par cas de chaque exportation. Les décisions sont prises dans le strict respect des engagements internationaux de la France, notamment les dispositions du Traité sur le commerce des armes (TCA) et la position commune 2008/944/PESC du Conseil de l’Union européenne du 8 décembre 2008, modifiée le 16 septembre 2019. Dans leurs échanges, les administrations compétentes tiennent compte de la nature des matériels, de l’utilisateur final, des questions liées au respect des droits de l’Homme et du droit international humanitaire. La sécurité des civils et le respect des engagements internationaux de la France en matière de droits de l’Homme sont une préoccupation permanente des autorités françaises. Elles prennent également en compte la stabilité régionale et les objectifs de la France en matière de soutien à la lutte contre le terrorisme. La question des exportations françaises de matériels de défense vers l’Arabie Saoudite doit également être remise dans une perspective plus large : ce pays fait également l’objet de menaces et d’atteintes à sa sécurité. Les attaques conduites contre les installations de la compagnie pétrolière Aramco le 14 septembre 2019 sont très graves et la France les a condamnées fermement. La France a également apporté une assistance concrète dans ce cadre. La priorité doit être de sortir de la guerre qui est en cours au Yémen. Il n’y aura pas de paix durable, pas d’amélioration de la situation humanitaire, pas de sécurité pour les voisins du Yémen sans solution politique. Le Président de la République et le ministre de l’Europe et des affaires étrangères sont engagés, dans leurs contacts réguliers avec les parties, pour accompagner les processus de négociations en cours. La France appuie pleinement tous les efforts menés par l’Envoyé spécial des Nations unies Martin Griffiths, qui a été reçu à la mi-novembre dernier à Paris. La France soutient tout ce qui peut contribuer à l’objectif d’une trêve et d’une relance sans délais et sans préconditions des discussions, en vue d’un accord politique global et inclusif au Yémen.